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Ce que la série Tapie nous apprend (ou pas) sur le foot
Un docu-fiction à propos de Bernard Tapie ne pouvait pas passer à côté du chapitre de sa vie consacré au ballon rond. Président de l’Olympique de Marseille de 1986 à 1994, l’homme d’affaires a marqué le foot français de son empreinte. Ce que ne montre pas forcément la série Netflix dans laquelle Laurent Lafitte campe le rôle éponyme.
Bernard Tapie s’est découvert une passion très tard
Sept épisodes ont suffi à Tristan Séguéla et Olivier Demangel pour condenser près de 30 ans des années folles de Bernard Tapie. Dans le lot, le foot est donc quelque peu oublié et n’apparaît vraiment qu’à partir du sixième épisode, en plein cœur de la campagne européenne de 1993. Avant ça, un ballon tapé en famille, une conversation dans les jardins de l’Élysée à propos d’Abedi Pelé ou une causerie musclée avant le Classique face au PSG. Mais alors, Bernard Tapie a-t-il découvert le football en 1993 ? Président de l’OM à partir de 1986, il avait déjà atteint la finale de la Coupe des clubs champions et glané quatre titres hexagonaux lors du sixième épisode. Pas mal pour un débutant. La série Netflix préfère se concentrer sur le parcours européen victorieux et des histoires de gros sous plutôt que sa relation avec les supporters ou l’impact de son arrivée au club pour l’ensemble du sport français.
Des anecdotes pas assez croustillantes
Le problème du docu-fiction est justement la deuxième partie où les réalisateurs ont trop souvent opté pour des faits inventés plutôt que sur des actions réelles. Dans le cas de Bernard Tapie, celles-ci se suffisaient parfois à elles-mêmes. C’est ce que reproche Laurent Tapie, fils de, sur les antennes de RMC : « La partie foot ? Pfff… Ce n’est pas top. Le discours d’avant-match, moi qui en ait vu, ce n’est pas ce que c’était dans la réalité, c’est un peu cliché. D’ailleurs, mon père ne croyait pas au discours de groupe, il faisait de l’individuel. » Plutôt que cette séquence qui n’apporte pas grand-chose, les supporters olympiens auraient sans doute préféré des anecdotes plus croustillantes. Le coup de la trappe fermée par les joueurs de l’OM pour empêcher ceux de l’AC Milan de rentrer aux vestiaires en demi-finales de Coupe d’Europe, l’intox du boss affirmant qu’Abedi Pelé souffrait du sida afin de le recruter sans concurrence ou encore les « conseils » de Tapie aux différents entraîneurs marseillais concernant la composition et la tactique.
L’affaire VA-OM pour les nuls
Le septième et dernier épisode est sans aucun doute le plus réussi. Laurent Lafitte, qui se mue parfaitement dans la peau du président de l’Olympique de Marseille après une évolution remarquée au fil de la série, est confronté à David Talbot dans le rôle d’Éric de Montgolfier, procureur chargé de l’affaire de corruption contre Valenciennes. Alors que les passages fictionnels font parfois perdre de l’importance aux moments tirés de sa vraie vie, cette séquence, en partie véridique, est particulièrement réussie. Un long huis clos s’opère pour mettre en scène un champ-contrechamp où les deux hommes s’apprivoisent avant que la discussion ne tourne aux menaces et à l’incarcération de Bernard Tapie. Entre manigances pour remporter cette rencontre capitale avant la finale de Ligue des champions et vaines tentatives d’étouffer l’affaire, la mise en scène – dans une salle presque noire – permet de parfaitement comprendre la face sombre du président phocéen.
Jean-Pierre Bernès est sacrément fragile
Peut-être plus que Bernard Tapie, c’est Jean-Pierre Bernès qui pâtit le plus de l’affaire VA-OM. Le directeur général marseillais se montre très ferme au téléphone pour corrompre Jacques Glassmann et ses coéquipiers avant de totalement craquer une fois que la controverse sort de terre. Loin de l’homme de fer souvent présenté, il semble plutôt broyé par les événements, voire faible dans la production Netflix. Si bien qu’il est retrouvé en pleurs, seul, agenouillé derrière une bâtisse durant le mariage de Bernard et Dominique Tapie. L’actuel agent de Didier Deschamps n’est sûrement pas aussi défaillant qu’à l’écran. « Les chiens aboient, la caravane passe. Je n’ai pas choisi la facilité en revenant dans le milieu du football, mais c’est un choix que j’ai voulu assumer », déclarait d’ailleurs Jean-Pierre Bernès à L’Équipe, vingt ans après l’appel passé à Jacques Glassmann, une nouvelle fois sûr de son influence.
Le Vélodrome n’était pas disponible
Comme toutes les œuvres cinématographiques de football, les meilleures scènes se déroulent bien loin du rectangle vert. Dans la série Tapie, on ne s’attarde presque jamais sur les exploits de Basile Boli, et c’est tant mieux. Au cours du cinquième épisode, le président de l’OM assiste à la victoire des siens face aux rivaux parisiens depuis les tribunes du Vélodrome. Tristan Séguéla et Olivier Demangel ont opté pour le stade Auguste-Delaune de Reims comme décor. Celui-ci n’est vraiment pas ressemblant à l’enceinte marseillaise ancienne génération, au contraire, notamment, du stade Chaban-Delmas de Bordeaux qui aurait pu faire l’affaire. Ou sinon, simplement user d’images de synthèse.
Par Enzo Leanni