- France
- FC Nantes
Nantes recrute un recruteur !
C'est la grande nouveauté de la rentrée au FC Nantes : la Maison jaune va se doter d'une nouvelle cellule de recrutement - plus de deux ans après la dissolution de la précédente - dirigée par le désormais ex-Lorientais Baptiste Drouet. Pour enfin rattraper son retard dans le domaine ?
« C’est quelque chose qu’il faut absolument mettre en place. On va commencer par une personne, et il faut trouver la bonne personne, pour qu’elle suive les joueurs toute l’année en France et à l’étranger et être capable, une fois que le coach a défini le profil qu’il souhaite, de lui proposer plusieurs choix. Il faut progresser sur ce point. Travailler beaucoup n’a jamais été un problème, mais on doit être plus professionnels. Ça passe par une cellule de recrutement. » Pour une fois, Franck Kita a fait dans la clarté et la lucidité, jeudi dernier lors de la reprise de l’effectif pro du FC Nantes. Le directeur général du club a mis en exergue un point qui fait depuis longtemps défaut à l’octuple champion de France, et le nom du chef de chantier a été dévoilé ce lundi par Ouest-France : Baptiste Drouet, 33 ans, et donc désormais ex-scout du FC Lorient.
L’homme qui a participé aux recrutements de Trevoh Chalobah, Ibrahima Koné, Montassar Talbi, mais surtout Terem Moffi chez les Merlus est un vieil amoureux des Canaris : « Quand il était jeune, mon père allait voir des matchs du FC Nantes à Marcel-Saupin, mais il a un peu perdu la passion par la suite, racontait-il en mars dernier. Je ne sais pas vraiment ce qui m’a fait aimer le foot, mais j’étais enfant au moment du titre de champion remporté par Nantes en 1994-1995. Derrière, il y a eu la Coupe du monde 1998, les deux Coupes de France gagnées par les Canaris en 1999 et 2000, puis le titre de champion de France 2001… De grands souvenirs. […] J’étais abonné à la Beaujoire avant de commencer à me mettre à Football Manager. »
Fin d’un Mercato agité qui aura vu 9 joueurs nous rejoindre et 17 joueurs nous quitter. Fier du travail réalisé par l’ensemble du club du @FCLorient cet été pour entamer ce nouveau cycle sous la houlette de @regislebris. 🔜 pic.twitter.com/lEH7RX8plV
— Baptiste Drouet (@BaptisteDrouet) September 6, 2022
Avant son arrivée à la cellule de recrutement du FCL (en novembre 2019), Drouet a eu un passé de collaborateur d’agent de ses 22 à ses 29 ans (à la sortie d’un bac+3 en droit et grâce à quelques contacts), aux côtés de Jean-Charles Parot : « C’est grâce au papa de Léo Dubois, que j’ai rencontré lorsqu’il était en U16. […] Je peux citer Léo Dubois, que j’ai connu tout jeune, Valentin Rongier, Benjamin Bourigeaud, qu’on a accompagné pour ses débuts chez les pros, Paul Nardi, Farid Boulaya… J’ai aussi été marqué par Sofiane Hanni. » Dans le Morbihan, il a pu travailler dans un cadre stable, pour une équipe à l’ADN marquée et aux idées de jeu bien définies. Tout le contraire de ce qui l’attend à la Jonelière, en somme. « Ma force, c’est que j’aime beaucoup travailler en vidéo, pose-t-il. C’est un sujet en ce moment, car les clubs réfléchissent de plus en plus à la part que doit occuper la vidéo. »
Contacté, Matthieu Bideau – responsable du recrutement au centre de formation – se réjouit de l’arrivée de Drouet : « C’est une excellente chose, car ce n’est ni plus ni moins que la logique et le bon sens pour un club professionnel. Nous sommes neuf à travailler sur les jeunes en dessous à la formation depuis plus de dix ans, et n’avoir personne en pro au niveau recrutement était une anomalie. Faire le tri là-haut, être à l’affût des opportunités en devenir et anticiper les éventuels départs est le nerf de la guerre. Le recrutement est une donnée vitale pour tous les clubs, et c’est très bien que notre direction s’arme à ce niveau. »
La fin du règne des agents ?
La séquence avait fait son petit bruit : « On n’a pas de cellule de recrutement, j’ai des copains qui ont appelé, on a regardé et puis on a fait des propositions », racontait Antoine Kombouaré, en plein mercato 2021. Inévitablement, les erreurs de casting font partie de la culture locale : les plus retentissants restent Kolbeinn Sigþórsson, Anthony Limbombe ou Renaud Emond, ces dernières années. Ceux de la saison 2022-2023 s’appellent Moussa Sissoko (qui a fait exploser le plafond salarial du club pour des prestations poussives), Andy Delort (acheté pour cinq millions à l’OGC Nice, revendu au Qatar pour moitié moins), ou encore João Victor. Après la dissolution, en décembre 2016, de la cellule de recrutement formée par Olivier Monterrubio et William Ayache depuis l’été 2014, il avait fallu attendre janvier 2019 et les efforts de Vahid Halilhodžić pour qu’une nouvelle doublette soit mise sur pied. Cela aura duré une grosse année, avant que Chérif Oudjani et Jean-Marc Chanelet ne prennent la porte. La continuité ? Le clan Kita ne connaît pas.
« Quand on est arrivé avec William, on a démarré de zéro, soufflait Monterrubio, sur France 3 Pays de la Loire il y a quatre ans. Il n’y avait rien du tout, aucun rapport, aucun joueur, aucun suivi. (Les Kita) ne connaissent pas les joueurs. Ils les connaissent par les agents, c’est tout. » Des relations qui posent d’ailleurs problème : fin juin lors d’un déplacement à Toulouse, le fils Kita et le sulfureux Mogi Bayat – longtemps décrit comme le directeur officieux du club – en étaient presque venus aux mains ; jeudi dernier, le premier nommé a été mis en examen – et placé sous contrôle judiciaire – en compagnie des agents Bakari Sanogo et Joaquim Batica, pour « blanchiment, blanchiment aggravé, blanchiment de fraude fiscale, exercice illégal de l’activité d’agent sportif et exercice de l’activité d’agent sportif sans licence valable », entre autres.
Bravo au FC Nantes pour le choix de @BaptisteDrouet. De l’intelligence, du process, de la rigueur, sait faire beaucoup avec très peu. Heureux pour lui. Je lui souhaite très sincèrement la plus grande des réussites au FC Nantes. https://t.co/iy8mrg8i3j
— Enzo Djebali (@EnzoDjebali) July 10, 2023
« (La cellule de recrutement) a une importance dans un club, car elle ne doit pas être modifiée en fonction d’un entraîneur, estimait de son côté Chanelet pour France Bleu Loire Océan, en avril 2021. Elle doit être indépendante et servir à être force de proposition. Or à Nantes, il n’y a pas de cellule. On en crée une parce que tel entraîneur en veut une. Cet entraîneur n’est pas gardé au bout d’un an et demi, on détruit la cellule, un autre entraîneur arrive, on en reconstruit une. […] Les agents ne sont pas des directeurs sportifs ou des recruteurs qui travaillent dans l’intérêt d’un club. » Le FC Nantes vient peut-être enfin de le comprendre.
Par Jérémie Baron
Propos de Matthieu Bideau recueillis par JB