- France
Cédric Fauré : « Avec sa phrase sur Zidane, Noël Le Graët a montré sa vraie personnalité »
Dimanche soir, Cédric Fauré a, comme beaucoup de monde, dénoncé sur Twitter le manque de « respect » dont Noël Le Graët a fait preuve à l’encontre de Zinédine Zidane. L’ex-attaquant a de surcroît fait le lien avec son expérience personnelle, puisqu'il a évolué à l’En Avant Guingamp lorsque l’actuel patron de la FFF en était le président.
Quels étaient tes rapports avec Noël Le Graët au moment de ton arrivée à Guingamp, à l’été 2004 ?Au début, tout se passait très bien. C’est lui qui me voulait. Il a mis tous les moyens qui étaient à sa disposition pour me faire venir. Mais après, ça s’est compliqué.
C’est-à-dire ?J’avais besoin d’un temps d’adaptation. Pour la première fois de ma vie, je quittais la région toulousaine, et passer de la quatrième ville de France à Guingamp, ça crée forcément un changement. En plus, j’avais des soucis privés. Tout cela s’est répercuté sur le terrain (un but sur ses douze premiers matchs de championnat, NDLR). Aux yeux du président, je n’étais pas assez performant. Et c’est là que j’ai vu son vrai visage.
Que s’est-il passé ?À l’époque, j’avais les cheveux longs. Un jour, le président m’a dit : « Je vais t’acheter une glace, parce que sur le terrain, tu passes plus de temps à te recoiffer qu’à jouer au foot. » Bon, ça ne fait pas super plaisir, mais ça restait anecdotique. Et puis, on a vécu un drame avec mon ex-femme, qui a fait une fausse couche. Je suis arrivé dans le bureau du coach (Yvon Pouliquen, NDLR) pour lui en parler. Le Graët était là. Il m’a lancé en rigolant : « Ah, ça y est, tu as décidé de marquer des buts ? » Je lui ai répondu : « Non président, je venais juste dire qu’on avait perdu notre enfant. La prochaine fois, il faudra réfléchir avant de parler. » Les joueurs, le staff, tout le monde a été super avec moi. Les supporters m’en voulaient un peu au début de la saison, parce que je ne mettais pas un pied devant l’autre. Mais quand ils ont su ce que j’avais vécu, ils m’ont soutenu, avec beaucoup de compassion. Le président, lui, s’est contenté d’un : « Ah, je ne savais pas. » C’est tout. Quand ça n’allait pas, j’aurais aimé qu’il m’appelle, par exemple pour me remonter le moral. S’il n’a pas d’intérêt à te parler, il s’en fout de toi.
Tu as fini la saison en boulet de canon (11 buts sur les 12 dernières rencontres) et, pourtant, tu as quitté l’EAG dans la foulée. À cause de lui ?Oui. Le Graët, son intérêt, c’était que je marque des buts pour son club. Quand j’ai commencé à beaucoup planter, il s’est intéressé à moi. Il voulait que je reste. Pas moi. Parce que j’encaisse, je ne dis rien, mais j’ai une bonne mémoire. Et même si j’avais pris mes repères, que je m’entendais bien avec mes coéquipiers, je ne me voyais pas rester à cause de cet homme.
Ton tweet en a surpris plus d’un, parce qu’on a l’impression que Noël Le Graët était une personne très appréciée à Guingamp.Attention, je ne remets pas en cause ce qu’il a fait, pour la ville comme pour le club. C’est énormément de boulot et je respecte ça. En revanche, j’ai eu du mal avec l’homme et sa façon de se comporter avec les autres. C’était quelqu’un de très autoritaire, il n’avait pas de relationnel avec les joueurs, en tout cas pas avec moi. Ce n’est pas quelque chose que j’apprécie.
Le Graet déjà à Guingamp tu étais un président qui n’avait aucun respect pour les joueurs dont je faisais partie et aujourd’hui tu manques de respect à Zidane, mais quelle honte pour le football français d’avoir un président comme toi. Juste dégage et rend les clefs.
— cedric faure (@lissangel9) January 9, 2023
Tu es revenu à l’En Avant quelques années plus tard (2012-2014), alors que Noël Le Graët avait passé la main à son gendre, Bertrand Desplat. Tu as noté du changement ?Quand je suis revenu, dans la direction comme dans la manière de faire, j’ai vu un autre club. Bertrand Desplat était plus proche des joueurs, il venait souvent aux entraînements, on avait une relation très différente. Quand j’ai voulu partir en Belgique, il a tout fait pour que ça puisse se boucler dans les meilleures conditions. Je pense avoir laissé une très bonne image là-bas. Si j’y retourne demain, les supporters seront contents de me voir.
Que t’ont inspiré ses récents propos sur Zinédine Zidane ?Avec sa phrase sur Zidane, Le Graët a montré sa vraie personnalité. S’il avait eu besoin de Zizou, il aurait bien sûr parlé différemment. Sauf que là, il s’en fout, étant donné que Deschamps reste en poste. Je ne sais pas comment il a fait pour être maintenu aussi longtemps à la tête de la fédé, parce qu’il a pas mal de casseroles au cul. C’est malheureux, parce qu’on a tout pour faire de belles choses, il y a plein de personnes suffisamment compétentes et capables d’amener le foot français encore plus haut.
Il y a eu énormément de réactions depuis dimanche soir, dont celle de Kylian Mbappé.Quand quelqu’un avec le statut de Mbappé se permet de répondre ça, ça veut tout dire. Maintenant, je suis étonné que d’autres joueurs n’aient pas pris la parole. C’est ça que je ne comprends pas trop. En fait, cette équipe de France, c’est un repas entre amis : tout le monde a intérêt à être là, donc personne ne va cracher sur les autres. Et ça ne peut pas avancer.
Propos recueillis par Raphaël Brosse