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Cesare Prandelli, un Condottiere en croisade
Tenu responsable du fiasco de la Squadra Azzurra au Mondial 2014, Cesare Prandelli a regagné l'Italie cet hiver sur la pointe des pieds. L'entraîneur de 61 ans est surtout venu relancer une équipe du Genoa en pleine perdition, à l'aide de sa méthode habituelle : proposer un jeu débridé et respecter l'institution. Après trois premiers mois rassurants malgré des doutes récurrents, Prandelli et ses joueurs comptent bien s’offrir le scalp du Napoli ce dimanche.
La rancœur et l’amertume animent Cesare Prandelli quand il se présente en conférence de presse à la suite de l’élimination de sa Nazionale dès le premier tour de la Coupe du monde 2014. Deux ans plus tôt, il était pourtant porté aux nues après avoir amené l’Italie en finale de l’Euro 2012 à la faveur d’un défi simple : garder le ballon et attaquer de partout. S’il n’a pas fait éclore une génération de phénomènes, et que l’instauration de son code éthique a souvent été moquée, il est celui qui a « rapproché laSquadra Azzurrade l’Italie profonde, l’emmenant dans les camps provinciaux, sur les terres saisies par la mafia ou dans les villes touchées par le tremblement de terre » . Surtout, il a « réconcilié le pays avec son équipe nationale, alors qu’elle n’a jamais eu ses propres supporters » , concédait le journaliste Aldo Cazzulli dans un billet d’humeur salvateur après la défaite 1-0 contre l’Uruguay. Ce soir-là, au milieu d’une mutinerie menée par les sénateurs de l’équipe, De Rossi en tête, le pacte est rompu, et Prandelli préfère partir. Mais le « Condottiere d’Orzinuovi » n’imaginait sans doute pas que les cinq années suivantes seraient un long chemin de croix avant de pouvoir retrouver sa Botte natale.
En eaux troubles
En mars 2017, Prandelli refuse de prendre la succession à Leicester de Claudio Ranieri, évincé comme un malpropre par les Anglais. À cette époque, l’Italien cherche pourtant un nouveau pont à la suite de sa démission éclair de Valence pour une nouvelle question de principes. Il s’engage trois mois plus tard à Al Nasr avec la certitude que les clubs de Serie A le boudent : « En Italie, j’ai dérangé beaucoup de présidents et de nombreux gestionnaires. Mais je suis convaincu que, tôt ou tard, je reviendrai. » Quand le club de Dubaï le licencie après seulement douze petits matchs, le dandy lombard se retrouve au chômage pour la troisième fois depuis fin 2014 et son départ de Galatasaray.
Rapidement, des rumeurs l’envoient à l’Udinese, mais le technicien ne donne pas suite, même s’il avoue attendre une proposition concrète d’un club de Serie A. Celui qui a emmerdé les ténors du Calcio avec Parme et la Fiorentina veut remettre ça et amarre en décembre 2018 à Gênes, fier de ses neuf titres de champion d’Italie. Sauf que le club est en pleine crise sportive depuis le départ en 2016 de Gian Piero Gasperini, respecté lui aussi pour son jeu offensif. Depuis son départ, le président du Genoa a procédé à sept changements d’entraîneur en deux saisons. Symbole d’une flotte qui coule, Ivan Jurić a été coach à trois différentes reprises. À chaque fois moins d’un an, alors que l’ancien joueur de Gasperini apparaissait comme son successeur idéal. Heureusement, Prandelli a accosté pour enfin remettre du jus et du jeu dans un rafiot qui ne cesse de chavirer.
Matelots et moussaillons
S’il savait dès son arrivée que la tâche serait ardue, il savait aussi que le Genoa l’avait recruté pour sa capacité à reconstruire un projet. Comme lors de son introduction à la tête de la Nazionale, le pacte avec les dirigeants est scellé dès son arrivée : se sauver en proposant un jeu technique de qualité. Après un petit point récolté lors de ses deux premiers matchs, le capitaine du navire identifie rapidement les lacunes de son nouvel équipage. « Le message est clair, nous devons reprendre le travail technique, particulièrement chez les jeunes. Nous sommes devenus les maîtres des schémas, les génies de la tactique, mais d’un point de vue technique, nous ne travaillons pas suffisamment pour peaufiner nos talents. » Biberonné par Giovanni Trapattoni quand il jouait à la Juventus puis aidé par Arrigo Sacchi à Parme entre 2001 et 2003, Prandelli a toujours fait passer ses joueurs en premier. S’il concède que le 4-2-3-1 est son module préféré, ses choix tactiques ne sont jamais figés : « Ce n’est pas un dogme, parfois je joue en 4-4-2 ou en 4-3-3. Ma seule certitude, c’est de jouer à quatre défenseurs. »
Pour ce qui est des hommes, il s’appuie sur des matelots d’expérience. Domenico Criscito, revenu à la maison, est son homme de confiance même s’il l’avait écarté à la veille de l’Euro 2012, après que la police italienne avait débarqué à Coverciano pour l’affaire du Calcioscomesse. Il s’est également rapproché de certains cadres du vestiaire comme Sturaro, Miguel Veloso, Pandev ou Marchetti. Des joueurs pas régulièrement titulaires, mais sur qui le Condottiere peut compter. Après le départ au mercato d’hiver de Piątek – bomber en chef avec 13 buts –, Prandelli n’a pas hésité à installer quelques moussaillons. Il a lancé avec succès la recrue Sanabria au poste d’avant-centre, l’entourant régulièrement du longiligne et doué Kouamé. Avec en moyenne plus de 8% de possession de balle par rapport à l’ère Jurić, il a permis à son collectif de remettre la main sur le jeu. Ces changements ont concordé avec une série de six matchs sans défaite, une première depuis la saison 2014-2015. Surtout, plusieurs plusieurs victoires de prestige – contre la Lazio, l’Atalanta et la Juventus – ont rappelé que l’audace de Prandelli avait toujours sa place en Italie.
Mais les deux dernières défaites contre l’Udinese et l’Inter ont montré que le Genoa est une équipe fragile. Preuve en est l’altercation entre Zukanović et Pereira à la mi-temps du match contre l’Udinese, obligeant Prandelli à remettre un peu de prudence dans ses propos. Onzième de Serie A avec six points d’avance sur le premier relégable, le Genoa sait que la tempête n’est jamais loin. En affrontant le Napoli ce dimanche, Prandelli jouera son 15e match à la tête de son navire, l’occasion pour ses troupes de se « battre pour le maillot et se regarder dans les yeux » . Une victoire leur permettrait de préparer au mieux le derby contre la Sampdoria le week-end suivant.
Par Maxime Renaudet
Tous propos issus de La Gazzetta dello Sport.