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Ce que ce Feyenoord-Ajax nous dit du niveau de l’Eredivisie
Malheur au vaincu ! Avec cinq points de retard sur le PSV, Feyenoord (4e) et l'Ajax (3e) s'affrontent ce dimanche pour tenter de ne pas être distancé dans la course au titre en Eredivisie. Jadis glorieux, le Klassieker 2017-2018 est particulièrement amer, et le véritable vaincu dans l'histoire semblerait être l'Eredivisie.
Ce dimanche a lieu le premier Klassieker de la saison 2017-2018, le 188e de l’histoire de cette rivalité séculaire qui oppose le Feyenoord Rotterdam et l’Ajax Amsterdam. Un Klassieker reste un Klassieker : il y aura probablement de la tension et de l’engagement, quelques semelles qui traînent et pas mal de mauvaise foi. Et pourtant, la flamme n’est pas vraiment là, la faute à deux institutions empruntées, pour diverses raisons, et qui ont déjà laissé filer le PSV en tête. La faute, aussi, à une Eredivisie qui ne cesse de dégringoler et dont ce dernier Feyenoord-Ajax revêt tous les atours de symbole.
L’infortune européenne
Deux rivaux historiques et deux façons bien distinctes de galérer sur la scène européenne cette saison. D’un côté, l’Ajax Amsterdam s’est fait sortir in extremis par Nice en tour préliminaire de Ligue des champions. Repêché en barrage de Ligue Europa, la formation ajacide s’est lamentablement écroulée face à Rosenborg (deux défaites). Indigne du finaliste du dernier exercice de C3. De l’autre côté, le Feyenoord, champion, a retrouvé les poules de C1. Mais, depuis le mois dernier, le club rotterdamois joue surtout le rôle de sparring partner (zéro point en trois matchs) dans un groupe F, il est vrai, pas évident, et devra continuer à encaisser les jabs jusqu’à début décembre. Cas similaire à celui de l’Ajax pour le PSV, qui s’est fait sortir dès son entrée en Ligue Europa par le club croate du NK Osijek (deux défaites). C’est un fait : l’Eredivisie n’a plus le niveau européen, y compris ses habituelles têtes de gondole.
Un PSV logiquement premier
Nul doute que cette élimination du PSV face au NK Osijek fut un mal pour un bien : d’abord, la formation de Phillip Cocu a retrouvé son mojo après ce choc mental ; ensuite, le club Boer ne joue plus que le championnat – et éventuellement la Coupe des Pays-Bas. À l’heure actuelle, le PSV a 21 points, soit cinq unités d’avance sur ses poursuivants Ajax et Feyenoord, colle des manitas à qui s’avance un peu trop près et peut dire merci à un calendrier tranquille. Encore plus quand on sait que le Feyenoord et l’Ajax ont du mal à relancer la machine. Doté d’un jeu poussif aux antipodes de celui entrevu la saison dernière, le club rotterdamois est l’inverse total de son adversaire du jour qui, lui, arrive à faire rutiler son football, mais pas assez pour faire oublier les fantômes du passé (le départ précipité de Bosz, le malaise d’Abdelhak Nouri) et une structure dirigeante fragilisée.
Des équipes jeunes, faute de mieux
Un Klaas-Jan Huntelaar à l’âge canonique (34 ans) dans une Eredivisie parfois à la limite du child labor. Cette saison, le groupe ajacide affiche une moyenne d’âge de 22 ans et 7 mois tandis que son opposant prend des airs d’équipe expérimentée avec une moyenne de 23 ans et 5 mois. Or, si l’on privilégie la jeunesse, ça n’est pas toujours par choix, mais par nécessité. Parce que les joueurs de qualité partent invariablement entre 21 et 23 ans dans les championnats majeurs – contre une moyenne de 26 ans il y a encore deux décennies de ça – il est donc nécessaire de les lancer très jeunes, à un âge où d’autres termineraient leur formation en Youth League. C’est là le signe d’un championnat qui perd ses plumes.
Un championnat en berne = une sélection en berne
Sur les 48 derniers joueurs appelés avec l’équipe de Hollande, 15 font partie d’une forrmation d’Eredivisie – dont 13 pour les seuls PSV, Feyenoord et Ajax. Un chiffre qui s’élargit à 21 si l’on comptabilise les joueurs partis au mercato d’été (Pröpper, Willems, Klaassen, Tete, Elia, Karsdorp). Soit un peu plus de 40% de la sélection issue d’un championnat national qui ne parvient plus à répondre aux exigences continentales. Et souvent, la vitalité d’un championnat se répercute sur celle de sa sélection nationale. Bien sûr, il serait une erreur de considérer le niveau de l’Eredivisie comme seul responsable de la panade dans laquelle se trouvent les Oranje, mais un championnat en constante chute libre – et deux de ses trois plus gros représentants en difficulté – n’aide pas à faire remonter la pente.
Un Klassieker sans ambiance ?
Un derby se joue autant sur le terrain que dans les tribunes. À ce petit jeu-là, le Klassieker n’avait rien à envier au Old Firm ou au Derby d’Istanbul, encore plus lorsqu’il se déroulait dans le mythique antre du Kuip. « N’avait » , car depuis plusieurs affrontements, la KNVB a choisi d’interdire le parcage visiteurs. Ce 188e Klassieker se déroulera donc sans supporters de l’Ajax, un choix que déplorent autant les deux clubs que la presse néerlandaise. On pourra toujours s’en remettre aux fans du Feyenoord Rotterdam : avec ou sans rivaux en tribunes, ces derniers ont tendance à faire plus de bordel que quiconque en Eredivisie. C’est déjà ça de pris.
Par Matthieu Rostac, à Amsterdam