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- 13e journée
Ces entraîneurs qui pourraient être sur le banc d’en face
En Italie, peut-être plus que n’importe où en Europe, on trouve un petit groupe d’entraîneurs baptisé « les coachs de secours ». Ils s’appellent De Canio, Berreta, Giampaolo, et sont toujours là pour remplacer un mec qui vient de se faire virer. Dernier en date : Mihajlović, qui vient d’arriver au chevet de la Sampdoria.
Les stratégies des clubs italiens ont parfois de quoi laisser pantois. Lors de la saison 2011/12, Siniša Mihajlović est sur le banc de la Fiorentina. Au terme de la 11e journée, son bilan est piteux : trois victoires, quatre défaites et quatre nuls. La Fiorentina végète dans le bas de tableau, et Mihajlović, du coup, est viré. À la place, les dirigeants florentins appellent Delio Rossi, pour que ce dernier relève le club. Rossi obtiendra le maintien (en se faisant virer à deux journées de la fin après avoir mis une mandale à Ljajić). Deux saisons plus tard, le même Delio Rossi est cette fois-ci sur le banc de la Sampdoria. Au bout de 12 journées, son bilan est encore plus calamiteux : deux succès, sept défaites et trois nuls. Du coup, le coach a été viré, et vient d’être remplacé par… Mihajlović. Logique. Ce cas saugrenu n’est pas isolé en Italie. Il n’est pas rare de voir les mêmes entraîneurs se succéder sur les bancs de touche de plusieurs clubs. D’ailleurs, il existe un petit groupe de coachs qui sont toujours appelés pour remplacer celui qui vient de se faire licencier. Des coachs qui, du coup, ne sont plus associés à l’image d’un seul club, mais qui sont plutôt considérés comme les coachs de secours. Ceux qui sont actuellement sur un banc de touche, mais qui pourraient également être dans le camp d’en face.
Situations cocasses
À chaque fois qu’en entraîneur est viré, en Italie, on sait à peu près qui va se retrouver sur le même banc quelques jours plus tard. Pour n’en citer que quelques-uns : Gigi De Canio (Udinese, Napoli, Reggina, Genoa, Sienne, Lecce, Catane), Luigi Delneri (Chievo, Roma, Palerme, Atalanta, Atalanta, Sampdoria, Juventus, Genoa), Edy Reja (Lecce, Torino, Genoa, Catane, Cagliari, Napoli, Lazio), Mario Berreta (Chievo, Parme, Sienne, Lecce, Torino, Brescia, Cesena), Alberto Malesani (Parme, Vérone, Udinese, Empoli, Sienne, Bologne, Genoa, Palerme) ou encore Marco Giampaolo (Cagliari, Sienne, Catane, Cesena, Brescia). Des mecs pas assez bons pour entraîner les top clubs du pays (hormis peut-être Delneri à la Juve, mais c’était une Juve de seconde zone, et il n’a fait qu’une saison là-bas) et qui, du coup, se résignent à écumer la plupart des clubs de deuxième partie de tableau. Ainsi, leur meilleur coup sera d’aller entraîner la Lazio, la Roma ou la Fiorentina, mais souvent (toujours ?) dans des périodes où ces clubs sont en galère. Forcément, à agir ainsi, on se retrouve avec des situations cocasses, comme celle de Delio Rossi qui remplace Mihajlović qui est lui-même remplacé par Delio Rossi. Ou alors, celle de Delneri, qui se retrouve coach de la Sampdoria, puis du Genoa, le club rival. Ou encore de Davide Ballardini, qui a déjà entraîné trois fois Cagliari (2005, 2007 et 2011) et deux fois le Genoa (2010 et 2013).
Ça, c’est pour le constat. Mais qu’est-ce que cela veut dire ? La première analyse serait d’affirmer qu’il n’y a pas de renouvellement d’entraîneurs en Italie. Mais cette imputation serait vite mise à mal par les récentes arrivées sur le devant de la scène de types comme Conte, Montella, Stramaccioni (qui vient d’obtenir son permis d’entraîneur), Di Francesco, Ferrara, Di Carlo ou même, quelques années auparavant, Max Allegri. Il y a donc un roulement, indéniable. Mais alors, pourquoi ce sont toujours les mêmes qui sont appelés pour relever des situations difficiles ? Peut-être parce que, justement, ces entraîneurs là se sont, parfois malgré eux, spécialisés dans ce genre d’exercice. On n’entraîne et on ne motive pas de la même façon ses hommes lorsque l’objectif est le maintien ou le Scudetto. Étrangement, un coach comme Lippi n’a jamais entraîné un club qui avait pour objectif initial de se maintenir, hormis à ses débuts. Idem pour Ancelotti ou Capello. En revanche, on ne verra jamais des gens comme Marino, Arrigoni, Cosmi ou Iachini sur les bancs de l’Inter, du Milan ou de la Juve. À chacun ses moutons.
Toujours les mêmes
Problème : à force d’utiliser régulièrement les mêmes entraîneurs, les clubs obtiennent rarement des résultats éclatants. Oui, un De Canio aura certainement le bagage et l’expérience pour sauver l’équipe qu’il reprend en main. Mais n’est-ce pas là un aveu de la part du club qui, en choisissant un tel entraîneur, semble vouloir signifier à ses supporters : « Nous ne viserons pas plus haut cette année. » Car, soyons francs, les entraîneurs qui obtiennent de vrais résultats (un Scudetto, une qualif en C1, une Coupe d’Italie) en Serie A sont toujours les mêmes depuis dix ans. Ils s’appellent Mazzarri, Conte, Allegri, ou, auparavant, Capello, Ancelotti, Mancini, Lippi, Spalletti, Ranieri et Mourinho, si l’on veut étendre le discours à des coachs étrangers.
Il y a donc trois possibilités. Soit remettre son équipe à l’un de ceux-là (mais encore faut-il en avoir les moyens), soit faire une bonne pioche et dégoter une nouvelle pépite (la Lazio est parvenue l’an dernier à remporter la Coupe d’Italie avec un inconnu, Petković), soit, enfin, donner les clefs à l’un de ces coachs de milieu/bas de tableau, et espérer, au mieux, une jolie neuvième place. C’est indirectement ce que vient de signifier la Sampdoria à Mihajlović. Le club génois est au plus mal, et le Serbe a été appelé pour sauver le navire. Il y parviendra peut-être. Peut-être même que l’alchimie va opérer, et que la Samp va faire une belle deuxième partie de saison, accrochant une dixième place inespérée. Mais l’an prochain, il est très probable que le bon Sinisa se retrouve quinzième après treize journées, et soit remplacé par Marino ou Reja. Qui sera lui-même remplacé par De Canio. Et ainsi de suite. On appelle ça le cycle des coachs. Et tant pis si les choix n’ont parfois aucun sens.
Eric Maggiori