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Ce que Tony Vairelles doit absolument emprunter à la Star Académie
C'est assurément la plus belle nouvelle de l'année 2020, jusqu'ici complètement moisie : l'immense Tony Vairelles prépare une émission de télé-réalité. Une adaptation du concept de la Star Academy au monde du football, avec à la clé un contrat pro d'un an dans l'un de ses – nombreux – anciens clubs pour le vainqueur. Pas toujours recommandé dans le milieu du ballon rond, faire du neuf avec du vieux pourrait s'avérer particulièrement bénéfique à ce talent show. Surtout venant d'un type aussi vintage que « Tonygoal », qui incarne à merveille le dicton selon lequel « c'était mieux avant ».
L’enfermement
Le projet de « Tonygoal » repose avant tout sur une noble cause : tendre la main aux garçons qui n’ont pas eu la chance d’intégrer, durant leur jeunesse, un centre de formation. Un vide souvent rédhibitoire dans une carrière footballistique, mais une bénédiction dans une vie d’adolescent. Car pendant que leurs congénères se tapaient le duvet naissant de leurs compagnons de chambrée en Full HD chaque matin au petit déj’, les oubliés des clubs pros avaient la possibilité de voir leurs potes, sortir, boire des coups, dragouiller… Bref, de vivre. Reste que le centre constitue le lieu où s’acquiert l’essentiel des codes du professionnalisme. Histoire de remettre les pendules à l’heure, d’optimiser leur apprentissage et de les préparer aux futures mises au vert et autres compétitions internationales, un enfermement strict des participants s’impose. Jusqu’aux premiers clashs et pétages de câbles, lesquels devraient au moins assurer aux candidats déçus un avenir dans Les Anges, Les Marseillais ou La Villa des cœurs brisés. Eh oui, la reconversion, il faut y penser dès maintenant.
Les restrictions téléphoniques
« Je t’aime maman, je t’aime, embrasse bien fort la famille pour moi, snif, vous me manquez et dis bien à Ludovic que… – BIIIIIIIP. » Ok, la confiscation des portables et la limitation de l’usage du téléphone du château à une minute par jour donnait régulièrement lieu à des scènes assez gênantes. Mais elle évitait aux élèves de se disperser, et surtout de passer leur temps à se lamenter.
Inutile de le rappeler, scandale et téléphone sont souvent liés chez les footballeurs. Sans GSM, jamais Serge Aurier n’aurait traité Laurent Blanc de « fiotte » en mondovision. Jamais Salomon Kalou n’aurait agité sa fiche de paie à la face du prolétariat, et tué son image. Jamais Ross Barkley n’aurait été affiché en train de danser torse poil en boîte de nuit, à Dubaï. Jamais Víctor Sánchez del Amo n’aurait perdu son job, à Málaga. Jamais l’affaire de la sextape n’aurait éclaté, en équipe de France… La patience d’un président, la confiance d’un coach, l’affection des fans ou une carrière internationale, ça ne tient à rien. Alors, rangez ces téléphones portables et tenez-vous à carreau.
Les débriefs vidéo du lundi
Son « Es-tu satisfait de ta prestation ? » était à l’émission ce que le « Quels sont vos trois plus gros défauts ? » est à l’entretien d’embauche : un inévitable écueil, devant lequel seuls les candidats les mieux préparés parviennent à ne pas bégayer. Davantage attendu des téléspectateurs que des participants, le débriefing vidéo du lundi était l’occasion pour les artistes en herbe d’analyser leur prestation du primejusque dans ses moindres détails et pour Raphaëlle Ricci de dégonfler quelques têtes. Difficile, pour ne pas dire impossible, de s’en passer au vu de la place qu’a prise la vidéo dans le football moderne. Au vu de la place que prennent les melons des joueurs, aussi.
Les cours artistiques
Un coup d’œil au torse d’époque de Michel Platini suffit à le rappeler : le foot a franchement évolué, depuis les années 1980. Devenus des athlètes à part entière, les footballeurs sont désormais aussi des artistes. Et pas seulement balle au pied. Les chorés des frères Pogba, les déclarations d’amour d’Andy Delort à la moitié des clubs de l’Hexagone, le docu mettant en scène La Decisión d’Antoine Griezmann de rester à l’Atlético, la reprise de Daniel Balavoine par le bizuth Benjamin Pavard à son arrivée chez les Bleus ou la démarche cassée de Samuel Umtiti sont là pour en attester.
Introduit dans le milieu au début des années 2000 par le rap de Youri Djorkaeff et les plongeons éhontés de Fabrice Fiorèse dans les surfaces de réparation adverses, l’art fait aujourd’hui partie intégrante du quotidien des footballeurs. Sur le terrain, mais aussi en dehors, fléau des réseaux sociaux oblige. À quoi bon, donc, s’emmerder à repenser le programme pédagogique pondu il y a vingt ans par TF1 et Endemol ? Enseigner aux participants de cette Star Ac’ à la sauce « Tonygoal » les bases de l’expression scénique, de la danse ou du chant, ce n’est d’ailleurs pas plus déconnant que voir le regretté Tiburce Darou demander à Patxi ou Michal de faire des pompes au réveil. Si ?
Nikos
Non, Tony Vairelles ne s’est pas lancé à travers ce projet dans un ego trip. Cette sombre affaire de fusillade en sortie de boîte est susceptible de faire reculer les télés françaises ? Pas un problème, pour l’ancien international tricolore (huit sélections) : « S’il faut que je me retire du concept pour qu’il aboutisse, je le ferai sans hésitation ! Je me fous de voir ma tronche à la télévision ! » Auquel cas, son émission aura un anchorman tout trouvé : Nikos Aliagas, véritable incarnation nationale de feu la Star Academy.
Journaliste, animateur radio, présentateur télé, acteur, photographe, écrivain et chanteur, le Franco-grec n’est pas qu’un homme de lettres aguerri et un artiste complet. C’est aussi un amoureux de foot, prompt à asséner un « Crève connard » à un Twittos un peu trop véhément envers la sélection nationale grecque durant le mondial 2014. Or, puisque être footballeur en 2020, c’est prendre des coups de toutes parts (en particulier sur les réseaux sociaux), un présentateur allant au charbon pour défendre ses petits protégés n’aura rien de superflu. Aimé Jacquet avait d’ailleurs une expression, pour ça : le dépassement de fonction.
Georges-Alain
Georges-Kévin Nkoudou, Jean-Ricner Bellegarde, Steven-Joseph Monrose, Jean-Kévin Augustin… Et si Georges-Alain Jones était tout simplement né vingt ans trop tôt ? Et si la France, forcément influencée par l’avènement télévisuel de John-David (alias l’homme-qui-avait-eu-780-conquêtes), était enfin prête à faire de la place à un garçon en partie desservi en 2002 par son blase pour le moins atypique ? Passé par les équipes de jeunes de Monaco à une époque où l’ASM était malheureusement un peu plus regardante sur le nombre de contrats pros qu’elle faisait signer, puis par le château de Dammarie-les-Lys, l’inoubliable interprète d’Aserejé(le tube de l’été 2001, signé Las Ketchup) présente quelques références sérieuses en matière de ballon rond et de télé-crochet.
Un injuste avantage sur les autres candidats ? Et alors ? Le grand Claude était déjà auréolé de deux participations à Koh-Lanta à son arrivée dans l’archipel des Kadavu, cette année. Surtout, « GAJ » dispose d’un réseau non négligeable en Turquie dont il commentait dernièrement le championnat national pour les besoins du groupe Canal. Une reconversion toute trouvée et plutôt utile pour placer ses petits camarades de promo « en troisième division turque », comme le promettait Alain Colonna à Tibor Kovacs dans le mythique Trois zéros. C’est toujours mieux que le Régional 3 ou les matchs à huis clos contre le FC Matons, hein.
Par Simon Butel