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Cédric Bakambu : « Florent Ibenge n’est plus l’homme de la situation »
La CAN, sa situation actuelle en Chine, ses envies de Premier League et de Liga, mais surtout la situation de la République démocratique du Congo... Le joueur africain le plus cher du monde n'évite aucun sujet, et donne un avis tranché sur les choses à améliorer à la tête de sa sélection. À commencer par l'homme du banc.
Quel bilan tires-tu du parcours de la RDC, lors de la dernière CAN ?Il est plutôt négatif, parce que tout le monde attendait beaucoup plus de l’équipe nationale, même si on a sauvé les meubles en se qualifiant de justesse pour les huitièmes de finale (lors desquels la RDC s’est fait éliminer aux tirs au but par Madagascar, N.D.L.R.). On n’a gagné qu’un match sur quatre, et concernant le jeu, on n’a pas été à la hauteur de nos attentes et de celles du public.
À quoi est-ce que tu attribues cette défaillance ?Je pense que l’équipe arrive à la fin d’un cycle et maintenant, l’important va être de savoir réagir en rectifiant rapidement les choses parce qu’il faudra être prêt pour les prochaines échéances qui vont arriver très vite.
Florent Ibenge, le sélectionneur, est-il toujours l’homme de la situation ?Lorsqu’un joueur est mauvais, on le remplace. Je pense qu’il devrait en être de même à tous les niveaux, que ce soit pour les entraîneurs ou pour les responsables de la Fédération. Le football de haut niveau réclame de l’exigence à tous les niveaux, avec des remises en question à tous les postes. Et aujourd’hui, à titre personnel, je pense que Florent Ibenge n’est plus l’homme de la situation, même si je n’oublie pas qu’il a fait du très bon travail à la tête de la sélection.
Lorsqu’il a été nommé, l’équipe était au plus bas et il l’a menée à la troisième place de la CAN en 2015, puis en quarts en 2017. Mais aujourd’hui, la sélection ne progresse plus. Pour passer un cap, je pense que nous devons renouveler le staff. À sa décharge, il faut aussi dire que Florent Ibenge n’a pas été aidé, dans le sens où il n’a pas forcément été mis dans les meilleures conditions. En plus de la sélection nationale, il doit s’occuper de son club, l’AS Vita, qu’il entraîne également. Donc, il manque de temps. Je lui ai déjà demandé pourquoi il ne venait pas nous voir jouer dans nos clubs respectifs. Il m’a répondu qu’il n’avait pas le temps, et que ce n’était pas lui qui décidait, mais les instances. Normalement, cela ne devrait pas être à moi de démarcher les binationaux pour qu’ils rejoignent la sélection comme je l’ai fait avec Arthur Masuaku, Gaël Kakuta, Giannelli Imbula ou même Steven Nzonzi. Au niveau de la Fédération, il faut vraiment que des mesures soient prises pour qu’on puisse avancer tous ensemble.
Il semblerait que beaucoup d’internationaux congolais souhaitent la venue de Claude Makélélé à la tête de la sélection. C’est ton cas ?Je sais qu’il était à Kinshasa la semaine dernière, pour rencontrer le président de la République. Mais personnellement, je ne le connais pas, donc je ne sais pas ce qu’il en est exactement.
Tout ce que je sais, c’est qu’il a été un très grand joueur, qu’il connaît le football mieux que nous tous et que son expérience lui donne suffisamment de crédibilité pour postuler de telles responsabilités. Je ne vais pas cacher que me faire entraîner par Claude Makélélé serait un honneur, mais encore une fois, je ne suis au courant de rien. J’attends simplement la suite.
Il y a 18 mois, tu quittais Villarreal pour le Beijing Guoan en devenant le joueur africain le plus cher de l’histoire avec un transfert estimé à environ 72 millions d’euros. Tu te plais toujours en Chine ?Je vis une deuxième saison beaucoup plus compliquée que la première parce que j’ai moins de temps de jeu, mais c’est un endroit et un club qui me plaisent et où je m’épanouis. J’ai marqué 23 buts la saison passée, on a remporté la Coupe de Chine. Et cette saison, on est toujours en course pour le titre de champion. Donc je n’ai pas à me plaindre.
À quoi est dû ton faible temps de jeu ?C’est un choix du coach, tout simplement.
Vu de l’extérieur, les observateurs jugent souvent ce genre de transfert comme un échec en considérant que « c’est du gâchis » ou que « tu t’enterres » et en occultant que tu es en train de réussir ta vie. Tu comprends ce type de réaction ? C’est dommage, mais il faut le vivre pour comprendre.
Lorsque j’ai signé en Chine, beaucoup de joueurs, y compris mes coéquipiers de l’époque, m’ont félicité. Les gens du milieu comprennent, c’est un choix de vie. Certains privilégient l’aspect sportif, d’autres l’aspect financier. À ce moment de ma carrière, le financier primait sur le sportif et c’est pour cela que je suis parti.
En Chine, qu’est-ce qui te manque le plus par rapport à la France ?Les baguettes de pain. Au petit-déjeuner, c’est dur de faire sans.
Ils mangent quoi, à la place ?Des nouilles !
Même au petit-déjeuner ?Oui. Ils en prennent matin, midi et soir.
En décembre 2016, alors que tu jouais pour Villarreal, tu nous disais que tu voulais évoluer en Premier League. C’est toujours le cas ?Ouais !
On me demande souvent où je souhaiterais aller après la Chine, je réponds toujours que les deux championnats qui m’intéressent sont la Liga et la Premier League. Je suis approché par des équipes de ces championnats lors de chaque mercato, donc je ne me fais pas de souci par rapport à cela. Le moment venu, je déciderai de rentrer en Europe. Mais pour l’instant, ce n’est pas d’actualité.
Donc aujourd’hui, tu confirmes que des clubs anglais sont entrés en contact avec ton agent ?Oui. Surtout qu’il s’agit de Joshua Barnett, un Anglais. Et j’ai aussi laissé une bonne image en Liga, donc je ne me fais pas de souci. Ma seule inquiétude, c’est de marquer des buts. Tant que je marquerai, j’aurai des propositions.
Même si tu joues moins cette saison, tu as tout de même planté quatre fois en sept matchs. Donc, ça va…Ouais. Le problème, ce ne sont pas les quatre buts, mais plutôt les sept matchs. Mais ça va, je sais que je vais rebondir. Les choses vont changer, cela va vite dans notre métier, dans un sens comme dans l’autre.
Cela peut aller vite, dès cet été ?Je suis toujours dans l’expectative, mais je pense que je vais finir la saison en Chine, même si on ne sait jamais de quoi demain sera fait.
Dans l’idéal, tu voudrais jouer dans un club de Premier League de quelle catégorie ?Peu importe, tant que ça joue bien au ballon ! Le plus important, c’est toujours de prendre de plaisir.
Cela fait quoi d’être le joueur africain le plus cher de l’histoire, mais de pouvoir quand même se balader dans Paris en toute tranquillité ?C’est sûr que c’est agréable, j’ai tous les avantages.
Le montant du transfert, c’est surtout une fierté pour les gens de ma famille parce que ce n’est pas moi qui touche cet argent. Récemment, sur la chaîne L’Équipe, ils ont fait un quiz pour trouver les joueurs les plus chers du championnat chinois et j’étais numéro 1. Sur Snapchat, j’ai reçu plein de captures d’écran de l’émission. Pour te dire comme les gens sont fiers de moi.
Est-ce que le petit Cédric Bakambu qui grandissait à Vitry-sur-Seine s’imaginait vivre tout cela, un jour ?Jamais de la vie ! Je n’ai pris conscience que je pouvais devenir professionnel que lorsque je suis entré au centre de formation de Sochaux, à quinze ans. Avant cela, je ne me prenais pas la tête et je jouais simplement pour le plaisir.
Propos recueillis par Mathias Edwards