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Ce que nous apprend la bio de Daniel Leclercq

Par Yannick Lefrère
Ce que nous apprend la bio de Daniel Leclercq

Une histoire de druide. Certes, mais pas que. La biographie de Daniel Leclercq ne se cantonne pas au titre de champion de France qu’il a obtenu en 1998 à la tête du RC Lens. Car bien avant d’écoper du surnom de druide par une presse dithyrambique à l’époque, le natif du Valenciennois a été un bon joueur, un grand joueur de football.

Il a débuté à l’USVA, son club formateur, à l’âge de 18 ans. En 1971, à 21 ans, il devient champion de France avec l’OM de Skoblar et Magnusson, puis patron de l’équipe phocéenne sous l’ère de l’entraîneur allemand Kurt Linder. Il obtient l’étoile d’or France Football devant Platini en 1977 sous le maillot Sang et Or. Le football français le surnommait alors « la patte gauche » , « le grand blond avec une chaussure noire » ou encore « le prince du Parc » au lendemain de la finale de la Coupe de France 1975 entre Lens et Saint-Étienne qu’il avait éclaboussée de son talent.

Barré en équipe de France par Henri Michel, on attribue à Daniel Leclercq, dans les années 1970, l’invention du concept de libéro-meneur de jeu, en opposition au style du « Kaiser » Franz Beckenbauer. « Lui, c’était le placement, la tranquillité, la facilité de passe, écrit-il dans son livre, mais il ne traversait pas le terrain d’une manière aussi insouciante que moi. » La France du foot est sous le charme de ce briseur de lignes, et le grand blond est sacré meilleur joueur du championnat. Rare, déjà à l’époque, pour un défenseur. Même si Daniel Leclercq était un milieu offensif reconverti.

Dans les 223 pages de sa biographie, sous forme d’interview, il revient donc longuement sur ses années valenciennoises, marseillaises et lensoises. Cinquante ans de carrière en tant que joueur et entraîneur. Où il a – presque – toujours rencontré le succès. À travers ce bouquin, Daniel Leclercq livre sa vision du football d’hier et d’aujourd’hui, et brise son image d’homme peu loquace et mystérieux. Il distille aussi au passage quelques anecdotes dont voici quelques extraits.

1. Sous fausse licence à l’OM

C’est lors de vacances au soleil chez Alain Macagno, un coéquipier de l’équipe de France militaire et joueur de l’OM, que le ch’ti Daniel Leclercq se retrouve à assister aux entraînements des Phocéens qui préparent la coupe d’été. Le coach, Mario Zatelli, propose au grand blond de s’entraîner avec son équipe. Le surlendemain, il propose au joueur de l’US Valenciennes-Anzin de jouer un match de coupe avec l’OM. « Je lui dis : pourquoi pas, mais ai-je le droit ? » , raconte Daniel Leclercq. « On va se débrouiller » , lui rétorque l’entraîneur olympien. Et voilà comment il intègre l’équipe de l’OM sous la licence d’un autre joueur, Roland Merschel, pour un match contre Stockholm au Vélodrome. Qui plus est télévisé… « Il était blond, comme moi, relate le druide,il n’y avait pas autant de médias (que maintenant). Mais je jouais déjà régulièrement en D1, j’avais fait la demi-finale de la Coupe de France peu de temps auparavant, et j’avais joué la finale du championnat d’Europe juniors à Cannes qui avait été télévisée et appréciée partout en France. » À la fin de ce match de coupe d’été, Zatelli convainc le milieu de terrain valenciennois de signer à Marseille. VA n’en demandait pas tant car Robert Domergue voulait enrôler Joseph, l’avant-centre de l’OM. Leclercq part pour six ans dans le Sud.


2. La flaque d’eau de Paulo César

Daniel Leclercq revient sur la saga brésilienne de l’OM en 1974. Jairzinho allait débarquer de Botafogo. Paulo César était, lui, déjà là. Et les conditions de son arrivée sur la Canebière sont assez loufoques. « Il arrive un jour d’entraînement au Vélodrome. On arrête la séance, on nous le présente, puis on lui demande d’aller mettre des chaussures. Il n’en avait pas alors on lui a prêté une paire de baskets. Le terrain avait été arrosé, il a glissé sur la pelouse et s’est ramassé dans une flaque d’eau, et là tous les supporters ont rigolé et l’ont chambré. » Le fantasque attaquant brésilien « qui faisait des trucs extraordinaires avec le ballon » restera une saison à l’OM. Pour 31 matchs et 16 buts.


3. La voiture anglaise de Couécou

Arrogant, chambreur, agressif sur un terrain, adorable dans la vie. Daniel Leclercq évoque « un personnage hors norme dans le foot » : l’attaquant de l’OM et ancien Bordelais Didier Couécou. Un peu dingue même ? « Comme je n’avais pas le permis, il passait chaque matin me prendre en voiture pour aller à l’entraînement. Il avait une voiture anglaise, volant à droite. Il partait dans Marseille, prenait le boulevard Michelet, roulait comme un fou. Tous les mecs pensaient que c’était moi, ils klaxonnaient, m’insultaient. Il le faisait exprès à chaque fois. »


4. Quand Salif Keita défie le président Rocher

La « perle noire » qui a conquis Marseille en un seul match. Daniel Leclercq se souvient très bien de cet OM-ASSE de novembre 1972. Un match qui fait partie de la légende du football français. Le Vélodrome était « bourré comme jamais » , dixit le druide, des files de supporters olympiens serpentaient devant le stade dès 6h du matin. En plus de l’enjeu du match, il fallait voir la première de l’ex-buteur stéphanois Salif Keita (40 buts la saison précédente), sous la tunique bleu et blanc. En conflit avec le président Roger Rocher, il venait de claquer la porte des Verts. Le peuple marseillais rêvait de son association avec Josip Skoblar (44 buts la saison précédente), « le meilleur joueur que j’ai connu en France, dixit Leclercq, exceptionnel. Deux des meilleurs buteurs de l’histoire du foot français associés, faire mieux aujourd’hui est quasiment impossible » , note-t-il encore dans son livre. Ce soir-là, Salif Keita marque deux buts, et l’OM de Kurt Linder bat les Verts de Robert Herbin 3-1. Sur sa seconde réalisation, à six minutes du terme, l’avant-centre malien reçoit une standing-ovation du Vélodrome. Bras levés, il entreprend un tour d’honneur qu’il stoppe brusquement. Pourquoi ? « Il s’est dirigé près du banc de touche stéphanois afin de narguer Roger Rocher, relate Daniel Leclercq, et lui dire quelques mots que je n’ai pas entendus. » 45 ans plus tard, le druide ne se rappelle peut-être plus du bras d’honneur également adressé par le buteur au président des Verts. Le Vélodrome, lui, n’a pas oublié.


5. Domenech pire que Rool

Évoquant les joueurs à fort caractère, capables de « péter un câble » sur un terrain, mais « fortement appréciables humainement » en dehors, à l’instar de Pascal Nouma, le druide est invité à comparer Cyril Rool et Raymond Domenech. À propos du premier, « vraiment quelqu’un de bien » , il accorde qu’il « en rajoutait quand même un peu trop » sur la pelouse, « même si ça a été moins le cas sur sa période lensoise » . « Ça ne l’a pas empêché d’être aussi victime de sa réputation, estime son ancien entraîneur, à chaque fois qu’il devait prendre un jaune, on lui mettait un rouge. » Mais, assure-t-il, « Raymond Domenech était beaucoup plus méchant. ça ne me gêne pas de le dire parce que c’est vrai. Je l’ai vu faire des trucs vis-à-vis de Josip Skoblar, vis-à-vis de moi… C’était inadmissible. Mais il a construit sa réputation de défenseur comme ça, et ça ne l’a pas empêché de faire carrière. »


6. Vairelles préfère les supporters au vestiaire

C’était un soir de mars 1998. Lens gagne 1-0 à Monaco et se lance véritablement vers le titre. Persuadé de l’emporter, le druide laisse « Tony goal » sur le banc. À la pause, il remarque que son buteur et le jeune Wagneau Eloi ne sont pas dans le vestiaire. Il en fait abstraction et lance l’autre grand blond en attaque à 30 minutes du terme. Le lendemain, il convoque ses deux joueurs avec le capitaine Wallemme pour régler ses comptes et savoir où ils étaient à la mi-temps. « On était sur le terrain, avec les supporters, on signait des autographes, on voulait s’amuser un peu. » Le druide voit rouge : « Ah oui, mais nous, on est un groupe, une équipe, votre place était dans le vestiaire avec nous, pas avec les supporters. » « Ah oui, mais nous ça nous plaisait » , rétorque Vairelles. « Écoute Tony, si c’est ça qui te plaît, mercredi on joue le PSG en demi-finale de la Coupe de la Ligue, et bien tu iras signer des autographes avec les supporters pendant que nous, on sera à Paris. » Le joueur est furieux, ainsi que son père qui avertit les journalistes. Ces derniers tombent sur Leclercq qui se prive de son meilleur élément. Lui n’en a que faire. Il oriente sa causerie sur son choix fort. Lens fait un gros match, mais s’incline 2-1. Le lendemain, Vairelles se rend dans le bureau de son coach : « Vous avez raison, j’ai compris… » « T’as compris ? Bon ben c’est bien, prépare-toi car tu vas jouer dimanche pour la revanche contre le PSG. Il a joué, il a marqué, ça a été des moments très, très forts. Après coup, Jean-Guy et les anciens m’ont dit : coach, si vous n’aviez pas eu ce comportement vis-à-vis de lui, on n’aurait pas apprécié. » Lens sera champion quelques semaines plus tard.


7. Borloo lance Leclercq, puis le vire pour son ami Lagardère

En 1986, Daniel Leclercq et son épouse tiennent le café en face du stade Nungesser à Valenciennes. Un matin, Borloo, néo-président, débarque et propose le poste d’entraîneur de l’équipe fanion, alors en D2, au grand blond : « J’ai suivi votre carrière et je vous vois bien entraîneur » , lui annonce l’avocat parisien. Celui-ci accepte et prend la succession de Léon Desmenez. Le voilà alors cafetier et entraîneur bénévole. L’aventure sera de courte durée car, en début de saison suivante (1987-1988), Borloo veut à nouveau voir Leclercq : « Écoute, Daniel, j’ai un gros problème, Jean-Luc Lagardère est embêté avec Victor Zvunka car il veut prendre Artur Jorge au Matra Racing. Comme c’est un ami et que j’ai un service à lui rendre, je vais prendre Zvunka qui va te remplacer jusqu’en juin. Au mois de juin, tu reprendras sa place et pendant ce temps-là, tu iras visiter tous les grands clubs en Europe pour voir comment ça se passe. » En colère, Leclercq refuse. « Tout est remis en cause juste pour rendre service à un autre club qui a quelqu’un sur les bras ? On ne peut pas l’accepter, ça… » , écrit-il. Mais seize ans plus tard, en 2003, Borloo décroche de nouveau son téléphone pour dire au champion de France 98 qu’il « a besoin de (lui) pour faire remonter VA » alors en National. Pas rancunier, Leclercq signe : « Il fallait rendre honneur à ce club et à ses supporters après l’épisode marseillais. »


8. Une dent contre Pierre Ménes

Daniel Leclercq évoque son expérience de commentateur de matchs à la télévision. Un rôle dans lequel son franc-parler était reconnu. Par exemple par Pierre Ménès : « Un jour, avant un PSG-Lyon, je le croise et il me dit : « Ah, monsieur Leclercq, qu’est-ce que je vous apprécie quand vous commentez les matchs, car vous n’avez pas peur de dire les choses. » » Problème, d’après l’ancien coach, c’est « qu’il te salue par rapport à ça et après il te critique » . Le druide n’ayant que peu goûté les « propos assez diffamants » qu’aurait tenus Ménès à son égard en 2007-2008. Lequel estimait, selon Leclercq, qu’à Lens, lors du duo JPP-Leclercq, c’était le druide qui « foutait le bordel » . « J’ai voulu m’expliquer avec lui, mais j’ai eu à chaque fois son répondeur qui disait : « Je suis un garçon bien élevé donc je ne vais pas manquer de vous rappeler. » Il ne l’a jamais fait » , regrette Leclercq.


9. Les doubles primes de Decourrière

Quelques semaines avant qu’il ne démissionne du VAFC qu’il avait pourtant ramené en L2 à l’issue d’une remarquable saison de National en 2004-2005, Daniel Leclercq avait eu un différend avec le président Decourrière. Une histoire de primes, qu’il raconte dans son livre : « Je trouvais que le président s’écartait un peu trop de son rôle, dit-il, donner des doubles primes sans m’en avertir par exemple. Je ne comprenais pas. J’ai l’habitude de motiver mes joueurs par la passion et pas par l’argent. Il y a un grand danger de motiver par l’argent, ça entraîne des risques de comportements déviants, néfastes. Ça ne m’intéressait plus de rester dans ces conditions-là. » Mais le druide a le soutien total de ses joueurs qui lui demandent de rester. Il poursuit donc l’aventure, obtient l’accession « dans un climat pénible et pesant » , puis s’en va, remplacé par Kombouaré dont le nom circulait déjà depuis un moment. « J’ai annoncé la nouvelle aux joueurs, puis le président m’a proposé un poste de président délégué que j’ai refusé. Je lui ai dit : « Je ne suis pas Binbin (ndlr, le géant de la ville de Valenciennes), qu’on pose sur un siège dans la tribune pour assister au match, ça ne m’intéresse pas. » »


10. Quand l’idole devient fan

« Je ne remercierai jamais assez mes joueurs d’avoir conquis ce titre, car ils m’ont permis de rencontrer mon idole » , écrit Leclercq. Pas son idole du foot, l’ancien Marseillais et Valenciennois Joseph Bonnel. Non, le musicien pour qui il a une « admiration sans faille » : Jean-Jacques Goldman. Et c’est à la demande du chanteur que ça s’est fait. « Un jour, Domique Régia-Corte, responsable de la communication du RC Lens, entre dans mon bureau et me dit :« Goldman suit ton parcours, il joue ce soir à Douai, et demande si tu peux passer le voir dans l’après-midi. » Je pensais que c’était une blague. Eh bien non, j’y suis allé avec mon épouse. Lorsqu’il nous a vus, il a arrêté sa répétition, est descendu de la scène et m’a salué comme si j’étais quelqu’un qu’il appréciait. On a passé quelques heures ensemble, j’étais comme un gosse. Il m’a proposé de manger un bout avec lui. Je n’avais pas du tout envie de manger, mais de le regarder manger(rires). À chaque fois qu’il remontait ensuite dans le Nord, j’allais le voir. On a joué au tennis ensemble. On discutait souvent des valeurs humaines parce qu’il y est attaché. C’est quelqu’un de formidable et, depuis qu’il a arrêté, je suis un peu orphelin de tout ça. Je sais la vie discrète qu’il mène là-bas dans le sud. Il m’a dit un jour que son grand plaisir était de partir avec son épouse en vélo pour aller pique-niquer. »

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Par Yannick Lefrère

Daniel Leclercq, une histoire de druide. Entretien avec Thierry Morneau, Aux éditions Les Lumières de Lille

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