- Coupe du monde 2014
- Équipe d'Italie
- Attaquants
Cerci-Immobile : du frisson au Brésil !
C’est le duo-frissons du moment en Serie A : Ciro Immobile et Alessio Cerci. Les deux attaquants réalisent une saison incroyable sous le maillot du Torino et rêvent de s’envoler tous les deux pour le Brésil. Soutenons-les !
Il y a des moments, dans une saison, que l’on n’oublie pas. Les supporters du Torino en ont vécu un dimanche 13 avril, entre 16h49 et 16h51. Ils viennent tout juste de recevoir un coup de massue sur la tête, avec l’ouverture du score du Genoa à la 85e minute. C’est une nouvelle défaite, cruelle, qui se profile. Mais les deux minutes magiques qui suivent vont offrir plus d’émotions et d’adrénaline aux tifosi que depuis le début de la saison. À la 92e minute, Ciro Immobile, meilleur buteur du championnat, enveloppe un délice de frappe dans la lucarne, sous la Curva Maratona, qui explose littéralement. L’attaquant devient fou et court sous le virage en enlevant son maillot. 1-1, fin ? Tu parles. 62 secondes plus tard, à la 94e minute, porté par un stade en ébullition, Alessio Cerci, l’autre enfant terrible, part en rush solitaire et envoie une frappe de poney du pied gauche dans la même lucarne. 2-1. Le stade est à deux doigts de s’écrouler. Un succès incroyable, et surtout la confirmation que ce Torino-là est le plus beau et le plus imprévisible de ces vingt dernières années. L’équipe tourne à plein régime et rêve même d’une qualification en Europa League. En porte-étendard du drapeau granata, on retrouve donc Cerci et Immobile. Deux Italiens qui jouent l’un pour l’autre, l’un avec l’autre, et qui rêvent de prolonger leur bonheur au Brésil au mois de juin. Possible ? Oui. Et à vrai dire, on a fortement envie d’y croire. Pour plusieurs raisons.
Aller ensemble à Rio
19 pour Immobile, sans le moindre pénalty. 13 pour Cerci. À deux, le duo « Cercimmobile » en est donc à 32 pions en championnat. Aucune autre doublette 100% italienne ne fait mieux en Serie A : Destro et Totti (Roma) en ont marqué 20, Berardi et Zaza (Sassuolo) 19, Cassano et Amauri (Parme) 17. L’entente entre les deux attaquants turinois est évidente, à tel point que les médias italiens les ont déjà surnommés « les jumeaux du but » . Quelques heures après leur exploit face au Genoa, les deux buteurs font bien partie des 42 joueurs présélectionnés par Cesare Prandelli en vue du Mondial brésilien. Rien ne dit qu’ils seront du voyage dans deux mois, mais au moins est arrivée la confirmation que le sélectionneur les a à l’œil. « Ce serait magnifique d’aller au Brésil ensemble, commente Cerci. Mais nos chances passent par les prestations du Toro. Nous devons être performants jusqu’au bout. »
Ce qui est intéressant, c’est que Prandelli a fait le choix (douloureux ?) de laisser à la maison les trentenaires Toni, Di Natale et Totti, au profit de jeunes joueurs comme Berardi, Zaza, El Shaarawy (tiens, il est vivant), Insigne et, donc, le duo granata. Façon de signifier, aussi, que le renouvellement générationnel est en marche, chose que n’avait pas su faire Marcello Lippi en 2010. Mais revenons-en à nos moutons. Ou plutôt à nos taureaux. Pourquoi avoir envie de voir Cerci et Immobile au Brésil ? Pourquoi eux et pas deux autres ? Parce que ces deux-là portent en eux quelque chose d’authentique. Dans sa façon de célébrer les buts, Immobile semble tout droit sorti des années 80. Une célébration intense, une célébration vraie. Un homme qui tape dans les grillages, à l’ancienne. Il y a du Paolo Rossi en lui, c’est une évidence. Cerci est de la même trempe. Parfois critiqué pour ses écarts d’humeur et de conduite, c’est, paradoxalement, typiquement le genre de joueur qui peut marquer un doublé en quarts de finale d’un Mondial. Et lui aussi possède ce quelque chose de « so 80’s » dans sa façon de jouer : c’est un véritable ailier, comme on en faisait il y a 30 ans. Des ailiers à la Bruno Conti, pilier de la Nazionale qui triompha au Mondial espagnol en 1982, ou encore à la Franco Causio, son prédécesseur à ce poste.
Ciro et Alessio, Paolo et Ciccio
Cerci et Immobile évoquent des choses. Ils évoquent l’Italie de 1982, comme dit plus haut. Mais pas seulement. Les supporters du Torino sont en train de revoir en eux deux idoles. Non pas des années 80, mais des années 70. À l’époque, le duo de canonniers est composé de Paolo Pulici et Francesco « Ciccio » Graziani. Lors de la saison 1975-76, le premier termine meilleur buteur de Serie A avec 21 réalisations, le second se positionne sur la deuxième place du podium, avec 15 pions. Cette année-là, le Toro est sacré champion d’Italie. L’unique Scudetto après la tragédie de Superga qui emporta le Grande Torino. 38 ans plus tard, Cerci et Immobile rouvrent les vannes du passé. Ils marquent, se font des passes décisives et font gagner leur équipe. Et le pire, c’est qu’ils n’ont pas coûté cher. Quand le PSG dépense près de 100 millions d’euros pour s’offrir Lavezzi puis Cavani, le président Cairo, lui, n’a pas dépensé plus de 9 millions d’euros pour s’offrir la paire. Et pourrait encaisser plus du triple en cas de revente des deux cet été. De fait, des clubs comme l’Atlético Madrid et le Borussia Dortmund sont déjà venus toquer à la porte. « L’Allemand est une langue difficile à apprendre » , s’est contenté d’affirmer Immobile.
Il y aura le temps pour penser à l’après. Avant toute autre chose, le duo le plus excitant de la saison en Italie a une saison à terminer, avec deux objectifs quasi inimaginables en début d’année : une qualification pour l’Europa League (la sixième place n’est qu’à trois points et le Toro joue ce week-end une confrontation directe face à la Lazio, sans Cerci, suspendu pour avoir enlevé son maillot après son but vainqueur face au Genoa) et un double billet pour le Brésil. Le postulat est lancé : ces deux-là doivent aller à Rio. Leur expérience internationale est proche du néant (une sélection pour Immobile, dix pour Cerci, dont deux titularisations seulement), certes, mais quelque chose nous dit qu’ils pourraient faire des folies pendant ce mois de juin 2014. Après tout, au moment de débuter le Mondial 1990, l’ami Toto Schillaci ne comptait qu’une seule sélection en équipe d’Italie. Ce qui ne l’a pas empêché d’être sacré meilleur buteur du tournoi. L’histoire appartient aux audacieux, Cesare.
Par Éric Maggiori