- International
- Euro U17 2004
- 15 mai 2004
Ce jour où Nasri et Ben Arfa gagnaient l’Euro
Il y a onze ans, la France boxait l'Espagne en finale de l'Euro U17, grâce à Samir Nasri et Kevin Constant. Un duo symbole d'une équipe de potes insouciants, semi-pros qui récitaient encore leurs tables de multiplication entre le plat et le dessert.
« La chanson qu’on écoute en boucle, c’est Cette année-là, de Claude François. Les paroles retracent notre histoire, de notre première sélection à aujourd’hui » , sifflote Samir Nasri. Le Marseillais, seize berges au compteur, balade tranquillement sa bouille imberbe dans les couloirs du stade Gaston-Petit de Châteauroux, accordant quelques mots aux journalistes présents sur place. Quelques heures plus tard, le bonhomme contrôle, frappe des 25 mètres et marque pour les Bleus le but de la victoire face aux Espagnols de Juan Santisteban. Nasri permet ainsi à la France de remporter son tout premier championnat d’Europe dans la catégorie U17, après trois défaites – 1996, 2001 et 2002, mais scelle surtout la plus belle histoire collective de la génération 87.
« On a tous un rôle précis »
Car la compétition, présentée par l’entraîneur Philippe Bergeroo comme « une préparation pour l’équipe de France Espoirs dans trois ans » , se transforme rapidement en école de la vie pour les adolescents. Aucun d’entre eux n’est professionnel et certains n’y ont d’ailleurs jamais songé. Le Petit Prince du Vélodrome n’est encore que valet de chambre de Camel Meriem et Karim Benzema cire le banc, mais l’alchimie fonctionne : « J’ai appris plus en trois semaines d’équipe de France qu’en une saison passée en club, confiait Benoît Costil, n°1 dans les cages devant Rémy Riou, sur football.fr. J’ai vu que l’esprit de groupe fait la différence, c’était une expérience formidable. » Les gamins, poussés au travail scolaire, répètent leurs gammes entre deux parties de PES sur Playstation 2 : « Le midi, à table, lorsqu’on parlait de l’Euro, ils récitaient la table de multiplication. Il faut savoir profiter de ces moments de fraîcheur » , dévoile Bergero à L’Equipe, au soir de la finale.
À l’entraînement aussi, le professionnalisme du sélectionneur et ses explications autour de schémas tactiques poussés passionnent les jeunes coqs. « Nous avons tous un rôle précis, une tactique, une organisation et, même à notre âge, c’est loin d’être chiant. » confirme innocemment le défenseur nantais Abdelkarim El-Mourabet, toujours dans L’Equipe. Encore moins chiant, le jeu proposé par les minis-Bleus. Carrément palpitant, même. Huit ans plus tard, le Cos’ se souvient « (d’)une équipe de guerriers » , où « les quatre de derrière (Josse, El-Mourabet, Thicot et Mangani, ndlr) étaient très très solides. Après, on donnait le ballon aux quatre de devant (Songo’o, Nasri, Ménez et Ben Arfa, ndlr) pour faire la différence et se débrouiller. (…) Au milieu de terrain, je me rappelle Pierre Ducasse et Ahmed Yahiaoui. Ils faisaient un travail énorme. On donnait le ballon aux quatre de devant et on leur disait : « Maintenant, régalez-vous ! » »
Bataille de la Terre du Milieu
Sur la pelouse de ce soir de 13 mai, deux juniors crèvent l’écran côté ibérique : Gerard Piqué et Francesc Fàbregas Soler. Le premier est un pur produit de la Masia barcelonaise, tandis que le second en sort tout juste, séduit en septembre 2003 par le projet Gunners d’Arsène Wenger. Dans le couloir avant le match, Nasri titille Fàbregas, avec qui il a disputé un match de PES la veille : « On va gagner. Regarde la coupe, regarde le trophée : il est pour nous ! » Bergeroo, superstitieux comme tout, chasse les chats noirs : « Avant la finale, un journaliste m’a rappelé que, il y a vingt ans, la France avait éliminé le Portugal en demies de l’Euro, comme nous, puis gagné contre l’Espagne. Je lui ai dit : « Oh malheureux, vous allez me porter la poisse ! » »
Le milieu de terrain, nerf de la guerre pour les deux formations, devient vite un champ de bataille où Ahmed « Gattuso » Yahiaoui joue les démineurs. Les mèches longues de ses cheveux bruns virevoltent sous son serre-tête, presque aussi haut que les guiboles de ses adversaires lorsqu’il s’aligne pour lâcher un tacle. Une performance taille patron à l’origine de la célèbre anecdote selon laquelle CF4 aurait un jour demandé à SN10 ce que devenait « ce numéro 6 » qui jouait à côté de lui ce jour-là. « À Martigues, il vaut 176 000 sur le marché » , lui aurait répondu l’ex-Mister Golovin, d’après les dires de Yahiaoui sur football.fr. Le match laisse une marque de 2-1, au profit des Bleus, Piqué ayant réduit le score. Rigueur, conscience collective et connexion sur la pelouse, voilà peut-être un triptyque que certains esthètes de la génération 87 ne connaîtront plus en équipe nationale.
Par Théo Denmat