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Casemiro, au nom du devoir

Par Adel Bentaha et Léo Tourbe
12 minutes
Casemiro, au nom du devoir

Incontournable du Real Madrid depuis près de dix ans, Casemiro s'est frayé un chemin vers la lumière, seul, comme un grand. Un parcours de vaillant retranscrit sur les pelouses européennes, au service de ses coéquipiers. Ce mercredi soir, Manchester City devra donc se préparer à subir les foudres du « Tank » brésilien. Et il ne fera aucun cadeau.

« Je le déteste. » Voici comment les intendants du Real Madrid doivent qualifier Casemiro après chaque rencontre. Le maillot dégueulasse, le short qui a viré au vert-marron et les crampons sur lesquels ont pourrait apercevoir quelques gouttes de sang : le milieu brésilien salit sa belle tunique blanche à chaque match. Barbouillé comme un enfant qui joue dans l’herbe, il est pourtant le meilleur nettoyeur de la Maison-Blanche, faisant briller le logo couronné depuis plus de 9 ans. Cette obsession pour le travail, Carlos Henrique Casimiro la tient de son enfance au Brésil. « Il venait d’un milieu rural et, souvent, les personnes issues de la campagne sont des travailleurs nés. Donc il respectait tout ce que je lui disais et ne rechignait jamais », explique Luis « Lucho » Nizzo, sélectionneur du Brésil U15 et U18 lorsque Casemiro avait l’âge d’y évoluer. Le numéro 14 madrilène est tellement un campagnard qu’à 15 ans, les bouches d’aération le terrorisaient. « Un jour, nous sommes allés à l’Avenida Paulista, le centre financier de São Paulo, et il avait peur de marcher dessus, se souvient Bruno Petri, son coach en jeunes dans le club pauliste. Il avait peur de tomber dans le trou et s’est arrêté au milieu de la rue. » Mais comme face à chaque écueil, le petit débrouillard a su se dépasser pour continuer à avancer. « J’ai réussi à lui donner confiance, et il est passé sans problème », épilogue l’entraîneur brésilien.

Abandon, boisson lactée et hépatite

Des obstacles, le milieu défensif en a effectivement connu une bonne pelletée. Déjà, lorsque après une dispute avec sa maman, son père décide de quitter le domicile et de ne plus jamais y remettre les pieds. Carlos a alors 3 ans, est encore fils unique, et sa mère, Magda, gagne des clopinettes. Une situation l’obligeant à priver son fils de certains plaisirs, dont cette boisson lactée nommée Yakult, vendue dans la rue par une marchande : « Chaque fois que je voyais la vendeuse arriver dans le quartier, je le rappelais à l’intérieur de la maison. Sinon, il insistait pour que je lui en achète », racontait la maman à Bleacher Report. Et à l’instar de nombreux gamins brésiliens, c’est dans le ballon rond que Carlos se réfugie. « Il n’a pas eu une enfance facile et il a fait du football un objectif de vie, pas un loisir. Il me disait souvent que c’était une porte de sortie pour aider sa mère, qui n’avait pas les moyens nécessaires. Donc les « caprices » d’adolescent, c’était hors de question pour lui. Il n’avait pas de temps à perdre », témoigne Lucho Nizzo.

Lorsqu’il est arrivé, il est tombé malade et n’a pas pu s’entraîner. Ce qui l’a beaucoup inquiété car il voulait montrer qu’il méritait d’être là.

Adolescent, justement, Casemiro est déjà le patron. « Ma mère me disait toujours que je faisais 5 ans de plus que mon âge, tellement j’étais mature. C’est elle qui a élevé seule ses enfants, ça a forcément dû avoir un impact sur moi… Si je devais résumer, je dirais que c’est la vie qui m’a appris à faire des compensations ou à être père de famille très jeune », explique le principal intéressé à So Foot. Le Brésilien est « chef de famille à l’âge de 14 ou 15 ans, sans père et avec deux frère et sœur à charge », comme le détaille Bruno Petri. Ce dernier, qui vient à peine de le récupérer à São Paulo, est aux premières loges de l’autre drame de la vie de son protégé : une hépatite qui l’a cloué au lit pendant plus de trois mois. « Lorsqu’il est arrivé, il est tombé malade et n’a pas pu s’entraîner, se remémore le technicien. Ce qui l’a beaucoup inquiété, car il voulait montrer qu’il méritait d’être là. Il demandait tous les jours à s’entraîner, et je rigolais avec lui en lui disant qu’il ne tarderait pas à revenir. Il était très inquiet. » Énième embûche qui le forge et lui insuffle cette volonté de se dépasser. Cela construit aussi sa proximité avec Petri : « Nous avons créé un très bon lien de complicité qui existe encore aujourd’hui. Je lui disais de me faire confiance et d’être patient parce que ce serait bientôt fini. » De ces multiples galères, Casemiro a tiré une maturité précoce. Pas de caprices d’ado, chef de famille avant l’heure, le joueur auriverde a les idées bien en place, alors qu’il n’a même pas 16 ans.

L’envie de gagner est tellement forte chez lui qu’il en vient ainsi à bouder pendant tout un vol entre l’Angleterre et le Brésil, à cause d’une soirée pizza. « Nous avons joué à Manchester un tournoi appelé Nike Premier Cup, un championnat du monde pour la catégorie U15, se souvient Bruno Petri. En demi-finales contre Schalke 04, nous avons gagné 1-0 avec un but de Casemiro. Le lendemain, nous devions jouer la finale contre Barcelone à Old Trafford. Pour célébrer la victoire et la qualification en finale, j’ai commandé des pizzas pour le dîner. Tout le monde a aimé l’idée. Mais le lendemain, nous avons perdu la finale sur un petit détail. Nous avons ensuite pris l’avion pour le Brésil et, comme je le fais toujours dans mes voyages, je vais voir comment va tout le monde. Et là, je trouve Casemiro super énervé, qui dit que je n’aurais pas dû acheter de pizzas, que j’aurais dû les garder pour après la finale. » Un mental de vainqueur et un esprit de compétition tiré à son paroxysme qui a plu à Petri : « J’ai trouvé ça très bien qu’un garçon de 15 ans ait déjà cette maturité. Je savais que cela ferait de lui un grand. » On ne peut pas lui donner tort : Casemiro c’est déjà 17 trophées dans son armoire. Mais s’il suffisait de n’avoir que du mental pour tout rafler, cela se saurait. Cet esprit guerrier ne serait rien sans le talent et les aptitudes du milieu brésilien.

Sur la défensive

Revanchard sur une vie pas souvent juste, Casemiro a dès lors appris à faire du terrain son arme d’expression. Agaçant ou irritant, le style de jeu du petit Carlos s’est en effet dessiné à l’image de son tempérament : rugueux. Un football de « terroir » , vécu de l’intérieur par Lucho Nizzo : « J’ai supervisé Casemiro lorsqu’il évoluait avec les U15 de São Paulo, replonge le sélectionneur. Il était déjà milieu défensif. C’était frappant de voir un adolescent aller à la bagarre de cette manière. D’habitude, les jeunes joueurs, surtout au Brésil, ne courent que lorsqu’ils ont le ballon au pied. Mais lui, c’était le contraire. Il se salissait pour les autres et faisait les efforts pour deux. » Une agressivité quasi instinctive, développée sur les pelouses boueuses de son quartier de Jardim Guimarães. Nizzo poursuit : « Casemiro est très timide. Le terrain lui permet donc de se lâcher. Quand on le voit s’énerver pendant les matchs, il faut se dire qu’il est complètement différent en dehors. Le football est pour lui un exutoire, une manière de laisser parler toute la retenue dont il fait preuve au quotidien. Et puis, son origine sociale a accentué ces éléments. »

Je m’étais mis dans le groupe des attaquants, afin d’impressionner les coachs balle au pied. Mais très vite, je me suis rendu compte que les mecs à côté de moi se débrouillaient vraiment bien et j’ai commencé à regretter ma décision.

Et pourtant, ce soldat était tout proche de lancer sa carrière au poste… d’attaquant. « Pour l’une de mes premières détections au centre de formation de São Paulo, les entraîneurs nous ont répartis en différents groupes, selon nos postes, se remémorait-il pour Jorge Valdano et son émission Universo Valdano. Je m’étais mis dans celui des attaquants, afin d’impressionner les coachs balle au pied. Mais très vite, je me suis rendu compte que les mecs à côté de moi se débrouillaient vraiment bien et j’ai commencé à regretter ma décision. Alors quand les formateurs ont réalisé une deuxième sélection, là j’ai préféré jouer la sécurité et me mettre avec les milieux défensifs. Tout est parti de là. » Grand bien lui en a pris.

O Tanque do Madrid

De visibilité, le volante n’en aura en réalité que très peu besoin, dans une carrière aussi rapide que complète. Un parcours débuté dans l’après-midi du 25 juillet 2010, jour de « San-São » face au Santos de Neymar, Ganso, Alex Sandro et Danilo. Sens du placement, initiatives offensives et coups de sang, le récital individuel de cet inconnu de 18 ans ne laisse personne indifférent, malgré la défaite (1-0). Le voilà devenu « O Tanque » (Le Tank, en VF), prologue d’une première saison en professionnel dans la peau de titulaire, rôle qu’il ne quittera plus, jusqu’à son départ pour le grand Real Madrid.

Il y a toujours eu deux Casemiro. Celui de derrière la ligne médiane, qui va au combat, ne s’arrête jamais, quitte à faire des dégâts, et celui après la ligne médiane qui, une fois lancé, se montre un redoutable attaquant.

Regardant évoluer son poulain sur les pelouses du Brasileirão, Lucho Nizzo, lui, ne s’étonne guère de ce rendement précoce : « En fait, il y a toujours eu deux Casemiro. Celui de derrière la ligne médiane, qui va au combat, ne s’arrête jamais, quitte à faire des dégâts, et celui après la ligne médiane qui, une fois lancé, se montre un redoutable attaquant. Les gens l’ont d’ailleurs connu pour ça, car il marquait énormément de buts, on le prenait presque pour un avant-centre. Adolescent, il avait déjà une frappe de balle comme j’en ai rarement vu, tellement puissante que c’en était troublant. Idem pour le jeu de tête, il bouffait tout le monde dans les airs. Donc il avait les exactes qualités qu’on lui connaît aujourd’hui. C’est d’ailleurs pour cela qu’il s’est imposé aussi vite, partout où il est passé. » En effet, après 3 ans à se faire les dents au pays, voilà le jeune homme en Espagne au mois de janvier 2013, repéré dès 2011 par Ramón Martínez (responsable des sections jeunes au Real Madrid) à l’occasion de la Copa América des moins de 20 ans.

Impressionné par ce qu’il venait de voir au Pérou, ce dernier dira « avoir rencontré un monstre chassant ses adversaires et frappant le ballon comme un canon ». La réalité sera malheureusement différente. Arrivé à Valdebebas en plein hiver, Casemiro tarde à s’adapter au Castilla d’Alberto Torril, dépassé par le niveau de coéquipiers « trop rapides », le prenant quelques fois « pour un gamin » selon ses dires. Une intégration lente, lui rappelant les douloureux souvenirs de son isolement forcé par l’hépatite. Le travail et l’abnégation finiront cependant par lui donner raison, intégré à l’équipe première par un José Mourinho admiratif, avant d’être jeté dans le grand bain à l’arrivée du duo Ancelotti-Zidane, en quête de Decima.

Je ne voulais pas vraiment quitter le Real Madrid, par peur de ne jamais y revenir. Mais l’appel de Julen Lopetegui, me demandant de le rejoindre au FC Porto, a tout changé.

Mais à l’heure d’entamer une histoire définitive au sein de la Maison-Blanche, le dilemme de la raison s’offre à lui : « À l’été 2014, le staff du Real Madrid me fait plus ou moins comprendre que je n’aurai pas un temps de jeu exceptionnel. Séville et l’Inter me voulaient, et j’avais deux choix : rester au club en cirant le banc ou partir en prêt pour m’aguerrir. Je ne voulais pas vraiment quitter le Real Madrid, par peur de ne jamais y revenir. Mais l’appel de Julen Lopetegui, me demandant de le rejoindre au FC Porto, a tout changé. J’ai accepté, et ça a sûrement été l’une des meilleures décisions de ma vie », s’émouvait-il au micro de Valdano.

Le chouchou de Zidane

Sous la houlette de Lopetegui, Casemiro, 22 ans, découvre en effet les spécificités nécessaires d’un récupérateur. Positionné dans un 4-3-3 caractéristique et aidé par l’expérience d’Evandro et Héctor Herrera à ses côtés, « Le Tank » se révèle au Vieux Continent. Disputant 41 rencontres sur 52 possibles, le fameux « temps de jeu exceptionnel » arrive enfin, auréolé de deux bijoux inscrits face à Bâle et Gil Vicente. De loin, Bruno Petri, coach en jeunes à São Paulo, observe également les progrès de son adolescent, appliqué à démontrer sa « grande technique, sa bonne compréhension du jeu et son dynamisme » à l’exigence madrilène.

Essayer de recruter un joueur similaire à Casemiro serait une erreur, car il n’y en a qu’un seul dans le monde.

Une exigence nommée « Zidane » , devenu entraîneur principal en janvier 2016, conscient du potentiel du Pauliste. « Rivaldo et Luís Fabiano, avec qui je jouais à São Paulo, m’ont incité à aller en Europe, en disant que j’avais un profil « européen ».[…]Mais à mon retour de Porto, avec Zinédine Zidane promu entraîneur, c’était vraiment compliqué. Nous étions en janvier, je ne jouais pratiquement jamais et je ne comprenais pas, rembobine le joueur. Presque chaque jour, je toquais à son bureau pour discuter avec lui. Je voulais qu’il m’explique ce qui n’allait pas dans mon jeu. J’étais tendu, mais lui me disait : « Case, reste calme. Je ne te donne pas encore ta chance, car j’ai mes raisons. Mais sache qu’une fois titulaire, tu ne sortiras plus du onze. » »Promesse tenue aussi sec.

Au sortir d’une prestation aboutie à Levante, « Case » ne quittera effectivement plus les plans de « mister Zizou » (17 176 minutes jouées avec le Français, soit près de la moitié de son total en carrière : 33 568), ni ceux de Carlo Ancelotti, revenu sur le banc l’été dernier. « Essayer de recruter un joueur similaire à Casemiro serait une erreur, car il n’y en a qu’un seul dans le monde », philosophait d’ailleurs le tacticien italien en conférence de presse. Encore une fois, pas vraiment de surprise pour Lucho Nizzo : « À ce poste de 6-8, trois joueurs m’ont bluffé : Denílson, d’Arsenal, Renato Augusto et Casemiro. Ils étaient au-dessus des autres. Vous me direz qu’il est toujours difficile de savoir qui, à 15 ans, deviendra professionnel. Mais quand dans la même sélection, en U17, tu as Casemiro, Alisson Becker, Neymar et Coutinho… Il suffisait de les voir jouer pour comprendre qu’ils allaient, au minimum, faire carrière au Brésil. La suite, tout le monde la connaît. » Des paroles sages, venues rappeler la trajectoire ascendante d’un homme simple. Ce même garçon, empli d’un devoir familial, rêvant innocemment de pizza et de yaourt, que la vie a finalement décidé de gâter. Quatre Ligues des champions et 10 ans plus tard, voilà donc Carlos Henrique Casimiro reparti au combat face à Manchester City, pour accrocher une cinquième étoile à son palmarès. Cinq comme le Brésil.

Retrouvez également l’interview de Casemiro dans le nouveau numéro de So Foot, en kiosque ce jeudi.
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Par Adel Bentaha et Léo Tourbe

Propos de Lucho Nizzo et Bruno Petri recueillis par AB et LT.

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