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Cazarre : « Il faudra que je m’arrête avant de devenir ringard »
Depuis trois ans maintenant, Julien Cazarre distille ses blagues sur le plateau de J+1. Souvent piquant, parfois violent, mais toujours drôle, celui qui est avant tout un grand fan de foot a pris le temps de parler un peu ballon rond. Du PSG et de l’ambiance au Parc, évidemment. Mais aussi de son côté beauf. Et son amour du karaoké.
Quel est ton rapport au foot ?À la base, je suis un gros bourrin de foot. Le genre de mec qui peut vraiment s’enquiller du foot en grosse quantité. Je ne pense pas que je pourrais déconner dessus si je n’étais pas un fan. D’ailleurs, sûrement que mon humour passe bien au niveau des footeux car les mecs sentent que j’aime vraiment ça. Connaître un peu le foot, ça te donne aussi des références, si tu n’en as pas au bout d’un moment tu vas plafonner et faire toujours les mêmes blagues sur Ribéry, Benzema ou Valbuena. Tu peux donc très vite tourner en rond. J’aime le foot avant de déconner dessus, quoi.
C’est vraiment une passion d’enfant ? C’est simple, je me souviens parfaitement de mon premier souvenir lié au foot, c’est lors de la Coupe du monde 1982, je n’avais que huit ans mais je me suis effondré en larmes après la défaite contre l’Allemagne.
Le plus fou c’est que personne n’aime le foot dans la famille, mon père ne m’a pas transmis une fibre footballistique, d’ailleurs ce soir-là, il hallucinait que je puisse pleurer pour un truc comme ça. Bref, c’est de là que vient mon amour du football. Et ma haine des Allemands. Une haine que j’ai pu partager avec mon grand-père pour mon plus grand plaisir. Lui détestait les Allemands depuis plus longtemps, au début je ne comprenais pas trop mais à partir de ce jour-là on est devenu super proches. Le pauvre est mort sans avoir pu voir le doublé de Griezmann au dernier Euro. C’est dommage car c’est quand même quelque chose qui m’a enlevé un certain poids. Depuis toujours j’avais deux affronts à laver : une victoire française face à l’Allemagne, ça s’est fait, et une victoire de Paris face à la Juve. Les Turinois nous ont toujours fessé le cul et il est hors de question que je meure sans qu’on ait niqué la Juve. D’ailleurs j’espère les rencontrer cette saison, qu’on règle enfin ça.
Et l’amour du PSG, il vient comment ?Un peu plus tard, mais très naturellement, car je suis un pur Parisien. Et forcément, quand tu es de Paris bah le premier stade que tu fais, c’est le Parc. Gamin, je ne pouvais pas y aller, car personne n’était fan de foot dans ma famille du coup j’ai dû attendre d’avoir seize, dix-sept ans pour y aller avec un pote. C’est en 91, et direct on est à fond. Et attends, s’il te plaît, à l’époque on kiffe une équipe qui compte dans ses rangs Sandjak, Christian Pérez et où le meilleur attaquant est Daniel Bravo, hein. Autant te dire que ça pique ! On s’est abonné dés la saison suivante avec mon pote et j’ai juste fait une pause de sept ans pour une meuf. Et je peux te dire que je ne le referai jamais de ma vie. Ce n’est même pas elle qui me l’avait demandé, mais je m’étais dit que j’allais faire cet effort car le PSG était une vraie obsession pour moi. Et puis quand je vois le résultat, comment j’ai été remercié je me suis dit « bah putain, plus jamais ! » Désormais, ma carte, je la garde jusqu’à la mort.
Tu es quel genre de supporter ?Je suis un peu beauf. J’ai longtemps été abonné à Auteuil mais ce n’est pas parce que j’étais un ultra, je ne vais pas jouer le mytho, c’est juste que je n’avais pas les moyens de me payer une place mieux placée.
J’aime voir le foot. J’aime voir mon équipe jouer. Mais je n’arrive pas trop à chanter, je peux gueuler un peu, mais en vrai je suis surtout super concentré. Quand je regarde un match de l’équipe de France ou du PSG à la télé, je suis vraiment le gars qui parle le moins. Une sorte de débile. Par exemple, quand on fait une soirée foot entre potes, et s’il y a des nanas ou des mecs, hein, qui n’y connaissent rien et qui commencent à poser des questions connes sur le match, ça me casse les couilles. C’est une situation que tu retrouves vachement lors d’une compétition comme l’Euro, car ça réunit plein de gens qui aiment le foot et d’autres non. Et tu peux très vite te retrouver à une soirée où il y a vingt personnes dont douze qui n’en ont rien à branler du match, qui parlent de trucs dont tout le monde se tape alors que tu es en train de faire nul contre l’Albanie et que la vraie priorité elle est là, tu vois.
Tu ne squattes pas les loges maintenant que tu es une star ? Non, pas vraiment. Je reçois quelques invitations, mais ce n’est pas vraiment mon truc. J’y suis allé deux-trois fois mais c’était plus pour faire plaisir à un de mes potes, moi je m’en tape. Je ne vais pas au stade pour manger des petits fours, je m’en branle, il y a d’autres endroits pour ça. Je préfère être avec des cons, comme moi, qui sont là pour voir un match. Les loges ça reste un peu un endroit de pique-assiette où les mecs sont là pour faire du relationnel. Je vais être honnête, je suis beaucoup trop beauf pour aimer être en loges. C’est ça la vérité.
En ce qui concerne le Parc, tu n’es pas du tout dans le délire du « c’était mieux avant » ? Dire que c’était mieux avant, c’est bien, et en partie, c’est vrai. Mais moi j’ai quand même connu le Parc où des gens ne voulaient pas y aller de peur de se faire tabasser. Lors d’un PSG-OM, je me souviens avoir vu un mec se faire ouvrir le crâne juste à côté de moi alors qu’il était supporter du PSG. Quand tu vois ça, tu te dis « Putain, mais où on va ? » Je trouve que les ultras ont cassé leur propre jouet. Ce qui est malheureux, c’est que pour qu’il y ait un vrai changement on ait dû passer par là. À un moment, si tu leur dis jute qu’ils risquent six mois de suspension, les mecs s’en branlent, ils savent qu’ils vont revenir bientôt. Alors que là, ils ont vraiment chié dans leur froc. Là, s’ils sont intelligents ils vont pouvoir revenir petit à petit et c’est une très bonne chose. De toute façon, je ne crois pas aux mecs sans qui le club n’existe pas. Quand tu vois des mecs de trente piges qui t’expliquent que sans eux le PSG n’existe pas, t’es là : « ouais, t’es bien mignon, mais le club a plus de quarante ans, il existait avant toi et il continuera à exister sans toi. » D’où tu sors pour sortir des trucs comme ça, sérieux ?
La peur d’aller au stade, tu l’as connue, toi ?
Je ne dirais pas la peur, mais parfois le dégoût. Quand pour certains matchs il y a plus de flics que de supporters autour du stade, tu te dis que ce n’est pas possible. Moi, je veux bien me branler sur le côté ultra et tout ça, je trouve ça cool, mais à un moment quand ça dépasse les bornes, ce n’est plus marrant. Et puis les mecs se tapaient entre supporters du même club. C’est quand même costaud. Il y a un bar à côté du stade, qui s’appelle les Princes, aujourd’hui c’est un truc un peu branchouille, mais jusqu’en 2004, c’était un énorme repère de fafs. Les mecs s’appelaient alors la légion celte de Boulogne, et c’étaient des tarés. Ce sont les mêmes mecs qui tabassent le flic lors de PSG-Caen. Les mecs claquaient des chants nazis devant le bar, sans complexe. Il n’y avait aucun problème. Après, bien entendu, il ne faut pas retenir que ça, il y avait également de magnifiques ambiances de stade. Mais ce qui est con, c’est que l’ambiance dans le stade aurait pu exister sans tous ces débordements à côté, ça ne devrait pas être indissociable.
C’est vrai que l’ambiance du Parc a pris un sacré coup…Bah bien sûr, c’est évident. Tout le monde s’accorde pour dire que c’est moins bien. C’est ce qui est triste, qu’on ait du en arriver là. Mais il faut bien avoir conscience que les mecs ont reçu des tas d’avertissements, sauf qu’ils n’en avaient rien à foutre. Chaque ultimatum qui était donné ne servait strictement rien. Qu’est-ce que tu veux faire ? Et puis tu ne peux pas dire que d’un coup, parce qu’il n’y a plus d’ultras, que ça ne vaut plus rien. Le foot ce n’est pas que ça. Le foot ça a cent vingt ans, je ne pense pas que le mouvement ultra soit aussi vieux. Le plus drôle, c’est quand tu vois des mecs comme Lorant Deutsch qui te disent : « Je ne vais plus au Parc parce qu’il n’y a plus d’ambiance. » Mais mets la l’ambiance, mec ! Vas y gueule ! Tu veux de l’ambiance mais il faut que ce soit les autres qui la mettent pour toi. Quand un ultra me dit ça, là je respecte, ok, le mec est dans son droit, mais le mec qui est en tribunes présidentielles et qui te dit ça…
Pour en venir à ton boulot, comment tu t’es retrouvé à faire des blagues sur le foot ? En fait, avec Action Discrète, on avait fait pas mal de trucs sur le foot, comme on est deux sur cinq à aimer ça, on forçait un peu le truc. Et à l’époque où on avait l’émission du samedi soir, on en avait fait une spécial foot. Dans ce cadre-là, on s’est retrouvé invité sur RMC, dans l’After car les mecs se disaient que c’était original de voir des types qui font des sketchs sur ça. Pendant l’émission, les mecs se rendent compte que j’aime vraiment le foot. Du coup, derrière, ils me réinvitent. Et là, Gilbert Brisbois me dit (il se lance dans une imitation) : « C’est vraiment trop con, toi tu fais des blagues sur le foot et nous on a personne qui déconne là-dessus. » Du coup, ils me font faire un essai après quoi François Pesenti (DG de RMC, ndlr) dit « banco, on y va ! » Et puis derrière, ça s’est un peu enchaîné, il y a 100% qui m’a proposé de venir une séquence. Mais finalement, tout ça part de ça, d’une rencontre, d’une coïncidence, je ne pensais pas du tout faire ça un jour.
Et J+1, ça se fait comment ?
En fait, Canal avait un créneau le lundi soir avec des droits pour le foot. Et Karim Nedjari voulait absolument faire une émission un peu décalée avec une véritable touche d’humour. Nedjari c’est déjà lui qui avait fait venir Pierre Ménès. Et qu’on aime ou pas le personnage, il faut bien avouer que ça a été une vraie révolution dans la manière d’aborder le foot. Avant qu’il arrive, il n’y avait que des vendeurs de bagnoles à Canal qui arrivaient à te survendre un Nice-Guingamp. Et l’arrivée de Pierre Ménès a quand même permis de dire qu’un match nul était un match nul. Ça paraît évident aujourd’hui, mais avant c’était impossible. Enfin, bref, c’est dans cette optique qu’il me contacte pour me faire venir, car, bon, je suis sur un créneau où il n’y a personne donc ce n’est pas vraiment dur d’être le meilleur.
Et il y a le succès immédiat. Ouais, enfin, la chance qu’on a eue c’est de débuter sur ce créneau horaire là, le lundi soir en seconde partie de soirée, car si on avait débuté comme aujourd’hui, sur Canal, le dimanche, juste après le match de 21h, je pense que l’on n’aurait pas tenu trois mois. Là, ça nous a permis de nous tester et de s’améliorer petit à petit.
Comment est-ce que tu prépares ta chronique, ça te prend longtemps ? J’essaie de regarder quelques matchs durant le week-end, mais sinon, en gros, ça me prend une grosse journée. C’est-à-dire que je me lève très tôt le dimanche matin, je m’enquille tous les résumés des matchs, toutes les émissions, les interviews, tout le bordel et je note les trucs qui m’intéressent. Là j’envoie au monteur, Salim, qui garde ce que je lui envoie et qui, dans l’après-midi me montre tout ce que lui a récupéré et dont il sait que je pourrais avoir besoin. On regarde tout ça ensemble, je choisis ce que je garde et je commence à voir ce que je pourrais raconter. On finit ça vers 19h-20h, Salim met tout en ordre et derrière je vais répéter un peu devant un écran. Mais je n’ai pas un truc tout écrit, j’ai l’idée mais pas les mots exacts, histoire de garder un peu de fraîcheur pendant la rubrique.
En ce qui concerne le contenu, dans une interview, tu disais être allé trop loin avec Ali Ahamada, tu te mets donc quelques barrières ?En fait, quand je fais la caricature de Geoffrey Joudren, j’invente un personnage, tu sais que le mec n’est pas vraiment comme ça. Un peu comme quand je fais Ruffier, on est dans le fantasme d’un personnage qui n’est pas la réalité. Alors que quand je faisais Ahamada, au bout d’un moment tu te rends compte que je montre juste une évidence : le mec est juste nul. Donc forcément, il finit par mal le vivre.
C’est lui qui te le dit, ça ?
Non, c’est un mec de Toulouse qui avait fait passer le message à Laurent Salvaudon, l’ancien rédacteur en chef de l’émission. Mais déjà, moi, je me rendais compte que ça commençait à ne plus être drôle. Je crois que j’ai fait une dernière blague sur lui quand il est parti en Turquie, mais depuis j’ai arrêté. Si le mec souffre, ça ne m’intéresse pas, on est là pour se marrer. J’aime bien titiller les mecs, mais on déconne juste sur du foot, je ne suis pas là pour faire du mal à un mec. Finalement, la barrière que je me mets, c’est celle de la décence.
Tu as régulièrement des retours des footballeurs ? En général, les retours sont plutôt positifs. Mais mes blagues passent bien car j’ai la casquette d’humoriste. J’ai un chapeau à clochettes. En gros, je pars du principe que les footballeurs sont les rois et que moi je suis le bouffon, donc forcément je peux me permettre des choses qui ne seraient pas acceptées si elles étaient dites par d’autres personnes, comme des journalistes par exemple. Après, avec les invités ça se passe bien, mais il faut savoir aussi qu’on choisit les mecs qu’on invite.
Et quels sont les critères de sélection ?Bon, déjà, il y a les mecs qui peuvent, ce n’est pas toujours évidemment au niveau de la programmation vu que c’est le dimanche soir. Mais, en gros, nous on veut des personnalités, des mecs cools. Avoir une vedette, on s’en branle. Sauf si elle joue le jeu, là c’est super cool, comme quand Nasri était venu et qu’il s’est vraiment prêté au truc. Le pire du pire, c’est le joueur en devenir qui sait qu’il va être une star. Là, c’est trop compliqué, car ils vivent dans un environnement où il faut qu’ils fassent gaffe à tout, donc le mec n’a pas le droit à l’erreur, et forcément, dans un tel contexte, tu ne peux pas vraiment te lâcher.
Après l’émission, vous vous lâchez, justement ? Bien sûr. On finit vers 23h30, et là on part tous boire des coups au Cardinal Porte de Saint-Cloud. On reste généralement jusqu’à ce qu’on se fasse virer, vers deux heures du matin, puis on se tire place Pigalle dans un karaoké, L’Époque, et on se finit jusqu’à sept heures du matin. On ne se met pas des grosses mines, on picole, forcément, mais c’est plus l’idée de se marrer en finissant comme des gros beaufs à chanter des chansons de merde dans un karaoké.
Les joueurs viennent parfois ?
Il n’y en a qu’un seul qui est venu, c’est Manu Imorou. Il a d’ailleurs halluciné. Il devait se dire qu’à Canal on irait dans des endroits branchés, et là se mec se retrouve au Cardinal Porte de Saint-Cloud, déjà, c’est pas le summum côté branché, mais derrière il ne pouvait pas s’imaginer qu’on allait aller dans un karaoké. Mais ça l’a fait marrer, au moins. La plupart du temps, les mecs viennent au moins avec nous boire un coup au Cardinal. En fait, c’est Stéphane Guy qui avait lancé ça. Si le mec est une merde humainement (rires), il a un côté très généreux car il invitait tout le monde, les stagiaires et tout, on était à chaque fois une vingtaine et il rinçait tout le monde. Et du coup, c’est une tradition qu’on essaie de faire perdurer.
Dernièrement tu as fait une apparition dans le film « Toute première fois » , tu as des envies d’autre chose ? Ce film-là, je l’ai fait car le producteur est un pote à moi et qu’il m’a demandé si je voulais faire une apparition, c’est tout. Après, j’ai quelques projets de cinéma ou de série, mais je suis quand même plus branché écriture que jeu d’acteur, même si ça peut me faire marrer de faire quelques apparitions. De visu, on a forcément l’impression que je ne fais que J+1 mais j’ai pas mal de trucs à côté, là je viens de finir l’écriture d’une pièce de théâtre avec un pote que l’on espère jouer l’an prochain. Et ça n’aura rien à voir avec le foot. D’ailleurs, tout ce que je fais en dehors, c’est un peu hors foot, mais ce n’est pas pour changer mon image ou quoi que ce soit, ça j’en ai rien à branler, c’est juste une question d’envie. Au bout d’un moment tu satures. Même ce que je fais là, je ne pourrais pas le faire trop longtemps, et il faudra que je sache m’arrêter avant que l’on n’ose pas me dire que je suis devenu ringard. Il y a toujours un moment de latence où tu es déjà dépassé mais où les gens te pardonnent car ils t’ont beaucoup aimé. Mais ça ne dure que jusqu’à un certain point. C’est pour ça qu’il faut être vachement vigilant là-dessus, il faut savoir arrêter un truc quand c’est encore bien. Un jour où il faudra que je me fasse violence pour arrêter alors que l’on me proposera peut-être de continuer. Et pour ça, il faut préparer l’après.
Retrouvez Julien Cazarre tous les dimanches soirs dans J+1, ainsi qu’en librairie avec la B.D « Footage de gueule »
Propos recueillis par Gaspard Manet