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Cédric Villani, rien à foot
Engagé dans la course à la mairie de Paris, Cédric Villani se fait régulièrement remarquer pour sa méconnaissance en football, tombant, au choix, dans le piège de la course à la normalité, ou dans ceux tendus par les journalistes. D'où cette question : pourquoi faire semblant ?
Cédric Villani est une pipe en football. Il sait compter deux par deux et lacer ses chaussures. Il sait remonter sa fermeture éclair et boutonner ses boutons, rouler à vélo et trottiner à trottinette. En revanche, il s’y connaît encore moins en foot que Franklin la tortue, et c’est bien normal : le type a probablement passé une moitié de son existence le nez collé sur des équations, et l’autre à se blanchir la manche à la craie à force d’écrire sur un tableau d’ardoise. Chacun occupe son temps avec les triangles de son choix ; ceux du Barça ou ceux de Pascal.
Ne rien y connaître en football n’est pas une tare, mieux, ce n’est pas grave, et certains y verraient même une qualité. Alors pourquoi faire semblant ? Car c’est ce que c’est, sinon un mensonge, tout du moins un tour de passe-passe raté : Villani est une pipe en football et, pour une raison inconnue, il s’évertue à prouver l’inverse.
Des ordures en corbeille ?
Le problème, c’est qu’il le fait maladroitement, évidemment, et sur les plateaux TV. « Ça m’arrive d’aller au Parc Saint-Germain » pour l’exemple le plus récent, sûrement pour supporter le Paris des Princes. Encore une fois, ne pas lui jeter la pierre : médaillé Fields en 2010 pour ses contributions relatives aux équations de Boltzmann et de Vlasov, c’est comme si l’on demandait à Jean-Pierre Papin d’expliquer le théorème de Pythagore, ou à Eric Clapton de jouer du violoncelle.
Quand Cédric Villani s’emmêle les pinceaux sur le PSG et le « Parc Saint-Germain » pic.twitter.com/kot9VUnGYF
— BFM Paris (@BFMParis) November 21, 2019
Rarement quelqu’un aura aussi bien correspondu à cette citation de Groucho Marx : « L’ennui, c’est que nous négligeons le football au profit de l’éducation. » Cédric Villani est issu d’une famille d’universitaires et d’artistes, son grand-père était peintre, ses deux parents enseignaient la littérature, ses oncles et tantes étaient jazzmen, agrégés de philosophie, poètes. Trahissons un secret : il y a deux ans, le 1er avril 2017, à l’occasion d’un papier jamais paru sur les rapports entre les mathématiques et le football, nous avions pris contact avec celui qui était encore directeur de l’Institut Poincaré. Un simple échange de cordialité par mail, envoyé depuis un train entre Ljubljana et Zagreb, suffisant pour savoir que le bonhomme était un bon gars, mais aussi qu’il n’avait pas grand-chose à dire sur le sujet. Pourquoi ? Pour ça : « Je suis devenu intéressé par le football sur le tard, mais ma culture en la matière reste rudimentaire. »
Le « tard » dont il parle remontait en réalité à un an plus tôt, à l’Euro 2016, après 43 ans à s’intéresser au tennis et au tennis de table. Soit, et on n’en attendait pas vraiment plus. Non, le souci, c’est que depuis son entrée en politique, et plus particulièrement sa présentation à l’élection de la mairie de Paris, Cédric Villani multiplie les appels de phare : si, si, je m’y connais ! On l’aperçoit régulièrement dans la corbeille du Parc des Princes, il donne des interviews, fait du name-dropping. « Je laisse dire, mais si je n’étais pas au Parc, on me le reprocherait, dit-il. Mais cela veut sûrement dire que j’ai gagné en visibilité. » Sûrement.
Poules, lapins, chat
D’où cette question : quelle est cette doxa qui exige de s’y connaître en football pour être maire de Paris ? Quel est l’idiot qui l’a instaurée ? Anne Hidalgo, qui n’y touche pas bien plus, fait le minimum, mais le fait bien. Messages basiques à Neymar – « J’aime Paris » – et autres banalités. Elle en rajoute un peu, comme Benjamin Griveaux, comme Gaspard Gantzer, comme les autres. Sauf que Cédric Villani est complètement paumé sur le sujet, et que l’effet en devient contre-productif : en bégayant comme John Scatman devant une journaliste qui lui demande de citer les champions du monde de l’effectif du PSG, il se ridiculise. Pas de mal à jouer les connaisseurs, c’est le jeu politique. Et, comme il le dit lui-même, « le PSG est absolument impossible à négliger. Il faut se rendre sur place pour comprendre et partager ce qui fait vibrer les Parisiens passionnés de football. » Mais pour jouer les connaisseurs, il faut s’y connaître.
Le pauvre se fait moquer sur les réseaux, alors que l’on est prêt à parier qu’avouer une totale méconnaissance en matière de football aurait un effet de transparence qui plairait à ceux qui sont dans le même cas, et ne déplairait pas aux autres. Personne n’élit un maire parce qu’il connaît David Rozehnal. Ou parce qu’il tweete « 3-0 ! Un formidable esprit d’équipe, un Di María des grands soirs et un immense Idrissa Gueye ! » après la réception du Real Madrid le 19 septembre dernier. Cédric Villani est une pipe en football et porte des broches araignées. Il en a plus de 40, parce qu’il en est fasciné. Au Parisien en 2014, il confiait avoir chez lui « des poules, des lapins, un chat » . Le problème, c’est qu’il pense aussi parler à 2,141 millions de pigeons.
Par Théo Denmat
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