- Premier League
- Bournemouth
Ce n’est qu’un Howe revoir
Douze ans après son arrivée sur le banc de Bournemouth, Eddie Howe a quitté dimanche ses fonctions, au terme d'une saison ratée, soldée par une relégation en deuxième division. Pas de quoi ternir le bilan d'un entraîneur parvenu à donner des airs de Football Manager au Royaume d'Angleterre en menant son club de toujours de la D4 à la Premier League en un peu moins de dix ans.
A l’échelle d’une vie, un quart de siècle représente beaucoup. Alors pour Eddie Howe, 42 ans seulement, ce genre de durée donne le vertige. 25, c’est en effet le nombre d’années que l’Anglais a donné au total à son club de presque toujours, cette formation de Bournemouth qu’il a représentée 311 fois en tant que joueur et dirigée à 414 reprises comme entraîneur. Une histoire au long cours qui s’est achevée de façon abrupte, dimanche. « Eddie Howe est une légende de Bournemouth, a affirmé Neill Blake, directeur exécutif du club dans le communiqué qui annonce le divorce. Il a transformé l’identité et l’histoire de club. » De fait, parti du fin fond de la quatrième division anglaise en 2008, Eddie Howe a réussi l’exploit de mener les Cherries à la Premier League en moins de dix ans et de les y maintenir pendant cinq années. Mais toutes les histoires ne se finissent pas forcément bien, et c’est sur une page terne, une relégation en D2, que s’est conclue celle qui unissait le club et son entraîneur. Tant pis, les souvenirs restent. Et ils sont magnifiques.
Too small to win
Le départ de l’entraîneur britannique trouve bien sûr sa source dans la relégation des Cherries en deuxième division, au terme d’un exercice raté, conclu à la dix-huitième place du championnat et plombé par un bilan de 22 défaites en 38 matchs. En cause, un recrutement défaillant après des années de bonnes pioches, puisque les recrues phares des derniers mercatos, que ce soit Jordon Ibe, Jefferson Lerma ou Dominic Solanke ne se sont pas montrés à la hauteur des espérances. Les blessures, aussi, puisque des tauliers tels que Charlie Daniels et des jeunes comme David Brooks ont cruellement manqué. Parfois tenu pour responsable, Eddie How a été durement critiqué ces derniers jours par des observateurs zélés. « Il n’a pas fait avancer son groupe cette saison, a tancé Stan Collymore dans les colonnes du Mirror. Ils ne se sont même pas renforcés. Ils ont régressé. Je me moque du temps qu’il a passé au club, de combien Bournemouth est heureux de simplement figurer en Premier League après tant d’années en quatrième division, ce n’est simplement pas suffisant. »
Une autre explication est néanmoins envisageable, celle que le club vivait simplement au-dessus de ses moyens depuis plusieurs saisons et qu’Eddie Howe luttait contre l’inéluctable. Incapable de concurrencer économiquement les géants sur le long terme, la petite ville du Sud, dont le stade ne compte que 11 364 sièges, avait atteint son apogée et ne pouvait que décliner. En obtenant le maintien depuis cinq ans, Eddie Howe était parvenu à faire croire à tous une histoire trop belle pour être vraie, celle d’un petit village d’irréductibles capables de tenir tête aux grands du Royaume au temps de la mainmise des finances et des dividendes. Victime de son succès, Howe a attiré la déception, donc les critiques, car le football ne pardonne rien. L’Anglais en savait quelque chose, puisque ses enfants eux-mêmes, âgés de trois et six ans, avaient pris l’habitude de remettre en question les choix du père. « Ils me donnent des conseils tactiques et me disent qui choisir, avait-il révélé. Ils protestent contre ce que j’ai fait après les défaites, ils sont comme la majorité des supporters. Mais quand nous gagnons, ils ne disent rien, ce n’est que des high-fives et des câlins. »
Des Howe et peu de bas
Il faut dire qu’Eddie Howe a banalisé le miracle et donné un parfum de Football Manager à son épopée à la tête de Bournemouth. Issu d’une famille pauvre du Buckinghamshire, le natif d’Amersham sait depuis toujours comment transformer le plomb en or. Nommé le 31 décembre 2008, à seulement 31 ans, Howe reprend un club perclus de dettes, à une époque où il est avant-dernier de quatrième division et où les joueurs reçoivent leur salaire en retard dans des sacs en plastique Marks & Spencer. Dès les premiers mois, l’ère Howe devient une aventure humaine. « Ce que nous avons aujourd’hui, la ténacité, la détermination, la mentalité qui nous permet de dépasser n’importe quelle difficulté, s’est créé à ce moment-là, confiait le technicien. Cette période a été cruciale dans ce que nous avons fait par la suite. » La suite, c’est une promotion en League One en 2010, au terme de sa première saison complète sur le banc, puis, après une pige de quelques mois à Burnley, le titre de D2 en 2015, qui offre donc les portes de la Premier League.
Dans l’élite, le succès ne se dément pas avec une historique neuvième place en 2017. Depuis, malgré des résultats décroissants (en 2018, 14e en 2019 et finalement 18e en 2020), Howe n’a jamais dévié d’un iota quant à sa méthode, qui est aussi une philosophie de vie : « Un entraîneur essaye de développer des qualités humaines, répète-t-il souvent. Il doit s’assurer que ses joueurs n’améliorent pas seulement des compétences, mais grandissent aussi en tant qu’hommes » . En tout cas, Howe a grandi en tant qu’entraîneur, au point de devenir l’un des techniciens les plus respectés du Royaume. « Le travail qu’il a fait est incroyable, a confié Harry Redknapp, lui aussi passé sur le banc du club de 1983 à 1992. Il a pris en main un club qui végétait en troisième division et l’a mené en Championship, ce qui était déjà un miracle, avant de le conduire en Premier League, ce que je pensais impossible à faire. Puis il a battu tout le monde, à des moments différents. » Ce n’est donc certainement pas la fin de l’histoire pour le technicien anglais, dont la réputation devrait attirer bon nombre de potentiels employeurs : ce n’est simplement qu’un Howe revoir.
Par Valentin Lutz