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Cavani-Falcao, la nuit des chasseurs
Radamel Falcao et Edinson Cavani se retrouvent dimanche soir dans ce qui ressemble enfin à une opposition au sommet entre les deux avants-centres sud-américains. Débarqués en 2013 en Ligue 1 accompagnés d’une réputation de tueurs absolus face aux cages, ils ont pourtant tous deux affronté leur lot de déceptions et de critiques ces trois dernières années. Mais c’est bien en tant que stars respectives des attaques parisienne et monégasque que les deux hommes se feront face sur la pelouse du Parc des Princes.
Difficile de ne pas tracer un parallèle entre les deux. La même feuille de statistiques mirifique, la même discrétion en dehors des terrains, le même mélange de rage et de joie extatique que semble provoquer chez eux la sensation du ballon qui vient chatouiller les filets adverses. Mais aussi le sentiment, à un moment ou à un autre, que leur choix de carrière les avait condamnés à rétrograder sérieusement dans la hiérarchie des attaquants mondiaux. Et si Edinson Cavani et Radamel Falcao semblent aujourd’hui enfin à nouveau lancés sur les sentiers de la gloire, leurs parcours respectifs dans l’Hexagone ont longtemps emprunté des chemins sinueux et accidentés.
Cavani à l’ombre du Z, Falcao le Tigre blessé
Les symptômes qui ont retardé leur pleine éclosion en Ligue 1 sont, en revanche, éminemment différents. Le problème de Cavani à Paris s’est longtemps résumé à ce qui ressemblait à un bricolage tactique de la part de Laurent Blanc, contraint d’aligner sur l’aile un avant-centre qui facturait pourtant une moyenne affolante de 25 buts par saison en Serie A avec Naples. La faute à Zlatan Ibrahimović, intouchable en pointe de l’attaque parisienne. Sous le feu constant des critiques, l’ex-Napolitain semble même un temps avoir perdu une bonne partie de son mojo face aux cages, après son exil de trois ans sur le côté gauche. Pour son premier match en pointe face à Metz sous l’ère Emery, Cavani vendange ainsi un nombre record d’occasions, ce qui lui vaudra même de subir les sifflets du Parc des Princes.
Parallèlement, Radamel Falcao, de retour à Monaco pour l’exercice 2016-2017, espère émerger d’un cauchemar de deux saisons et demie qui a pris source en Principauté : quand il débarque sur la Côte d’Azur, le Colombien se prend une bonne claque à l’heure de découvrir l’environnement feutré de l’ASM, qui l’aurait, selon L’Équipe, fortement incité à quitter le club en 2014 pour goûter à la ferveur des stades de Premier League. Mais l’histoire de Falcao avec l’ASM sera surtout ternie par sa blessure du 22 janvier 2014 face à Chasselay, qui le prive de la Coupe du monde au Brésil. Suffisant pour l’inciter à s’envoler pour l’Angleterre, loin de la France où il semble marabouté. Mais outre-Manche, rien ne va pour El Tigre, qui fait son retour par la petite porte à l’ASM après deux prêts avec option d’achat non concluants à Manchester United et Chelsea. « Mais ne pensez pas qu’il a été dégoûté de sa première expérience en Ligue 1. C’est juste que, quand Manchester United s’est présenté, c’était difficile de dire non » , avance Jean Petit, entraîneur adjoint de l’ASM lors de la première année du Colombien en principauté.
Mental insubmersible
De fait, ni Cavani ni Falcao n’ont jamais semblé se résigner face aux obstacles venus obstruer leurs chemins respectifs ces dernières années. Car s’il y a bien un trait de caractère que semblent partager les deux avants-centres, c’est bien leur extraordinaire capacité de résilience couplée à une force mentale hors du commun. Face à la vague incessante de critiques qui s’abat sur lui, l’Uruguayen, stoïque, attend tranquillement que son heure vienne : « Je pense que les critiques font partie du football. Mais l’important, c’est de savoir que le travail paye toujours. Les seuls à qui je dois rendre des comptes sont mes coéquipiers et mon entraîneur qui me donne sa confiance à chaque match. C’est grâce à ça que je rentre tranquille chez moi, que je dors sur mes deux oreilles, parce que je sais que j’ai donné 100% » , confiait ainsi Cavani à beIN Sports en novembre 2016. Quant à Falcao, l’idée que sa carrière puisse ne jamais remonter la pente ne l’a vraisemblablement pas effleuré très longtemps. El Tigre, auquel la revue Liberodemandait dans une interview en 2015 de se définir en un mot, n’avait pas choisi le terme « Luchador » (lutteur, ndlr) par hasard. « C’est un joueur qui a une force mentale très au-dessus de la moyenne » , confirme Jean Petit. Il en a fait démonstration à Chelsea, où le Colombien ne disputait pourtant que dix petits matchs de Premier League : « Même dans ses périodes noires, il a gardé une attitude remarquable… À l’entraînement, il insistait pour faire du rab même s’il savait qu’il ne jouerait pas… En le voyant se battre ainsi, j’ai su qu’il finirait par reprendre son pied quelque part » , confiait au Journal du dimanche en décembre dernier Christophe Lollichon, alors entraîneur des gardiens londoniens.
Mutations
Leonardo Jardim déclarait lui simplement début août qu’il considérait le Colombien comme « l’un des meilleurs attaquants du monde » . De fait, dans un schéma en 4-4-2 conçu pour optimiser au mieux ses qualités, Falcao semble s’être transformé en attaquant plus collectif, chasseur de buts dans l’âme, mais aussi désireux de mettre en lumière ses partenaires : « Maintenant, on voit aussi que ce n’est pas qu’un grand buteur. C’est un bon joueur au sens global du terme. Il a une vraie qualité de passe et son entente avec Germain est excellente » , conclut Jean Petit. La mutation d’Edinson Cavani semble, elle, aller dans une direction distincte de celle du Colombien : l’ailier travailleur a su redevenir un obsédé compulsif du but, attaquant létal aux statistiques hyperboliques. À l’image de Falcao, qui a la pleine confiance de Jardim, l’Uruguayen est la pièce maîtresse de l’attaque d’Unai Emery, qui déclarait début septembre vouloir que son avant-centre « batte le record de buts d’Ibrahimović » au PSG. Le natif de Salto a déjà égalé le record de Pauleta et, vu son rythme de croisière, il ne semble pas invraisemblable de le voir effacer le Z des tablettes dans les années à venir. Quant à Falcao, il a déjà inscrit 18 buts toutes compétitions confondues cette saison. En 23 matchs. Autant dire que le Matador a retrouvé ses armes et que le Tigre a aiguisé ses griffes. Ce dimanche soir, dans la nuit parisienne, les deux prédateurs se livreront ainsi sans doute un duel à distance de haute facture. Reste à voir lequel des deux sonnera l’ouverture de la chasse.
Par Adrien Candau
Propos de Jean Petit recueillis par AC