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Celtic-Partick Thistle, « l’autre » derby de Glasgow
En match en retard de la 14e journée de Scottish Premiership, c'est l'occasion de se réjouir d'un derby de Glasgow légèrement différent de ce que l'on a l'habitude de voir. Et pas seulement parce qu'il paraît déséquilibré sur le papier.
Depuis la descente des Rangers dans les tréfonds du football écossais, on s’imagine la ville de Glasgow légèrement dénuée de tout intérêt footballistique, dans laquelle déambule un Celtic triomphant sans gloire et surtout sans rival. Faux. À l’ombre de l’opposition séculaire et hypertrophiée entre les clubs catholiques et protestants, on oublie souvent que deux autres équipes ont élu domicile au sein de l’enclave glaswégienne. Et si les Queens Park sont bien empêtrés dans le ventre mou de la Scottish League Two, Partick Thistle conteste – ou tente de contester – la suprématie des Bhoys du Celtic depuis deux ans. Et ce, même si le club jaune et rouge est historiquement plus souvent sujet aux railleries qu’aux applaudissements : dans les années 50, Partick Thistle avait été surnommé ironiquement les Maryhill Magyars en référence à l’équipe nationale hongroise, pour la piètre qualité de son effectif. Remonté en 2013 en Scottish Premier League, les Jags ont bien failli faire l’ascenseur dès la saison suivante, sauvés en fin d’exercice par la déroute des Hibernian et, surtout, les quinze points de pénalité infligés aux Hearts pour endettement. Cette année, c’est un Partick Thistle bien plus convaincant qui s’apprête à affronter le Celtic, malgré les quatorze points d’écart qui les séparent et le set de tennis collé en League Cup en octobre dernier par les Hoops (6-0). Longtemps en méforme, l’attaquant vedette Ryan Stevenson, recruté chez les Hearts à l’intersaison, a enfin planté ses premiers buts ce week-end face à Hamilton, en Scottish Cup, tandis que Stuart Brannigan confirme au fil des matchs tout le bien qu’on dit de lui, chaperonné par l’entraîneur et enfant du pays Alan Archibald (plus de 400 matchs joués avec les Jags). Mais outre la simple querelle de clocher, dans quelle mesure l’affrontement entre Partick Thistle et le Celtic peut-il constituer un derby ?
Le jour où les Jags ont bouffé les Lions
D’abord, parce que les Bhoys ont un contentieux historique avec leurs voisins de Firhill Road, qui remonte au 23 octobre 1971. À l’époque, le Celtic Glasgow ne marche même plus sur l’Écosse, il marche sur l’Europe. Premiers vainqueurs britanniques de la Coupe des clubs champions en 1967 face au grand Inter de Helenio Herrera, les gars de Jock Stein sont champions nationaux sans interruption depuis 1966. Idem pour la League Cup qui ne leur échappe plus depuis cinq ans. Forcément, lorsque le fraîchement promu Partick Thistle se présente sur le terrain de Hampden Park, on ne donne pas cher de sa peau. Sam Leitch, journaliste de la BBC, présentera même le match sous cet angle : « En Écosse, c’est jour de finale de League Cup à Hampden Park. Le Celtic affronte Partick Thistle, qui n’a aucune chance. » Sauf que la chance ne s’explique pas, comme disait l’autre. Contre toute attente, les Jags envoient quatre fois la balle au fond des filets d’Evan Williams en première mi-temps. Et même si Kenny Dalglish réduit le score en seconde période, c’est sur le score sans appel de 4-1 que les « Lions de Lisbonne » doivent s’incliner face à Partick Thistle, quelques mois après s’être inclinés face au Feyenoord en finale de Coupe UEFA. Cette League Cup reste d’ailleurs le dernier trophée remporté par les Jaune et Rouge, habitués à végéter dans les divisions inférieures écossaises pendant quarante ans. Peu importe. Exit les moqueries, l’Écosse sait désormais situer le club sur une carte de Glasgow.
Un chardon athéiste
De plus, Partick Thistle s’est toujours illustré dans le football glaswégien par sa différence. Pendant que les masses ouvrières catholiques et protestantes se tiraient la bourre durant les Old Firm, les étudiants et artistes de la ville s’entichaient de ce club athéiste qui jouait tous les dimanches à Firhill Road. L’historien écossais Niall Ferguson, fan du club jaune et rouge, déclara d’ailleurs en 2009 au Guardian qu’ « il est impossible de croire en Dieu et de supporter Partick Thistle » . Une telle laïcité qu’on accorde – à tort – aux fans des Jags la paternité d’un chant qu’on entend parfois dans les travées écossaises : « We hate Roman Catholics/We hate Protestants too/We hate Jews and Muslims/Partick Thistle we love you » ( « On déteste les catholiques/On déteste les protestants aussi/On déteste les juifs et les musulmans/Partick Thistle, on t’aime » ). À dire vrai, les supporters préféreraient chanter « Fuck the pope ! Fuck the Queen ! » ( « Merde au pape ! Merde à la reine ! » ). Ce qui confirme une chose : Partick Thistle est un club écossais jusqu’au bout des ongles. Il l’affiche d’ailleurs autant par son nom que son blason. Le thistle – « chardon » en anglais – est l’emblème écossais depuis les invasions vikings du VIe siècle, soit avant l’arrivée des catholiques et donc des protestants en Alba. Un chardon que l’on a avant tout opposé à la rose anglaise et, surtout, à ce trèfle irlandais qui orne l’écusson du Celtic Glasgow, club fondé par la communauté irlandaise de Glasgow. Et une rivalité irlando-écossaise, ça tient toujours ses promesses.
Par Matthieu Rostac