Le football, ça remonte à l’enfance ?
Oui, je devais avoir 6 ou 7 ans lorsque je me suis inscrit pour la première fois dans un club. Cette passion ne m’a pas quitté depuis, je la revendique d’ailleurs. Aujourd’hui, ce n’est plus forcément évident d’y jouer, mais je continue à le faire de temps en temps. C’est vraiment important pour moi.
De quelle manière joues-tu ?
En amical. Je n’ai jamais aimé la compétition, j’ai toujours trouvé l’agressivité et l’ambiance qui en émanent abominables. Au moins, en amicaux, je peux tenter des gestes sans qu’un entraîneur soit là pour me le reprocher. Je trouve cette standardisation du geste particulièrement effrayante. Et, malheureusement, elle se répand vachement dans les centres de formation à l’heure actuelle.
Où ça, par exemple ?
En France, déjà. C’est le gros problème actuel, tous les joueurs jouent de la même façon. Il y a un vrai souci de créativité collective. C’est dommage parce que la génération de Platini avait lancé quelque chose d’intéressant avec le n°10. Ça permettait davantage d’invention. Par la suite, des gens comme Zidane ont fait du bien, surtout au sein d’une équipe de France où l’on dénombrait quand même pas mal de bucherons. Depuis son départ, il s’est donc passé ce qui devait se passer… Mais je suis davantage confiant à l’heure actuelle. Des joueurs comme Ribéry et Valbuena sont beaux à voir jouer. Dommage qu’on les ait broyés un jour ou l’autre parce qu’ils n’entraient pas dans les normes. Ils ont d’ailleurs été exclus ou recalés des centres de formation pour ça.
Tu avais quel âge lorsque le FC Metz a fini 2e du championnat en 1998. Quel souvenir en gardes-tu ?
J’ai pour habitude de ne pas communiquer mon âge avec Cascadeur. Tout ce que je peux dire, c’est que je n’étais plus ado. Je me rappelle d’ailleurs être allé régulièrement au stade. Ça jouait bien, il y avait pas mal de créativité. Il faut dire qu’avec des électrons libres comme Pires ou Boffin, c’était facile. J’ai l’impression que le FC Metz d’aujourd’hui est dans la même optique.
Quelle est la plus grande équipe de Metz, celle de 1985 ou celle de 1998 ?
Je n’aime pas trop comparer, je préfère simplement me rappeler tous les joueurs extraordinaires passés par le club. Après tout, peut-on comparer l’équipe actuelle avec celle des générations précédentes ? L’équipe qui a battu le Barça était certes très belle, mais il faut relativiser le résultat. D’abord, parce que les joueurs du Barça étaient en grève à ce moment-là. Et puis parce que ce n’était pas le même football.
La Ligue 1, ça ne risque pas d’être compliqué l’année prochaine face à des équipes comme Monaco ou Paris ?
Non, je ne suis pas inquiet. Je trouve la Ligue 1 franchement abordable, le niveau n’est pas terrible. C’est souvent la deuxième saison qui est la plus compliquée, mais on voit bien que des clubs comme Nantes et Reims s’en sortent parfaitement.
Ça m’intéresserait beaucoup de voir un joueur masqué…
Pourquoi le niveau est-il si faible selon toi ?
Je pense que c’est engendré par un système où seulement deux clubs ont un pouvoir financier énorme. Ça galvaude les matchs, tu pars déjà perdant. Bien sûr, un club peut créer la surprise, mais ça ne durera pas longtemps.
Aujourd’hui, quelle est ta relation au football ? Les tournées et les enregistrements te permettent de suivre les matchs correctement ?
Oui, avec le streaming et le replay, c’est plutôt simple. Ça tombe bien car j’ai véritablement un besoin encyclopédique sur le foot. Bien sûr, je loupe beaucoup de matchs, mais j’achète en contrepartie de nombreux journaux spécialisés lorsque je suis en tournée. Et puis avec les portables, je peux être informé en permanence.
Sur scène, tu te balades avec un casque ou masque de luchador pour préserver ton anonymat. Tu trouves ça choquant, la surexposition des footballeurs ?
C’est sûr que ça m’intéresserait beaucoup de voir un joueur masqué. Faudrait tenter, ça pourrait être marrant. Je pense aussi qu’il faudrait laisser les joueurs porter des attributs leur permettant de dissimuler leur identité. Ça leur éviterait peut-être d’être considérés comme de vulgaires produits. Mais bon, on ne peut pas les blâmer, ils sont le reflet de notre monde. Heureusement qu’il existe des joueurs un peu différents, comme Dhorasoo à l’époque. Des joueurs capables de se mettre en grève, d’aller contre un système. On peut bien sûr trouver honteux que des millionnaires se mettent en grève, mais ils subissent un rapport à l’image très dur. C’est comme ceux qui leur reprochent de se doper, j’avoue que je ne comprends pas. On ne peut pas imposer autant de matchs à des être humains et jouer l’étonné quand ils se dopent. C’est d’autant plus paradoxal que les gens se plaignent lorsqu’il n’y a pas assez de matchs.
Tu as écrit une chanson sur le foot il y a deux ans. À qui s’adressait le titre « Au Revoir Champion » ?
À personne, en particulier. Ça vient certainement du goût que j’ai pour la chute, ça me touche beaucoup. Moi, quand je pense à la vie de ces personnes qu’on dit d’exception en train de pleurer parce qu’ils arrêtent leur carrière, je trouve ça vachement touchant. C’est comme s’ils quittaient leur rêve. Même Beckham était hyper sincère. On voyait bien que le foot était toute sa vie, que même s’il était un produit, il aimait profondément le jeu.
Voir tomber les champions, ça te plaît ?
Oui, mais comme pas mal de monde, je pense. C’est morbide, mais quelque part, ça nous rassure, c’est comme si ces héros devenus mythiques de leur vivant redevenaient humains en quittant le football.
Puisque les larmes t’intéressent, qu’as-tu pensé de celles de Ronaldo pour le Ballon d’or ?
Je n’ai vu que le début de la cérémonie, mais j’étais certain du résultat. Ribéry est trop freak pour être élu. C’est peut-être parano à dire, mais tout le monde savait que Ronaldo allait gagner le jour où Blatter s’est moqué de lui. De toute manière, les critères ont changé, on ne récompense plus un joueur extraordinaire dans un collectif extraordinaire, mais un joueur fantasque aux statistiques superbes. Le foot étant devenu un spectacle, il est logique que le public exige désormais des têtes d’affiche. C’est hyper révélateur de nos sociétés individualistes où l’on célèbre davantage l’individu que le sport. Il y a tellement de joueurs qui mériteraient d’être célébrés mais ne le ont jamais. C’est pour ça que je rêve d’un football avec un auto-arbitrage, où l’objectif ne serait plus de marquer des buts, mais de faire de belles actions. Ça permettrait de voir des gestes fantasques, sans aucun autre but que de faire des fioritures et de créer le spectacle.
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