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Ce qu’il faut retenir de la saison de Bordeaux
Willy Sagnol n'a pas raté sa première saison en tant qu'entraîneur de club. Il ne l'a pas vraiment réussie non plus. Mais grâce au PSG, en 2014-2015, terminer sixième de Ligue 1 permet d'être européen. C'est là que Paris est vraiment magique.
L’analyse définitive
En terminant à la sixième position en Ligue 1, le sixième budget de Ligue 1 a fait le job. Ni plus, ni moins. Et ne doit sa qualification en Ligue Europa, l’objectif initial, qu’à la saison de titan du PSG, dont le succès en Coupe de France a eu le bon goût d’envoyer les Girondins sur les routes du Vieux Continent. Si, sur le papier, l’exercice bordelais semble bien morne, il a tout de même été rythmé par quelques épisodes marquants. Ce début de saison tonitruant, d’abord, avec ce 4-1 infligé à Monaco dès la deuxième journée. Et puis ce changement de stade, ensuite, avec cette folle journée organisée par les Ultramarines pour la der à Lescure, conclue par un Marc Planus brandissant un fumigène. Et puis, surtout, il y a cette victoire face à Marseille, en avril, histoire de porter à 38 ans une invincibilité à Lescure face aux Olympiens. Pour l’histoire. Alors, qu’est-ce qui a cloché pour que Bordeaux reste bloqué à cette anonyme sixième place ? De piètres prestations face aux mal classés, d’abord : un seul point pris face à Reims, deux seulement face à Metz et Bastia, défaite à domicile face à Nice. Suffisant pour louper le top 5. Au rayon humiliation, la manita reçue à Chaban contre Lyon juste avant Noël, restera gravée à jamais. Au final, Willy Sagnol obtient une mention « passable » , pour ses débuts à la tête d’une équipe de club. À lui de passer un cap la saison prochaine.
Le match chef-d’œuvre : Bordeaux-PSG , 3-2
Quatre jours après sa qualification, après prolongation, sur le terrain de Chelsea, le PSG n’avait peut-être pas l’énergie nécessaire pour combattre comme il l’aurait voulu. Certes. N’empêche que cette après-midi du 15 mars, les Girondins ont livré leur match le plus abouti de la saison. Sérieux dans tous les compartiments du jeu, les joueurs au scapulaire ont étouffé les Parisiens, qui n’ont espéré que grâce à un dégagement loupé de Carrasso et un penalty, permettant à Ibrahimović de claquer un doublé. Pour le reste, Paris n’a pas existé.
Le tournant de la saison : l’opération de Cheick Diabaté
Qu’elle fut dure à prendre, cette décision d’envoyer Cheick Diabaté réparer son genou cagneux en janvier. Les Girondins savaient l’opération inéluctable, avec les six mois d’indisponibilité qui vont avec, restait à choisir le moment le plus judicieux pour faire passer l’Immense sur le billard. Et mettre fin à la saison de l’homme qui avait fait trembler huit fois les ficelles lors des quinze premières journées. Dur, sachant que l’effectif de Willy Sagnol ne regorge pas d’attaquants de pointe, surtout avec le prêt d’Emiliano Sala à Caen. Pour le remplacer, le Suédois Kiese Thelin a été recruté, et Crivelli est sorti de la réserve pour dépanner. À eux deux, ils ne marqueront que deux buts.
Le meilleur joueur : Jaroslav Plašil
Oui, Diego Rolán a progressé dans tous les domaines, claqué seize pions, gagné sa place en sélection et retrouvé un sourire qu’on pensait oublié en Uruguay. Mais le meilleur joueur des Girondins a 33 ans et un hair-band. De retour de Catane, où il s’était exilé une saison pour cause d’incompatibilité d’humeur avec Francis Gillot, c’est un Jaro tout frais que les Bordelais ont retrouvé. Fini le joueur poussif, incapable de tenir plus d’une heure de jeu sous les ordres de l’ancien entraîneur bordelais. Le Plašil version 2014-2015 est combatif, infatigable. Le Tchèque joue juste, s’évertuant toujours à mettre le jeu « à l’endroit » . S’il a laissé son brassard de capitaine à Lamine Sané, tous les joueurs de l’effectif s’accordent à dire que le taulier, c’est lui. Dans le vestiaire, et sur la pelouse, où il prend le temps de replacer ses camarades, voir à les haranguer pour les pousser à se déplacer. Le Plašil qu’on aime.
Le joueur révélation : Cédric Yambéré
Il n’y a peut-être que dans ses rêves les plus fous, que Cédric Yambéré se voyait signer un contrat de footballeur professionnel. Débauché à Lormont, en proche banlieue bordelaise, pour encadrer une réserve des Girondins très jeune, le joueur de vingt-quatre ans a pourtant sû saisir la chance à la faveur d’une cascade de forfaits en défense centrale. Préféré à Marc Planus dans la hiérarchie établie par Sagnol, il a même fini par s’imposer au milieu de terrain, occupant la pointe basse du losange. Titulaire à quinze reprises en championnat, c’est tout naturellement qu’il a signé un contrat le liant aux Girondins jusqu’en 2019, avec en bonus un totem d’immunité remporté grâce à son but face à l’OM. Et dans quelques jours, le gaillard devrait faire ses débuts internationaux sous les couleurs de la République centrafricaine. Pas mal, pour un gars venu faire le grand frère en CFA.
Le flop : Diego Contento
C’est peu dire que Willy Sagnol devait s’attendre à mieux, en recrutant le latéral tricard au Bayern. Mais l’Allemand a déçu. Offensivement, la comparaison avec Mariano, son pendant à droite, fait très mal. Et défensivement, il a souvent offert du grand n’importe quoi, laissant Nicolas Pallois à l’abandon. Pour y remédier, Sagnol a tout tenté. D’abord en lui préférant de temps à autre Maxime Poundjé, en début de saison. Puis en décalant Pallois sur le côté, sans grand succès. En cours de match, c’est même Nicolas Maurice-Belay qui a souvent pris sa place. Mais faute de concurrence sérieuse, Contento a toujours fini par retrouver son poste. Jusqu’à quand ?
Ils ont dit
« L’avantage du joueur, je dirais typique africain : il n’est pas cher, généralement prêt au combat, on peut le qualifier de puissant sur un terrain. Mais le foot, ce n’est pas que ça, c’est aussi de la technique, de l’intelligence, de la discipline. Il faut de tout. Il faut des Nordiques aussi. C’est bien les Nordiques, ils ont une bonne mentalité. Une équipe de foot, c’est un mélange. C’est comme la vie, c’est comme la France. Sur un terrain, on a des défenseurs, des attaquants, des milieux, des grands, des rapides, des petits, des techniques. Voilà. » Willy Sagnol, en grande forme.
« Cela fait longtemps qu’on n’a pas battu Paris, et quand je pense à cela, ça me fait mal. J’ai parlé aux joueurs, je leur ai dit : « Les gars, préparez-vous bien, il faut qu’on gagne ce match, c’est important. Si on arrive à gagner, vous allez voir, le reste sera facile. » Je serai présent au stade, c’est obligé, je n’ai pas le choix. J’ai envie d’y être pour supporter, crier, soutenir Bordeaux. » Même avec un genou en vrac, Cheick Diabaté fait gagner Bordeaux.
Le plus beau non-but : Mariano face à Marseille
Le but de Thomas Touré contre Rennes était pas mal, c’est sûr. De même que celui de Khazri contre l’ETG. Mais au vrai, aucun des 47 pions inscrits par Bordeaux cette saison ne restera dans les mémoires pour sa note artistique. Au grand dam de Mariano, proche de marquer le but l’année face à Marseille. Au quart d’heure de jeu, le défenseur reprend de volée un dégagement de Mandanda et expédie le ballon sur le poteau. Même Olivier Atton n’aurait pas osé un tel geste.
La décision arbitrale qu’on n’a pas aimée
Dire que Bordeaux n’a pas franchement été maltraité par l’arbitrage est un euphémisme qui n’a rien de doux. Si l’on devait retenir une décision arbitrale malheureuse, bien qu’en faveur des Bordelais, ce serait cet avantage laissé en fin de match face au PSG. Rewind : à la 86e minute, Ibrahimović fait faute sur un Bordelais. M. Jaffredo laisse l’avantage. Sané récupère la balle, la passe à Carrasso, qui s’en empare de la main. Le juge de touche signale la faute du gardien bordelais à son arbitre principal, qui lui répond qu’il laisse l’avantage. Les Parisiens sont dans l’incompréhension, et derrière, Rolan offre la victoire aux siens. Au sortir du match, Zlatan craque, insulte la France, prend quatre matchs de suspension et le PSG décide de boycotter Canal+. C’était peut-être plus simple de revenir à la faute initiale d’Ibra, non ?
Le coup de sang
Lorsque les Girondins prêtent un joueur, c’est toujours à condition qu’il ne soit pas aligné en cas de confrontation entre sa nouvelle équipe et Bordeaux. Surtout quand il est en feu, à l’image d’Emiliano Sala début mars, lorsque les Marine et Blanc se déplacent dans le Calvados. Le Stade Malherbe tente jusqu’au dernier moment de faire jouer l’Argentin, en vain. L’affaire prend une telle ampleur qu’à la fin du match, Garande et Sagnol sont proches d’en venir aux mains, le technicien caennais n’ayant que très peu d’humour après les défaites à domicile.
Pourcentage de résistance à la blessure : 8%
Jussiê blessé toute la saison, Diabaté out à partir de janvier, c’est sans une grande partie de son attaque que Sagnol a dû composer. En défense, les absences conjuguées de Ilori et Sané, ajoutées à la mise au placard de Planus, ont favorisé l’émergence de Yambéré.
Le joueur dont le club a besoin cet été : un numéro 6
Yambéré encore trop limité à ce poste auquel il ne fait que dépanner, Poko et Traoré plus à l’aise aux postes de relayeur et Greg Sertic à la dérive, c’est souvent Clément Chantôme qui a joué devant la défense en seconde partie de saison. Du gâchis. Pour se stabiliser, Bordeaux a besoin d’une sentinelle, une vraie. Devant elle, Plašil, Chantôme et Gourcuff se chargeront d’alimenter les avants en caviars. Et ce sera beau.
Ce qui va se passer la saison prochaine
Emmenés par un Yoann Gourcuff ressuscité qui prendra plaisir à tromper Marouane Chamack avec Cheick Diabaté, et un effectif aux postes doublés, Bordeaux jonglera sans trop de difficultés entre la Ligue 1 et la Coupe d’Europe. Jusqu’en janvier, les Marine et Blanc survolent le championnat comme dans un rêve, avec un point d’orgue, un triplé de Gourcuff à Gerland, sous les yeux d’un Jean-Michel Aulas torse nu, un siège arraché à la main et des jurons plein la bouche. Séduit par le jeu chatoyant développé par Bordeaux, Noël Le Graët promet à Sagnol le poste de sélectionneur des Bleus après l’Euro 2016. L’information se répand dans le vestiaire bordelais, et l’équipe perd son football, jusqu’à terminer à une anonyme sixième place.
Par Mathias Edwards