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Ceci n’est pas un Boxing Day
Il est parfois courageux de s'opposer aux discours ambiants, il est aussi parfois bon de le suivre. Depuis cinq ans, toute la Belgique se plaint d'avoir hérité d'un Boxing Day dont elle n'a jamais voulu. Voici pourquoi.
Le foot après la dinde, la bûche et les cadeaux, c’est un peu comme un deuxième Noël. Et deux Noël, cela fait forcément rêver. En Angleterre, du moins. Parce que le 26 décembre est un jour férié et que les Anglais sont fous de football. Partout ailleurs, deux Noël, c’est un de trop. Surtout quand on doit manier belle-famille, grande tante et gastroentérite.
Pour la gastro, en Belgique et en décembre, il y avait déjà Saint-Nicolas et ses spéculoos. Depuis cinq ans, il y a aussi ce que beaucoup ont du mal à appeler un « Boxing Day » . Une journée historiquement destinée à la distribution des restes de la veille aux plus pauvres dans certains pays du Commonwealth, mais qui est connue de tous comme étant une journée de foot (et de débauche ?) outre-Manche. Bref, un truc qui n’aurait jamais dû rien avoir à voir avec le royaume de Belgique. Principalement parce que personne n’en voulait. Aujourd’hui, le bébé a déjà cinq ans, et il n’y a toujours personne pour savoir s’il faut vraiment le garder.
Pas de public, pas de Boxing Day
La réponse paraît pourtant simple. En Angleterre il y a des stades mythiques, des affiches hebdomadaires, et des retransmissions full HD sur la BBC. En Angleterre, il y a donc une culture foot. En Belgique, les stades sont désuets, les affiches annuelles et les retransmissions télévisées maladroitement résumées en de trop courts épisodes sur le service public. Bref, la Belgique et sa Jupiler Pro League, c’est chouette, mais ça fédère très peu. Parce qu’en Belgique, la culture foot est à un supporter ce que le fanatisme est à un footix. En d’autres termes, le 26 décembre, le Belge a d’autres priorités que d’aller se les peler en tribunes visiteurs. Comme M. Tout Le Monde, le 26, le Belge est K.O et cherche à digérer. Là où l’Anglais, lui, se lève plein d’entrain pour aller voir du foot, boire des mousses et puis digérer. Parfois même en famille. La différence est là. Du coup, les chiffres sont implacables. Chaque année, le Boxing Day bat de nouveaux records d’impopularité en Belgique, quand il continue d’être une formidable manne financière en Grande-Bretagne.
Il serait évidemment totalement faux d’imputer une quelconque responsabilité aux supporters. Au moment d’instaurer le Boxing Day lors de la saison 2009-2010, les autorités belges avaient tout de suite refroidi les ardeurs de la Ligue en interdisant la programmation de matchs à risques le lendemain de Noël. Logique et compréhensible à partir du moment où les effectifs policiers sont traditionnellement réduits à cette période. Dès lors, le raisonnement aurait pu apparaître comme limpide auprès des autorités compétentes. Pas de policier, pas de sécurité –> pas de sécurité, pas d’affiches susceptibles de brasser large –> pas d’affiches, pas de public. Pas de public, pas de Boxing Day. C’est tout l’inverse qui s’est passé, et cinq ans plus tard, la question de la poursuite de cette mascarade a bien entendu souvent été posée aux pouvoirs compétents.
Incongruité actuelle du championnat
La réponse est aussi souvent la même : « Un calendrier surchargé. » Une bonne idée en appelant une autre, l’instauration des playoffs a de fait augmenté le nombre de journées dans le championnat belge. Passant de 34 à 40. Cela avait alors sans doute pour but de faire de la Jupiler Pro League le premier championnat à mi-chemin entre la NBA et la Premier League. Censés homogénéiser le niveau du championnat, les playoffs ont surtout rallongé celui-ci. Conséquence de quoi, le Boxing Day a fait son apparition pour combler les manques d’un calendrier trop court. Aussi coupable que son géniteur de l’incongruité actuelle du championnat belge, le Boxing Day est tout sauf un produit d’appel pour la Jupiler Pro League. Il doit donc cesser, puisque même ce timbré de René Magritte n’aurait pas trouvé de logique à cette incohérence surréaliste.
Par Martin Grimberghs, à Bruxelles