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- Dortmund-PSG (2-1)
- Billet d'humeur
Ce Paris est mort de trouille
« T’as voulu voir Mbappé et on a vu Håland ! » Rien de tel que Jacques Brel pour résumer le ratage quasi complet du PSG battu hier soir à Dortmund (2-1). Rien n’est perdu. Mais au moment du coup d’envoi du match retour le 11 mars, Paris partira éliminé. Pas vraiment le scénario prévu au moment du tirage.
Allons à l’essentiel : ce Paris est mort de trouille. En dénonçant un climat de « négativité » autour du club il y a dix jours, Leonardo avait fait l’aveu implicite et imprudent d’une forte pression qui y régnait avant le rendez-vous allemand des 8es de finale. Dont acte ! En abandonnant son 4-4-2 pour un 3-4-3 frileux, dont on reparlera plus loin, Tuchel avait mis certaines ambitions de côté et tablé sur « le meilleur score possible » . Raté ! Après le match, « TT » a lâché le morceau : « On a joué avec trop de peur. » Et Neymar a enfoncé le clou : « C’est dur de rester quatre matchs sans jouer. Malheureusement, ce n’était pas mon choix, c’était la décision du club, des médecins. Je voulais jouer, je me sentais bien, mais le club avait peur, et c’est moi qui souffre à la fin. » La trouille, encore et toujours ! À Paris, elle mazoute les esprits. Avant, les échecs en quarts de C1 reflétaient une peur des demies et maintenant la fébrilité devient inhibante dès les 8es, à la suite des désillusions récentes (remontada, reMUtada). Sur le plan mental, Paris n’avance pas. La qualification espérée au match retour devrait sûrement agir comme un exorcisme.
PSG : Paris Sans Grinta
Pour l’aspect global, toujours, ce PSG paie une indolence coupable pointée régulièrement depuis des semaines, notamment en L1. Les trop nombreuses approximations techniques dans le contenu et les chutes de tension pendant les rencontres (le 4-2 face à l’OL, le 3-3 face à l’AS Monaco ou le 4-4 à Amiens) révélaient une suffisance, une gestion mal maîtrisée, qui préparent mal aux gros chocs européens. Hier soir, Paris l’a payé cash. Et qu’on ne parle plus de la faible opposition en L1 qui pénalise le club parisien : en 2017, année de la remontada, Paris avait eu affaire à un gros Monaco, et l’Ajax qui se balade en Eredivisie sait pourtant maintenir un haut niveau de compétitivité en coupes d’Europe… En phase de poules, on avait aussi fustigé la condition physique déficiente récurrente des clubs français cette saison, battus dans l’intensité. Hier, un Paris souffreteux a trop souvent cédé à l’impact, notamment au milieu de terrain. Le mythe d’une L1 athlétique est en train de voler en éclats. Au PSG, les absents (blessés) et les présents convalescents en phase de reprise, hier, attestent depuis un bout de temps d’un sérieux problème dans la préparation physique au moment des rendez-vous cruciaux… Encore une remarque : l’incapacité des clubs français à bien gérer la menace offensive adverse cette saison en coupes d’Europe. Benzema, Dzyuba, Ziyech et Promes, Morgan (Celtic) avaient tous marqué ! Hier, Erling Håland était le danger numéro 1. Il a planté un doublé.
Pari tenté, Paris perdu
Pour en revenir au 3-4-3 inattendu de Tuchel qui relevait d’un mimétisme troublant, vu que c’est aussi le système de Favre, il a eu pour effet de déconstruire le jeu parisien. Au milieu, c’est bien la paire axiale Can-Witsel qui a pris le dessus, notamment dans l’impulsion vers l’avant. À l’inverse, Gueye est toujours autant à la peine quand il est pressé dans sa zone (cf. Madrid), et Verratti s’est souvent mué en quatrième défenseur en grattant efficacement des ballons. Il faut dire que les trois attaquants parisiens rechignent toujours aux tâches défensives qui allégeraient le boulot des milieux.
Paris, qui sait jouer à la fois en possession et en transitions rapides, a abandonné ce double registre à Dortmund. Paris a même usé d’un jeu long stérile vers Mbappé, trop isolé, alors que toute profondeur avait été confisquée par un bloc bas. Mais il y a pire : Dortmund a marqué ses deux buts sur attaques placées et non sur des contres (même si Sancho aurait pu marquer) ! La fluidité et la rapidité des offensives allemandes ont souvent reposé sur un jeu à une touche, théoriquement un point fort aussi du PSG. Sauf que… Paris a joué dans les pieds, multipliant les touches de balle, donc en imprimant une lenteur qui ne pouvait pas créer de failles dans le bloc bas du BvB. En portant trop le ballon, Neymar n’a pas concouru à un jeu plus rapide non plus, oubliant parfois les bons appels de Mbappé.
Mais l’un des constats « a contrario » les plus accablants pour Paris, ce fut d’observer l’incroyable adaptation des deux recrues récentes de Dortmund, Can et Håland (voire aussi Thorgan Hazard, très juste hier). Ils se sont parfaitement intégrés au collectif des Jaune et Noir, preuve de l’existence d’une identité de jeu suffisamment affirmée pour y incorporer aisément des éléments nouveaux. Inversement, on cherche encore la lisibilité du système Tuchel, fluctuant sans cesse entre schémas recomposés. Hier, la chaîne de commandement au poste de meneur-organisateur a complètement failli : Neymar n’a pas assez pesé. Di María, son suppléant habituel, non plus. Même Verratti qui peut jouer les utilités a passé plus de temps à colmater qu’à orienter vers l’avant. On a l’impression gênée que le système Tuchel, c’est en fait la paire Neymar-Mbappé (à son avantage sur le but parisien). Donc des individualités, et pas un collectif. Paris n’avance pas.
Par Chérif Ghemmour