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Casimir Ninga Warrior

Par Mathieu Rollinger
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Casimir Ninga Warrior

Pour se hisser à la seconde place du classement de Ligue 1 et retourner Saint-Étienne (4-1), un SCO surprenant s'en est remis à un héros qui l'est tout autant. D'un triplé cinglant inscrit en onze minutes, Casimir Ninga a fait taire les sceptiques qui ne voyaient en lui qu'un simple « pousseur de ballon ».

Sur le plateau du stade Raymond-Kopa, un homme se présente en bout de piste. On joue la 69e minute, le SCO a déjà recollé au score, l’heure pour Casimir Ninga de se mesurer à une épreuve qu’il a visualisée mille fois au préalable. « On a parlé avec le coach du fait que je ne serais pas titulaire parce que je ne me sentais pas bien, assure celui qui se traîne encore une blessure aux ischios. Mais c’est mental, je prépare toujours mon match dans la tête. » C’est sûr, cette fois, il arrivera à franchir ces saletés d’obstacles pour atteindre ce foutu buzzer. Onze minutes plus tard, l’antre angevin chavire dans la folie et les Verts sont pliés en quatre, à cause d’un triplé que personne n’avait vu venir, signé par la recrue estivale. Un exploit ? On peut le dire : cela faisait d’ailleurs 12 ans et un coup de force de l’Auxerrois Ireneusz Jeleń qu’aucun remplaçant n’avait inscrit un triplé en Ligue 1. Ne manquait plus que les braillements de Denis Brogniart pour se croire en prime time sur TF1.

Rolland Courbis, lui, était bien devant son poste. « Les buts qu’il marque, je les ai regardés avec beaucoup d’affection, assure le coach qui l’a lancé en 2015 du côté de Montpellier. Celui de la tête, OK, même si ça n’a jamais été son point fort, mais les deux autres, je ne sais pas s’il les aurait marqués il y a trois-quatre ans. Là, paf paf, il a fait ça avec beaucoup de calme et de précision. Il a quand même progressé là-dessus. » Voilà comment signer ce qui s’apparente à une renaissance pour l’ailier de 26 ans – formé justement au Renaissance FC au Tchad -, après avoir connu de sacrées glissades et une relégation la saison passée avec le Stade Malherbe.

« Dans la catégorie des joueurs qui donnent à un entraîneur l’envie d’entraîner »

Casimir Ninga n’est pourtant pas à sa première intégration express : là où il n’a mis que 85 minutes pour se faire adopter par Angers, il lui en avait fallu 100 pour faire ses présentations avec la Ligue 1 en octobre 2015, avec une reprise fabuleuse contre Bastia sous le maillot montpelliérain. À ce moment, le Tchadien a tout de la bonne pioche pour le MHSC. « Ça a été une chance pour nous. On l’a gardé une quinzaine de jours à l’essai, on s’est réuni et presque tout le monde était d’accord pour le garder, se remémore coach Courbis. Montpellier, un club familial, ça ne pouvait pas être mieux pour lui et il nous a filé un sacré coup de main. » Un garçon qui semble tout droit sorti d’un dessin animé, puisque Casimir débarque alors de Manga Sport, avec lequel il vient de remporter le championnat du Gabon, contre 75 000 euros. Les premières semaines sont loin d’être évidentes : il y a quelques soucis administratifs à clarifier, le garçon doit se tourner vers Daniel Congré pour savoir comment se faire des pâtes et se montre plus que brouillon sur le terrain. « À ses débuts, il faisait les choses beaucoup trop vite, ce qui le poussait à avoir pas mal de déchet » , confirme Courbis. Il se montre cependant exemplaire pour gratter sa place et réveiller une attaque héraultaise apathique : un doublé contre Lyon, puis un contre l’OM, le voilà pleinement intégré. « C’est un plaisir de le coacher, continue Courbis. Je le mets dans la catégorie des joueurs qui donnent à un entraîneur l’envie d’entraîner. Il a toujours le sourire, quand il ne démarre pas il n’est pas très content, mais il est prêt à entrer à tout moment. C’est le coéquipier parfait. »

Arrivent octobre 2016 et un coup de sabre. Quinze jours plus tôt, il signait son premier triplé face à Dijon, mais lors d’un entraînement, il se fait faucher par Killian Sanson (le frère de). Bilan des opérations : une rupture des ligaments croisés qui l’éloigne des terrains pendant près de 10 mois. Et après une dernière saison terne à Montpellier, Casimir Ninga quitte libre l’Occitanie pour rejoindre la Normandie, avec toujours ce traumatisme dans un coin de la tête. « On ne se remet pas si facilement que ça d’une telle blessure, se désole Courbis, qui a retrouvé à Caen un homme changé par la force des choses. Il a fallu de la patience, on a discuté sur sa façon d’être utilisé. Cette blessure est un vieux souvenir, mais l’organisme s’en souvient. » Avec Malherbe, plus les matchs se succèdent, plus le Tchadien est caricaturé en un attaquant sans variété et aux pieds carrés. Et plutôt que ses six buts inscrits, on préfère retenir ses énormes loupés, comme celui face à Rennes.

De « pousseur » à supersub

Stéphane Moulin avait également relevé cette approximation technique dans une interview pour So Foot en mai dernier, au point de décrire Casimir Ninga comme « un pousseur » plutôt qu’un dribbleur*. Le genre de dévaluation qui était peut-être une ruse du coach angevin pour décourager la concurrence, puisque quelques mois plus tard, le SCO déboursait 3 millions d’euros pour l’extirper de la Ligue 2 et pouvoir en faire un supersub. Sa précédente apparition à Dijon n’avait pourtant rien pour rassurer Moulin. « Le coach m’avait en effet dit que je n’en avais pas fait assez, reconnaissait Ninga. Qu’il attendait plus et mieux. Parfois, c’est vrai que je fais des mauvaises entrées. »

Rien ne dit que ce triplé ne soit pas un feu de paille. Mais pour Rolland Courbis, Casimir Ninga a fait le bon choix en rejoignant le Maine-et-Loire : « C’est l’endroit chaleureux et compétent pour pouvoir passer l’avant-dernier palier avant de viser un plus grand club. » Un club familial et actuellement second de Ligue 1, tout pour finir de convaincre son père, professeur de français resté du côté de N’Djamena. « Au départ, mon père n’était pas trop favorable à une carrière dans le foot, confiait à France 3 ce membre d’une fratrie de neuf enfants. J’ai commencé dans la rue, dans mon quartier comme la majorité des joueurs de mon pays vu qu’on n’a pas d’école de foot au Tchad. J’ai tout fait pour travailler ce don que Dieu m’a donné. » Comme quoi, pour Casimir comme pour les pâtes, il suffit juste de respecter le temps de cuisson.

Dans cet article :
Laurent Nicollin : « Le stade de la Mosson représente une vie  »
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Par Mathieu Rollinger

Tous propos recueillis par MR, sauf ceux de Casimir Ninga par beIN Sports et France 3.

* Citation complète : « Le dribble peut être une vraie arme. C’est une capacité et tout le monde ne l’a pas. Je n’ai rien contre Caen, mais ils n’ont pas beaucoup de joueurs capables de dribbler... Crivelli, Tchokounté... Ninga, c’est plus un pousseur. Un mec qui ne sait pas dribbler et qui dribble, c’est emmerdant. Alors qu’un mec qui sait dribbler qu’on bride, c’est dommage aussi. Il faut mettre un cadre, mais après faut laisser jouer. Messi ou Neymar, ils n’ont demandé à personne l’autorisation pour dribbler. »

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