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Carvalhal, Carlos Colomb

Par Maxime Brigand
Carvalhal, Carlos Colomb

Arrivé en pleine tempête à Swansea après Noël, Carlos Carvalhal a réussi l'exploit de ramener de l'espoir dans un club flingué par une politique de gestion foireuse, là où il était hier un modèle. Ou comment un entraîneur au CV déjà fourni respire par le jeu et les sardines. Portrait.

Pourquoi compliquer la chose ? Invité à étaler sa méthode et sa vision du foot sur la table il y a quelques années, Carlos Carvalhal, 52 ans et déjà dix-sept clubs dirigés sur le CV, disait : « On a pris l’habitude d’expliquer que l’entraînement physique est très important. Mais l’entraînement physique vient avec l’organisation. On appelle ça la périodisation tactique, car on assemble le physique et le psychologique, tout en y intégrant l’organisation. Donc, mes joueurs courent, mais ils courent en permanence avec le ballon. En permanence. » Ce discours en rappelle d’autres : on pense à José Mourinho, à Leonardo Jardim, à Paulo Sousa, élèves de la même école, fils de la même approche. Au départ, il y a un philosophe, Manuel Sergio, mentor de la génération Mourinho qui a un jour résumé sa pensée en expliquant que l’entraîneur qui « ne connaît que le football ne connaît rien au football » , et un théoricien, Vitor Frade, père de la sacro-sainte périodisation tactique. Résumer vulgairement le concept revient à expliquer qu’on s’entraîne comme on joue, approche qui a révolutionné la méthodologie en place dans tous les sports collectifs dans les années 1990. Carvalhal explique : « La théorie peut être compliquée. Mais la pratique, elle, est très simple. Il suffit simplement de jouer au foot. Si vous êtes écrivain, vous devez écrire. C’est la meilleure façon de s’exercer. Si je suis pianiste, je n’ai pas besoin d’aller courir une ou deux heures en forêt pour être un bon pianiste. Je dois jouer du piano. Donc c’est ce que je fais au quotidien. Je demande à mes joueurs de jouer au foot. Simple, non ? »

On respire. On n’est plus aux urgences, on est toujours à l’hôpital, mais on peut désormais accepter les visites.

Cette fois, tout a commencé par un coup de tête. Une nuit, dans le Yorkshire, et un appel de Huw Jenkins, propriétaire d’un Swansea en lambeaux. « Dans d’autres situations, j’aurais dit que j’avais besoin d’une période de repos plus longue, explique alors le coach viré de Sheffield Wednesday le soir du réveillon au bout d’une série de sept matchs sans victoire en Championship. Mais j’aime les défis. Beaucoup de gens diront que Swansea a besoin d’un miracle pour rester en Premier League, mais je ne suis pas d’accord, car les miracles ne sont pas de ce monde. On peut changer les choses. » Ainsi, Carlos Carvalhal a fait son sac, pris le volant de sa bagnole et était présent à l’aube pour diriger sa première séance chez les Swans. La suite est l’histoire d’un groupe qui se reprend en main, qui se relance en retournant Watford (2-1) en quatre minutes le 30 décembre et qui n’a perdu qu’une fois depuis l’arrivée de cet homme mystique, excessif et passionnant. Mieux : le 22 janvier, Swansea a fait disjoncter Liverpool (1-0) au Liberty Stadium. Quelques semaines plus tôt, Carvalhal avait refusé l’idée d’une révolution, balançant au loin « les oiseaux et les fleurs » . Cette fois, il a ouvert la porte : « On respire. On n’est plus aux urgences, on est toujours à l’hôpital, mais on peut désormais accepter les visites. » Une explication à ce succès de prestige ? « J’ai expliqué aux gars que Liverpool est une équipe très forte, mais qui a des allures de Formule 1. Si vous mettez une Formule 1 en plein Londres dans les embouteillages de 17 heures, elle n’ira pas très vite. C’est exactement ce que nous devions faire : les empêcher de jouer à leur manière. » Mystique, on disait.

De l’encre, des fringues et des petits gabarits

Mais qui est ce type qui ne prend pas le temps de s’arrêter, qui s’agite comme un diable en boîte et qui sert les mots comme Lúcio Bukowski débite les punchlines ? Carlos Carvalhal a du Ingvar Kamprad, roi défunt du boulon et du kit, en lui. De son destin, il dit : « Personne ne m’a rien donné dans la vie. Mon père vendait de l’encre. Ma mère faisait des fringues. J’ai commencé à gagner de l’argent à quinze ans. Je me suis construit par moi-même. Je ne suis pas un entraîneur qui était un très bon joueur. J’ai commencé en troisième division, puis en seconde, puis avec des petites équipes de première division, des équipes moyennes, et j’ai ensuite récupéré le Sporting. Et grâce à ça, j’ai connu Beşiktaş. » C’était en 2011, trois ans après une saison magnifique – probablement la meilleure de sa carrière – avec le Vitória Setúbal (terminée avec une sixième place de Primeira Liga, ndlr) et trois ans avant la publication de son livre Soccer : Developing a Know-How dans lequel il dessine sa philosophie, parle de Descartes et couche une analyse ultra pointue du jeu au sens premier du terme. En Turquie, Carvalhal se teste, remplace un Tayfur Havutçu balancé quelques mois en prison à la suite d’une sombre affaire de matchs truqués qui a secoué le pays, et s’offre même un chouette parcours en C3. Reste que l’homme n’a besoin de personne pour être mesuré : il voit son avenir en grand et affirme à plusieurs reprises avoir les épaules pour un siège en Premier League.

Il fallait qu’il fasse un mélange, qu’il trouve le bon mix et c’est ce qu’il a fait en jouant au ballon dans un championnat rugueux.

Une étape intermédiaire : en juin 2015, Carlos Carvalhal atterrit à Sheffield Wednesday. Vincent Sasso, repéré au Portugal et amené en Championship, déroule la bobine : « Il est arrivé un peu méconnu, dans un club qui enchaînait les saisons moyennes, avec son idée. Il voulait jouer avec ses hommes, notamment des joueurs portugais, et son football, avec des petits gabarits, mais il s’est rapidement rendu compte que ce n’était pas si simple. Il fallait qu’il fasse un mélange, qu’il trouve le bon mix et c’est ce qu’il a fait en jouant au ballon dans un championnat rugueux. » En deux ans chez les Owls, Carvalhal ramène le club sous les projecteurs, fait sauter Newcastle et Arsenal de la League Cup lors de ses premières semaines anglaises, tombe en finale de play-offs au bout de sa première saison (face à Hull City, ndlr) et se fera sortir en demi-finale en mai dernier par Huddersfield. Peu importe, Carvalhal a confirmé, envoyé du jeu dans un championnat aussi bordélique que la gestion de l’effort sur la Diagonale des Fous et s’est fait un nom. Ce devait être son heure, tout de suite, après quinze piges d’un apprentissage débuté en 1998 du côté d’Espinho, au Portugal.

« Je veux du homard »

Je vais chercher des homards ou du bar, mais sinon, on va acheter des sardines.

Au milieu de cette courbe, il a donc rencontré Swansea, hier élevé au rang de modèle et retombé, de l’aveu de ses dirigeants eux-mêmes, dans la normalité. Cela s’explique par une gestion catastrophique, débutée lors de la saison 2015-2016 et accentuée lors du dernier exercice, soit juste après la prise de contrôle de la paire américaine Levien-Kaplan. En chiffres, Carvalhal est devenu le quatrième manager des Swans depuis janvier 2016, Huw Jenkins ayant grillé Francesco Guidolin, Bob Bradley et Paul Clement comme des cigares. Dans les faits, cela s’explique aussi par une parenthèse estivale dont la gestion a tourné à la mauvaise vanne : Jack Cork, Gylfi Sigurdsson et Fernando Llorente sont partis ; Bony est arrivé dans les dernières minutes d’août après une année passée sous une cape d’invisibilité à Stoke et a été lancé dans le bain sans la moindre préparation, Renato Sanches est venu se perdre sur demande de Clement et on l’a surtout vu faire une passe à un panneau publicitaire contre Chelsea, alors que Sam Clucas a débarqué d’Hull City pour venir remplir le tiroir déjà bien fourni des milieux de terrain. Aucune surprise à ce qu’il s’est passé ensuite : jusqu’à Noël, Swansea n’a gagné que trois matchs sur vingt. Assez pour se retrouver bon dernier sur une stat : dans l’histoire de la Premier League, seules trois équipes placées en queue de peloton à Noël s’en sont sorties au printemps suivant.

Début décembre, après une défaite à Stoke (1-2), on a appris que les joueurs se sont allumés dans le vestiaire. Alors, à son arrivée, Carlos Carvalhal a pris tout le monde face à face, comme des hommes. Il a changé des choses, un système et une approche. Il a aussi revu ses ambitions à la baisse : « Nous avons de l’argent pour acheter des sardines, et moi, je veux du homard. Je vais faire de mon mieux pour attirer les meilleurs joueurs. Je vais chercher des homards ou du bar, mais sinon, on va acheter des sardines. » Pour ça, en janvier, l’entraîneur portugais a appelé Jorge Mendes, surpuissance qui a tenté de lui envoyer Nicolás Gaitán. Mais pourquoi foutre son nez dans la galère ? L’Argentin a refusé de quitter Madrid. Ce sera donc avec les sardines, jusqu’en mai, mais aussi, pour le moment, avec Alfie Mawson que Swansea a réussi à conserver malgré un fort intérêt de Watford. Aujourd’hui, les Swans ne sont plus qu’à trois points de la zone de survie et ont retrouvé un esprit. Prochaine étape : mardi soir, face à Arsenal.

Dans cet article :
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Par Maxime Brigand

Propos de Vincent Sasso recueillis par MB, ceux de Carlos Carvalhal tirés de conférences de presse et de The Independent.

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