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Ce que Karim Benzema doit à Madrid
À 34 ans, Karim Benzema vient d’atteindre le sommet individuel suprême : remporter le Ballon d’or. Une récompense logique et incontestable, tant le Français a fait de l’année 2022 son terrain de chasse. La reconnaissance d’un joueur, mais également d’un club, le Real Madrid, sans qui KB ne serait jamais devenu « El Nueve ».
« Je viens de signer six ans ici. C’est déjà pas mal ! Après, je ne sais pas de quoi demain sera fait. Peut-être que je partirai après ces six années ou alors je resterai beaucoup plus longtemps. » En prononçant cette phrase de circonstance, le 9 juillet 2009 dans la salle de presse de Santiago Bernabéu, Karim Benzema ne s’attendait pas à provoquer le destin. Présenté aux 80 000 personnes entassées à Chamartín, le Français, alors âgé de 21 ans, s’apprêtait en effet à écrire le plus beau chapitre de sa carrière de joueur et de sa vie d’homme. Un contrat de six saisons, devenu une romance réciproque longue de 13 ans pour celui qui, aujourd’hui, a paré d’or la Maison-Blanche.
Merci Madrid !
Car avant de devenir une évidence sportive, le Real Madrid était surtout un rêve pour Karim Benzema. Celui de revêtir, un jour, la tunique de son modèle Ronaldo. À Lyon, l’enfant prodige ne jurait ainsi que par le Fenomeno brésilien, revenu faire grincer ses genoux en Liga à l’été 2002.
Suffisant pour tracer une destinée qui ne demandait qu’à prendre vie, portée par les rêves de grandeur d’un président galactique. « Lorsque je reviens au club, j’ai deux noms en tête pour mon recrutement : Kaká et Karim Benzema, racontait ainsi Florentino Pérez dans les colonnes de Marca. D’ailleurs, avant Benzema, je n’ai pas le souvenir de m’être rendu chez l’une de mes futures recrues pour le convaincre. Je suis parti jusqu’à chez lui, à Bron, pour discuter avec sa maman. » Le « chouchou du Bernabéu » comme le résumait simplement Zinédine Zidane.
Au seuil de la légende
Il faut dire qu’à Madrid, lorsqu’on aime quelqu’un, on sait le recevoir. Pas étonnant, quand l’institution prend des allures de fabrique à Ballon d’or. À égalité avec leur ennemi barcelonais, Los Blancos comptent aujourd’hui huit lauréats, pour douze sacres (Ronaldo et Fabio Cannavaro ayant été respectivement nommés après leurs arrivées de l’Inter et de la Juventus). Dès son entame, la carrière de « Benzé » en Espagne semblait donc programmée pour durer, mais, avant tout, lui offrir (et pas seulement promettre) monts et merveilles. « Quand tu signes dans un club comme le Real Madrid, tu ne te dis pas « je vais y rester dix ou quinze ans », détaillait-il sur TF1. Non, ce que tu veux, c’est gagner des titres rapidement. La longévité vient ensuite naturellement. »
Car s’il s’est parfois heurté à un public exigeant, pour des performances en deçà de sa stature, l’avant-centre a surtout été mis dans les meilleures conditions pour étayer sa classe. Après tout, on ne devient pas le sixième joueur le plus capé de l’histoire blanche pour de simples arguments sportifs (615 apparitions et seul étranger à faire partie du top 10). Dirigeants, entraîneurs ou coéquipiers ne se sont ainsi pas trompés en déroulant le tapis rouge à ce garçon choyé pour son professionnalisme et qu’ils n’auront jamais hésité à défendre malgré les tumultes.
L’homme de base
Symbole de cette immunité impalpable, sa complicité unique avec Cristiano Ronaldo. En neuf ans au Real Madrid, rarement le Portugais ne se sera montré aussi vindicatif qu’au moment de soutenir son associé. Face à la presse, pour expliquer l’ultranécessité du Français dans le système merengue, mais également face à la hincha, coupable du crime de lèse-majesté en sifflant le « Nueve ». « Pas Karim ! Sifflez qui vous voulez, mais pas Karim. Ce que vous faites là, c’est ingrat et injuste », tonnera par exemple CR7 au public, en février 2018, lassé de voir son compère jeté en pâture aux lions.
Une confiance appuyée par les sept mentors côtoyés en cette décennie de « madridisme », parmi lesquels Manuel Pellegrini, Carlo Ancelotti, Zinédine Zidane ou José Mourinho. Ce même Lusitanien qui, en 150 rencontres partagées avec Benzema, a mené la vie dure à un gamin qu’il savait alors perfectible à souhait. « On a parfois eu des accrochages (Mourinho comparait alors Benzema à un chat, incapable de faire preuve d’agressivité sur le terrain). Et j’ai apprécié sa franchise, s’amusait le « Mou » dans les colonnes de AS. Il aurait très bien pu s’étaler dans les médias et jeter un froid. Mais il a préféré venir me voir dans mon bureau, et en vingt minutes, tout était réglé. » Un exemple parmi tant d’autres qui vient illustrer cette fiabilité sans faux raccord et la résistance de Benzema à la concurrence. Sans entrer en rivalité – chose qu’il « déteste » -, le Lyonnais a en effet grillé la politesse à Gonzalo Higuaín, Emmanuel Adebayor, Álvaro Morata ou Javier Hernández pour s’installer seul, treize ans durant, sur le front de l’écurie royale.
Plaqué or
Don Florentino Pérez reste encore le spectateur privilégié de cette éclosion. « Je ne me suis levé que deux fois de mon siège pour applaudir. Une fois pour l’égalisation de Sergio Ramos, en finale de la Ligue des champions contre l’Atlético. L’autre, c’était pour un but de Benzema, à son retour à Gerland en 2011 », détaillait le président. Devenu l’égal de Raúl, au second rang du classement des buteurs du Real Madrid (323 réalisations chacun), le joueur français le plus titré (30 trophées) et aujourd’hui le septième meilleur artificier de l’histoire de la Liga (222 réalisations), Benzema a donc définitivement conquis la capitale du Royaume. Celui à qui l’on pouvait reprocher sa nonchalance, son inefficacité ou son manque de charisme a en effet pris une revanche définitive, obstiné à prouver à ses détracteurs qu’il tenait encore fièrement debout. Au point de marquer l’histoire en or brut : le Gone est enfin devenu roi.
Par Adel Bentaha