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Ce qui a changé à l’OM sous Bielsa
« L'effet Bielsa ». Ils n'avaient que ça à la bouche. Comme si le technicien argentin était un Doliprane qui allait calmer les maux de têtes nés en terre phocéenne la saison passée. Sauf que Marcelo n'est pas un magicien. Juste un tacticien et un meneur d'hommes. Si, après un quart de championnat, l'OM n'est qu'un fragile leader, force est de constater que le Loco a déjà mis sa patte sur le jeu de son onze. Un onze plaisant.
Le hasard aussi a ses limites. Si le contexte marseillais est trop connu des services de police pour que la sagesse et le profil bas ne soient pas des vertus essentielles en ce début de saison, se rendre à l’évidence n’est jamais présomptueux. Le week-end dernier, à Reims, la totalité des joueurs titularisés par Marcelo Bielsa étaient au club lors de la deuxième partie de l’exercice 2013-2014. Pour ceux qui ont suivi le chemin de croix de l’Olympique de Marseille l’année passée, cette affirmation est un crève-cœur. On parle là de l’épisode le plus incroyable de l’histoire de Relooking Extrême. Sauf qu’avec Bielsa, il n’y a pas de triche, pas de factice. L’Argentin ne fait pas la part belle à l’apparence, à la beauté d’un ciseau, mais au travail et à la valeur d’un pressing, d’une goutte sur un front. Arrivé à Marseille le 2 mai 2014, le natif de Rosario a d’abord été une énigme. Un fantôme que les journalistes ghostbusters ont mis du temps à chasser, mais dont les joueurs de l’OM ont vite goûté les séances d’entraînement. Oui, au début de l’été, en plein cagnard marseillais, mais dans l’ombre de la Coupe du monde, El Loco a réalisé l’essentiel de son travail. Avec lui, il n’y a pas de résultats sans physique. Il faut bien admettre que cette préparation estivale intensive mais réussie, payée cash lors des deux premières sorties du club, a porté ses fruits aujourd’hui.
Pressing et utilisation du ballon
« On souffre tellement à l’entraînement que le week-end, arrivés au match, on se lâche. » André-Pierre sait mieux que quiconque, et même mieux que Henri Salvador, que le travail, c’est la santé. Méconnaissable physiquement, APG a perdu des joues, une taille de T-shirt, mais pas son sens du but. Athlétiquement plus disposé, le meilleur buteur du club, qui a toujours été du genre à bosser pour l’équipe, occupe un rôle crucial sur le plan défensif. Il est le premier joueur à effectuer le pressing quasi permanent réclamé par Bielsa. Ce pressing même qui a permis aux Phocéens d’ouvrir le score face à Reims samedi dernier, après le penalty arrêté par Placide. Sur cette action comme sur la totalité de la rencontre et très souvent depuis le début de saison, il ne s’est passé qu’une dizaine de secondes entre le moment où l’OM a perdu le ballon et le moment où l’OM l’a récupéré. Un pressing réussi grâce à la discipline acquise de joueurs qui arrivent à coulisser, à « se passer les adversaires » et grâce à des joueurs de couloirs qui ont digéré l’exigence tactique d’une telle idée de jeu. L’exigence et son intérêt. Car récupérer la balle n’est pas tout. Bielsa a appris à ses joueurs comment bien l’utiliser, rapidement et de manière verticale. Toujours sur ce premier but face à Reims, on voit Benjamin Mendy se projeter très rapidement vers l’avant dès que le ballon est récupéré. À la perte de balle, l’équipe adverse n’est pas organisée, Mendy est seul pour envoyer un centre parfait vers Gignac qui fait mouche. Match référence de l’OM avec son nouveau coach, ce déplacement à Reims est le premier match réussi par les deux latéraux. Très solides défensivement, Mendy et Dja Djédjé occupent une place de choix dans les phases offensives phocéennes. Passeurs décisifs, ils sont aidés dans leur liberté par des ailiers qui ne comptent pas pour dépenser défensivement. C’est peut-être pour ça que Florian Thauvin et André Ayew (avant ce match face à Reims), sont les deux joueurs dont l’Olympique de Marseille peut attendre le plus. Car derrière cette impression de force collective se cachent des hommes. Des hommes qui ont, pour la plupart, complètement changé depuis l’arrivée du nouveau coach.
Des hommes métamorphosés
Impossible de parler de changement à Marseille sans parler de Jérémy Morel. Conspué sans véritable raison par le Vélodrome un soir de Marseille-Montpellier en 2012, le bouc émissaire phocéen est sorti sous les ovations du Vel’ lors du succès face à Rennes (3-0). Cet après-midi-là, l’ancien Lorientais a prouvé qu’il était capable de faire bien plus que dépanner au poste de défenseur central. Impeccable depuis le début de la saison et auteur de gestes dont on ne le pensait pas capable (cette transversale pour Mendy), le gaucher bénéficie du climat de confiance qui règne actuellement à Marseille. Avec 19 buts en huit matchs, l’OM a atteint un total qu’il n’a atteint qu’à la 14e journée l’année passée. Derrière, c’est pareil. Mandanda n’a encaissé qu’un but lors de ses cinq dernières sorties et a réalisé quelques parades décisives. Lui, comme Nicolas Nkoulou, dont on s’est longtemps demandé si le frère jumeau ne l’avait pas remplacé en défense centrale la saison passée, apparaissent également transformés. Et que dire de Dimitri Payet ? Ancien intermittent du spectacle, le Réunionnais enchaîne les prestations convaincantes. Depuis l’arrivée de Bielsa, il est celui qui fait jouer l’équipe dans la zone de vérité grâce à ses qualités techniques et à ses passes folles. Avant les vingt derniers mètres, c’est l’autre métamorphosé de la bande qui s’occupe de tout. Parfois isolé dans l’axe du terrain, Giannelli Imbula réalise un début de saison costaud. Si son talent a déjà été entrevu la saison passée, ce qu’il montre en ce moment est autrement plus intéressant. Toujours un peu trop gourmand, il est celui qu’essayent de toucher les défenseurs centraux de l’OM à la première relance, la passe la plus importante pour l’équipe de Bielsa. Il se charge ensuite de détruire les lignes à coups de crochets et de passes bien senties. C’est d’ailleurs face à Saint-Étienne, le 24 septembre 2013, qu’il avait réalisé l’une de ses plus belles prestations à Marseille. Un an plus tard, Bielsa a su imposer ses principes et peut compter sur des joueurs qui surfent sur une belle vague de confiance. Personne ne sait jusqu’à quand durera l’embellie, mais la cohérence, elle, est là. Et à Marseille, c’est peut-être la plus belle victoire.
Par Swann Borsellino