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Ce qu’il faut retenir de la saison du Real Madrid
Fidèle à ses dernières saisons en Liga, le Real Madrid n'a pas remporté le championnat espagnol. La faute à une gestion calamiteuse de sa direction, une baisse de régime post-Nouvel An et un système peu enclin aux rotations. Et pourtant, il y a eu de belles choses, de Colombie et d'ailleurs.
L’analyse définitive
Depuis le retour de Florentino Pérez aux affaires, il y a de ça six ans, le Real Madrid n’a engrangé qu’une petite Liga. Cette édition n’a fait que confirmer les maux merengues. Incapable de se fier aux avis de son entraîneur tout juste auréolé de la Décima, le président blanc a donc taillé en pièce la colonne vertébrale des succès de Valence et de Lisbonne. Résultat des courses, les prédictions de Carlo Ancelotti se sont vérifiées et l’ont poussé vers la sortie. Pas même les 22 victoires consécutives de l’automne et le jeu enchantant qui les a accompagné – sans doute le meilleur football pratiqué depuis bien longtemps au Santiago Bernabéu – n’ont eu raison de la tête de l’Italien. Avant cela, un début de championnat galère, cristallisé par une défaite à domicile dans le derbi madrileño, avait déjà fragilisé sa position. Les blessures en cascade de janvier, la forme resplendissante de Messi et celle déclinante de Ronaldo ont finalement eu raison d’une course-poursuite avec les Blaugrana conclue à l’avant-dernière journée. Mais plus que le projet CR7, c’est bien celui de Florentino Pérez qui est à revoir. Car il ne le sait pas encore, mais Carletto va drôlement lui manquer.
Le match chef-d’œuvre : FC Séville 2-3 Real Madrid
Longtemps, le Real a imaginé son calendrier favorable à celui du Barça. Raté, les Catalans ont réussi un sans-faute, le nul concédé au Sánchez-Pizjuán étant leur seul bémol. Une enceinte sevillista qui a connu un rôle de juge, puisque les Merengues s’y sont rendus lors de la 35e journée. Suite à la défaite du Juventus Stadium, ils se savaient attendus. Et ont répondu présents. Plutôt adepte des hat-tricks inutiles, Cristiano Ronaldo a cette fois joint l’agréable. Tout en puissance, le Portugais a réduit à l’état de poussière les véhémence locales. Dommage, car le niveau de jeu affiché par les hommes d’Unai Emery promettaient un début de soirée galère. Le nez de Krychowiak en vrac, l’homme de cire dégaine par deux fois, de la tête puis du bout du pied nez. Une absence de Sergio Ramos plus tard, les Sévillans reviennent avant la pause. Une pause qui ne calme pas les ardeurs de Ronaldo et de sa détente jordanesque. Malgré une réduction du score d’Iborra et une pression folle, les Madrilènes en sortent grandis. Et rêvent encore d’un possible titre.
Le tournant de la saison
La victoire n’arrache pas même un rictus à Carlo Ancelotti. Vainqueur 3-1 face à Málaga, son Real garde pourtant le contact avec le FC Barcelone et ne s’est guère foulé en prévision du quart retour de la Ligue des champions face à l’Atlético. Pour sûr, son métronome et dépositaire du jeu croate, aka Luka Modrić, vient de se péter pour la seconde fois de la saison. Le lendemain, dimanche 19 avril donc, le verdict tombe : une entorse au genou droit et des maux de tête en prévision. Bien qu’adepte de la positive attitude et préférant « trouver des solutions là où il y a des problèmes » , Carlo Ancelotti vit le forfait jusqu’à la fin de saison du Croate comme un drame. Une vision horrifique justifiée tant le Real devient bancal. Incapables malgré toute leur bonne volonté de reprendre le flambeau de Luka, James et Isco ne peuvent assumer l’abattage défensif du relayeur. Quant à l’expérimentation Sergio Ramos en sentinelle, vraie faute de gout face à la Juventus, elle s’est avérée agréable le temps d’une soirée sévillane homérique. Insuffisant néanmoins pour surmonter la perte du Iniesta merengue, Modrić.
Le meilleur joueur : Marcelo
Hormis les locaux Sergio Ramos et Iker Casillas, Marcelo demeure le plus ancien Madridista de l’effectif actuel. Débarqué en janvier 2007 avec ses faux airs de Robinho et ses vrais carences défensives do Brasil, le natif de Rio de Janeiro n’a cessé de progresser année après année, entraîneur après entraîneur. En concurrence avec Coentrão la saison passée, il y a mis fin lors de la présente – bien aidé par les pépins du Portugais, il est vrai. Plus qu’une ligne de statistiques bien gonflée (53 apparitions, neuf passes décisives et quatre buts), son impact dans le jeu offensif n’a cessé de croître. De même, sa solidité défensive est montée d’un cran, a contrario d’un Carvajal pas vraiment dans ses pompes cette saison. Pour sûr, son statut de dernier buteur de la saison merengue lui revient de bon droit, lui le contre-attaquant de nature. Il reste tout de même un peu de boulot avant d’offrir des golazos à la Roberto Carlos.
Le joueur révélation : James Rodríguez
Sans doute les millions les mieux utilisés par Florentino Pérez depuis le début de son second mandat. Recruté contre une petite fortune de 80 millions d’euros, James Rodríguez avait un statut de joueur frisson du dernier Mondial à assumer. Il l’a fait, et de quelle manière ! Pour les amoureux des chiffres et de la NBA, le Colombien de 23 ans affiche 17 buts toutes compétitions confondues et 13 caviars qui lui octroient le statut de MIP de la saison. Pour les amoureux artistiques, il reste avant tout un esthète à plein temps, capable de faire chavirer un match sur une action de génie, ou les cœurs par un contrôle aux mille délices. Enfin, pour les amoureux du stakhanovisme, il répète les efforts sans broncher et avale les kilomètres sans même faire dégouliner une goute de sueur. D’ailleurs, sa fracture du pied en février a tout sauf aidé un onze madrilène déjà dépend de son gamin en or.
Le flop : Gareth Bale
« Il aurait mieux fait de continuer à se taire. Sincèrement, je ne comprends pas ce qu’il a voulu dire parce que Bale est heureux au Real Madrid » . Carlo Ancelotti a beau se rebeller face aux déclarations de l’agent de Gareth Bale, ce dernier n’en a pas moins soulever le problème de l’homme qui valait 100 millions d’euros : est-il heureux au Real ? Son statut de joueur le plus onéreux de l’histoire, le Gallois semble avoir bien du mal à le digérer. Buteur décisif lors des finales de Coupe du Roi et de Ligue des champions, il a perdu son totem d’immunité suite à une saison où ses éclairs individuels n’ont su faire oublier ses carences collectives. Complètement à côté du moule madrilène, il doit espérer un retour rapide sur son île. Son talent intrinsèque n’étant débattu par personne, il n’en reste pas moins une erreur de casting en Liga, en témoigne cet exercice où il a souvent ressemblé à son ombre.
Il a dit…
Eméché par un apéro prolongé ou fatigué par cette fin de saison, Florentino Pérez a fait fort dans sa lettre d’adieu à Carletto. Aujourd’hui encore, tout bon Madridista cherche encore le sens de cet élan, de ce souffle. Soutenu par tout un vestiaire, apprécié par tout un stade et coach du Real Madrid le plus victorieux de l’histoire – en terme de pourcentage de succès, pas de trophées décrochés, entendons-nous -, Carlo Ancelotti avait apaisé l’institution en lui offrant sa dixième Ligue des champions, cette Décima tant désirée. Bref, le señor Pérez nous fait rire et pleurer.
Le plus beau but : James Rodríguez
Champion du monde du golazo au Brésil, James a récidivé en Liga. Outre son coup franc caressé face à Grenade ou sa reprise soudaine face à Almería, son chef-d’œuvre s’est écrit à Grenade. Suite à une remise de Karim Benzema, le Colombien reprend instantanément un cuir dont la destination n’est autre que la lucarne grenadine.
La décision arbitrale qu’on n’a pas aimée
L’avant-dernière bataille du Real Madrid dans son antre a été épique. Face à un Valence en passe de renouer avec son glorieux passé, les hommes d’Ancelotti ont longtemps couru après le score. Malgré l’égalisation d’Isco dans les dernières minutes, ils laissent deux points cruciaux et voient filer le FC Barcelone vers le titre. Parfois véhément, jamais irrespectueux, Carlo Ancelotti a pourtant été expulsé au coup de sifflet final. L’homme en noir a alors interprété les applaudissements de l’Italien comme une provocation, l’intéressé répliquant qu’il « rendait juste hommage au public » . Depuis ce carton rouge en fin du match, on n’a plus revu Carletto sous la guérite du Real. Et on ne le reverra sûrement plus.
Le coup de gueule
Il aura finalement fallu attendre la 36e journée de Liga pour vérifier le ras de bol d’Iker Casillas. Il était temps. Houspillé suite à l’aggravation du score de Javi Fuego, le capitaine madridista voit rouge. Pas toujours irréprochable la saison passée – la faute à un bon Diego López et une rotation Liga/C1 complexe (il a retrouvé de sa solidité durant cet exercice). Toujours aussi fébrile dans ses sorties aériennes et si peu précis dans son jeu au pied, il reste un chat sur sa ligne. Mais, depuis l’arrivée de José Mourinho, sa légende a été saccagée, souillée, piétinée. Les vautours s’en lèchent les babines, les torchons médiatiques en font des caisses, et une certaine frange du Santiago Bernabéu se mue en haut-parleur à conneries. Bref, un gâchis immense que San Iker espère toujours guérir. Après avoir annoncé « rester l’an prochain » , la noble partie du madridismo se plaît à espérer des adieux à la Xavi le temps venu.
Pourcentage de résistance à la blessure
1%
Seule la qualité allemande offre ce maigre pourcentage. Car sans un Toni Kroos jamais blessé, pourtant débarqué cramé d’un Mondial harassant, l’effectif madrilène n’a connu que des pépins physiques. La faute à des rotations inexistantes et une gestion catastrophique de la part des services médicaux du club. Les cas épineux ont été légions cette saison. Entre un Bale toujours gêné, un Ronaldo au coup de mou flagrant, un James au pied d’argile ou un Modrić à la double blessure dramatique, Carlo Ancelotti a du faire sans nombre de ses hommes forts. De fait, les arcanes du Bernabéu racontent que CR7 aurait expressément poussé Florentino Pérez à se défaire des services du médecin en charge du Real Madrid. La guerre des clans.
Le joueur dont le club a besoin cet été : Javier Mascherano
Une cible impossible à dénicher mais qui serait ô combien judicieuse. Plutôt que de gaspiller ses millions dans des Galacticos 2.0, Florentino Pérez ferait un choix judicieux en cochant le nom de Javier Mascherano. Malgré un statut de daron du vestiaire blaugrana, les arguments madridistas auraient même de quoi intéresser le Jefecito. En lui offrant le poste de sentinelle dont cet effectif a besoin, ainsi qu’un salaire adéquat, l’homme aux dix entraîneurs assurerait un certain équilibre à son milieu de terrain. Mais, outre le fait d’œuvrer dans le camp d’en face, l’Argentin revendique ce bon vieux Claude Makelele comme modèle. Un Claude pas assez sexy en son temps aux yeux du président de la casa blanca. Impossible, donc.
Ce qui va se passer la saison prochaine :
Rafa Benítez sera nommé au poste d’entraîneur. Gareth Bale sera vendu à Manchester United et Sergio Ramos au Bayern Munich, ce qui permettra au Real d’empocher, en tout, 140 millions d’euros. Une somme qui lui permettra d’acheter Agüero et Hummels. Mais dès le premier match, Cristiano Ronaldo confond Agüero et James Rodríguez et dit qu’il ne veut plus jouer avec eux. En décembre, le Real est sixième de Lifa et Rafa se fait virer. Faute de solutions, Florentino Pérez n’a d’autres choix que de nommer Zidane entraîneur jusqu’à la fin de la saison. Le Real perd le Classico, mais Zizou dit que « c’est bien » . Le Real est encore éliminé en demi-finale de C1, cette fois-ci par Chelsea, mais Zizou dit que « c’est bien » . Le 19 mai, Florentino Pérez annonce que Jürgen Klopp est le nouvel entraîneur.
Par Robin Delorme, à Madrid