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« Ce qui me plaît, c’est le barbecue coréen »

Par Florian Lefèvre
8 minutes
« Ce qui me plaît, c’est le barbecue coréen »

Depuis le début de l’été, Frédéric Mendy (vingt-huit ans), ancien joueur d'Évreux en CFA 2, promène sa grande carcasse sur les terrains de la K-League. Après avoir bourlingué au Portugal, l’attaquant international bissau-guinéen a donc rejoint la Corée du Sud sous les couleurs du Ulsan Hyundai. À l’aventure !

En 2010, tu quittes Évreux pour l’Étoile FC, à Singapour. Raconte-nous cette première expérience en Asie…J’ai été repéré par Patrick Vallée, quand il entraînait Pacy-sur-Eure en National. Il m’a proposé de le rejoindre à l’Étoile FC, un club de joueurs francophones, à Singapour. On a gagné le championnat et la Coupe. J’ai continué dans un club local, Home United, on a gagné une Coupe. Est-ce que ça m’a fait peur d’aller à l’autre bout du monde ? Non, moi, je suis un amoureux du football, j’ai pris Singapour comme un tremplin. C’est marrant, à l’époque, au United, j’ai eu un coach coréen. Il m’a proposé à des clubs coréens, mais ça n’a pas été concluant.

Venons-en à la Corée du Sud. Après trois saisons au Portugal, entre Estoril, Moreirense et Madère, tu atterris fin juin à Ulsan. Comment ça se passe ?On m’a dit que si je venais ici, je tuerais ma carrière. Moi, je ne voyais pas ça comme ça. Si ça ne marchait pas, au moins j’aurais tenté. Je me suis dit : pourquoi ne pas aller là-bas, encore à l’aventure ? Et je ne regrette pas du tout, au contraire. Je suis plutôt surpris, je ne m’attendais pas à me fondre dans le moule aussi facilement. Pour mon premier match officiel, on est menés 1-0, l’entraîneur me fait entrer. Et je marque le but de la victoire lors de la toute dernière action ! Au total, j’en suis à sept buts en quatorze matchs. J’entame mon troisième mois en Corée, je suis épanoui, j’ai tout ce qu’il me faut. Il y a juste le manque de la famille comme d’habitude…

En quoi étais-tu agréablement surpris ? Parce qu’ici, ils ne regardent pas le CV. En Corée, même si tu n’es pas un grand nom, tu peux réussir avec tes qualités. Si tu es bon, alors on te fait confiance. C’est ce que j’apprécie.

Comment définirais-tu la mentalité coréenne ?

Ils sont gentils avec toi, ils te ramènent des cafés pour rien. Ils te mettent à l’aise, en fait.

Ils sont super respectueux des gens plus âgés, ils sont très carrés là-dessus. Ils sont travailleurs. Le coach ne rigole pas toutes les cinq minutes, on déconne de temps en temps. L’entraînement, c’est l’entraînement. C’est à moi de m’adapter à eux, pas le contraire. Et ça s’est fait naturellement. Je sais pourquoi je suis venu, je ne rechigne pas. Les coéquipiers ? Franchement, ça va, ils m’aiment bien. Je suis le petit renoi, le petit marrant. Ils sont gentils avec toi, ils te ramènent des cafés pour rien. Ils te mettent à l’aise, en fait.

Au sein de l’équipe, tes coéquipiers parlent anglais ? La barrière de la langue est difficile à surmonter ?Il y a toujours un traducteur avec moi pour les causeries du coach, etc. Et puis, je me démerde en portugais et en anglais. Il y a deux-trois Coréens qui parlent anglais, les autres pas trop. Mais on arrive à se comprendre. Ils m’ont mis à l’aise, c’est comme si j’étais là depuis des années. Je suis quelqu’un d’assez sociable, j’observe, je m’adapte vite à leur culture : ce qu’il faut faire, pas faire, dire, pas dire… Dans l’équipe, il y a aussi un Croate, avec qui je m’entends bien et un Brésilien (la Fédération coréenne limite à quatre joueurs extra-communautaires maximum par équipe, dont un quota d’un joueur asiatique non-coréen, ndlr.)

Quelles sont les caractéristiques de la K-League ? Il y a certaines équipes défensives : « On met un but et après on ferme derrière. » Sinon, ça joue du beau football, le niveau n’est pas mauvais. Je ne vais pas me mouiller sur tous les clubs (rires), mais le top cinq, ça n’a rien à envier à l’Europe. Beaucoup d’internationaux coréens jouent dans le championnat local. Et puis, deux clubs, Jeonbuk Motors et Séoul, sont qualifiés en demi-finale de la Ligue des champions asiatique. Ils représentent bien le championnat !

Est-ce que tu as déjà croisé des têtes connues sur les terrains, des joueurs ayant fait carrière en Europe ?À vrai dire, non. Il y a quelques Brésiliens, des Croates, des Serbes. Un Franco-Nigérien aussi, Olivier Bonnes. Il a été formé à Nantes. On a joué l’un contre l’autre. Je l’ai entendu parler sur le terrain : « Ah tu parles français ? – Ouais, toi aussi… » On a tapé la conversation après le match.

Quatorze ans après le Mondial co-organisé avec le Japon, le football coréen doit profiter de belles infrastructures. C’est ce que tu ressens ?On joue dans des beaux stades, la plupart construit pour la Coupe du monde 2002. (La capacité du Big Crown Stadium, le stade du Ulsan Hyundai FC, est de 44 000 places, avec une affluence moyenne d’environ 6 300 spectateurs la saison dernière, ndlr.) Contre Séoul, par exemple, c’est bien rempli. On s’entraîne aussi là où l’Espagne s’entraînait pendant le Mondial 2002. Est-ce que les supporters sont chauds ? Ça va, mais je ne comprends pas ce qu’ils disent ! Ça supporte, chacun derrière son équipe, c’est bon enfant.

Quelle est la place du football en Corée du Sud ?C’est aussi médiatisé qu’en France. Ils ont leurs émissions de foot. Au niveau marketing, c’est très développé… Le sport numéro un ? Je vois beaucoup de baseball à la télé. Je dirais que le baseball et le foot sont les deux sports les plus importants.

Et en dehors du foot, tu apprécies la culture coréenne ?

Au départ, la nourriture est difficile à digérer. Ils mangent épicé. Moi, je déteste le piment !

Au départ, la nourriture est difficile à digérer. (Rires) Ils mangent épicé. Moi, je déteste le piment ! Au quotidien, c’est beaucoup de légumes. Et à chaque fois qu’ils mangent, il y a de la soupe. Maintenant, ça passe bien. Ce qui me plaît, c’est le barbecue coréen. C’est comme un grand buffet où tu cuis toi-même ta viande.

Tu as vécu un choc culturel en arrivant ?Oui, le décalage horaire ! Il y a sept heures de décalage avec la France. Si je veux m’entretenir avec ma famille, je dois appeler tôt le matin ou juste avant de me coucher. Si tu veux regarder les matchs de Ligue 1, faut te lever à 4 heures du matin.

La vie te plaît à Usan ?

Je ne sors pas beaucoup, je joue à FIFA en ligne avec des anciens coéquipiers restés à Singapour ou partis en Thaïlande. Je visite un peu avec mon coéquipier croate.

C’est pas mal, je ne suis pas trop dépaysé par rapport à la France. J’habite un condominium où sont regroupés les étrangers. Il y a des ingénieurs. La ville, c’est vachement grand. C’est une ville portuaire, dans le sud du pays, à 50 kilomètres de Busan, la deuxième plus grande ville de Corée. Je ne sors pas beaucoup, je joue à FIFA en ligne avec des anciens coéquipiers restés à Singapour ou partis en Thaïlande. Je visite un peu avec mon coéquipier croate. Lui est arrivé il y a un an, il m’emmène dans les bonnes adresses.

Tu as dit que tu n’es pas trop dépaysé, mais tout est écrit dans un autre alphabet, pas facile pour se repérer…En ville, il n’y a pas écrit « shopping » , il faut rentrer dedans pour voir que c’est un magasin. (Rires) Contrairement à Singapour, les routes ne sont pas indiquées en anglais. Un jour, je voulais faire le connaisseur, je suis allé dans le centre-ville. Mais je n’arrivais plus à retrouver la route pour rentrer chez moi. C’était impossible de rentrer ! Je tournais en rond en fait, et j’ai réveillé le traducteur, puis donné le téléphone à quelqu’un pour que le traducteur lui indique la route ! Il lui a expliqué et le mec a marqué l’adresse dans le GPS – qui était aussi en coréen. Quand je me suis perdu, il était 21h. Je suis rentré chez moi quatre heures plus tard ! Il n’y avait même pas trente kilomètres de route. (Rires)

En coréen, tu fais des progrès ? Je sais dire bonjour et merci, c’est tout. C’est super dur d’apprendre le coréen ! Même avec un prof particulier, j’ai essayé, au bout de trente secondes, j’avais mal à la tête.

Sinon, en janvier prochain, la Guinée-Bissau, « le pays où sont nés [tes] parents » , est en lice pour la première fois de son histoire en phase finale de la CAN, au Gabon. Tu as intégré la sélection au printemps dernier, forcément, tu dois avoir la compétition en ligne de mire… Je n’attends que ça ! Début septembre, j’ai joué tout le match au Congo (défaite 1-0 en amical). Mon premier match, c’était la Zambie : le match qu’il fallait gagner. J’ai marqué, on a gagné. Je n’oublierai jamais la qualification. Ça faisait longtemps que la patrie attendait ça. Le pays était en fête, ça restera gravé dans ma tête. Cette première expérience a été magique. En Corée, quand je dis Guinée Bissau, on me demande où c’est. C’est un beau pays à visiter, j’espère que la CAN fera un peu de pub. Et puis, il y a des bons joueurs : prends Éder, il est né à Bissau !

Pour terminer, on peut lire sur internet que tu es le cousin de Bernard Mendy, c’est vrai ?On n’est pas cousins. Chez nous, on dit tous cousin, mais on se comprend. On va dire cousin éloigné !

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