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- 27 octobre 1946
Ce jour où l’arbitre a failli être littéralement pendu…
À mort l'arbitre ! Littéralement. Le 27 octobre 1946, des hinchas de Newells se sont trouvés à deux doigts de pendre un homme en noir. Avant que des soldats n'interviennent ...
Rosario aime le foot. Peut-être même un peu trop. La ville de Messi, Menotti et du Trinche Carlovich, « serait assez triste, sans footbal » , dixit César Delgado, lui aussi élevé sur les berges du Rio Paraná. La moitié de la cité en pince pour Rosario Central, l’autre pour Newells. Ce 27 octobre 1946, on joue la 25e journée du championnat argentin. Newells reçoit San Lorenzo, le leader. El ciclon compte notamment dans ses rangs Mario Imbelloni, qui s’exportera à Nice, puis au Real Madrid.
À Rosario, San Lorenzo fait respecter son rang. Au terme de la première période, le break est déjà fait (2-0). Pas du genre à se soumettre, les Lépreux bataillent toutefois en seconde période, et leur rébellion les conduit à refaire rapidement leur retard. Mieux, à trois minutes du terme du temps réglementaire, les filets de San Lorenzo tremblent à nouveau. Le Parque Independencia chavire. Puis devient furieux. Le but est refusé, sans doute pour une position de hors-jeu. Profitant de la confusion qui règne sur la pelouse, San Lorenzo se rue vers le but adverse, et marque à son tour. Cette fois, le but est validé.
70 secondes à rejouer
Lors de l’avant-match, une rumeur avait été habilement propagée. Elle faisait de l’arbitre, Osvaldo Cossio, un fan de San Lorenzo. En réalité, l’homme en noir en pinçait pour Huracán, l’ennemi juré du Ciclón. Quoi qu’il en soit, l’arbitre va prendre cher. En amuse-bouche, les fans de Newells, qui ont envahi la pelouse, se font quelques joueurs adverses. Le défenseur José Vanzini se prend ainsi une chaise dans le dos. Le match est interrompu, l’arbitre, adepte du principe de précaution, rentre au vestiaire.
Finalement poursuivi par une horde rouge et noire – les couleurs de Newells -, Osvaldo Cossio profite d’un trou dans le grillage de l’enceinte, pour prendre la fuite. Usé par 88 minutes de jeu et sentant le souffle ardent des supporters de Newells réchauffer dangereusement ses épaules, l’arbitre manque de lucidité. Il trébuche au passage d’une voiture. À terre, il n’aura pas l’opportunité de se relever. Une flopée de pieds lépreux s’encastrent dans sa carcasse. Pour achever leur proie, les hinchas ne perdent pas de temps en débats et optent spontanément pour la pendaison. Un fan quitte sa ceinture et l’enroule autour d’une branche d’arbre, comme s’il s’agissait d’une corde. Ah, le bon vieux temps …
Cossio ne finira toutefois pas sa vie pendu à un arbre de Rosario. Deux militaires sont témoins de la scène et interviennent. Bilan de cet après-midi agité : un traumatisme crânien pour l’arbitre et moult contusions. L’épilogue de la rencontre se déroulera le 11 novembre. La veille, Newells a disputé une rencontre sur la pelouse du Vélez Sársfield. Profitant de la présence du club de Rosario à Buenos Aires, la Fédération argentine a la curieuse idée de faire jouer les 70 secondes restantes du match interrompu face à San Lorenzo. La grosse minute à jouer est répartie en deux périodes de 35 secondes chacune ! Rien ne sera marqué. Est-ce la peine de préciser qu’Osvaldo Cossio ne fut pas désigné pour arbitrer le reliquat de la rencontre ?
Par Marcelo Assaf, avec Thomas Goubin.