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Carvajal, petit taureau ramené par les cornes
Loin des recrutements quatre étoiles de Gareth Bale ou d’Isco, Dani Carvajal trace sa route. De retour au Real Madrid après un intermède d’un an à Leverkusen, le petit latéral droit de la Fabrica s’impose comme l’indéboulonnable de l’aile droite merengue. Un juste retour des choses pour un Madrilène pure souche, victime collatérale de la guéguerre Mourinho-Castilla.
Le cliché fait sourire. Nous sommes en 2004, et le Real Madrid présente son nouveau joyau, le centre d’entraînement de Valdebebas. Coupe au bol, cheveux blonds, Dani Carvajal, alors 12 ans au compteur, pose la première pierre de la « Ciudad Real Madrid » en compagnie d’un Alfredo Di Stéfano qui pouvait encore tenir debout. Neuf ans plus tard, au Santiago Bernabéu, Alfredo Di Stéfano est en fauteuil roulant. Et Dani Carvajal a les cheveux courts. Première recrue de l’après-Mourinho, le jeune Espagnol, fraîchement champion d’Europe U21, n’est pas loin d’en être la meilleure. Recruté pour concurrencer Álvaro Arbeloa, Carvajal est en train de dépasser son aîné dans la hiérarchie des latéraux droits. Tonique, endurant et ultra-offensif, il est le pendant parfait de Marcelo. Mieux, avec sa jeunesse et sa formation au club, le canterano incarne la nouvelle politique d’espagnolisation de Florentino Pérez. Pourtant, celui qui est passé par toutes les catégories d’âge de la Fabrica a bien failli ne jamais connaître l’équipe première. La faute à une guerre interne entre José Mourinho et la Castilla.
Meilleur que Philipp Lahm, vraiment ?
Depuis son entrée en 2002 au centre de formation, Dani Carvajal est un grand espoir merengue. Cette ascension va le pousser à intégrer l’effectif du Real Madrid Castilla, réserve évoluant en Segunda Division B (l’équivalent de notre National), en 2010. Après une première saison d’adaptation, il devient le joueur le plus utilisé lors d’un exercice suivant ponctué d’une montée en Deuxième Division. Sur son flan droit, il détonne. Porté sur l’attaque, il se fait remarquer pour ses neuf passes décisives agrémentées de deux buts. Pas mal pour un minot de 20 ans dont l’avenir lui ouvre les portes de l’équipe fanion. Problème, une guerre interne oppose son entraîneur, Alberto Toril, à José Mourinho. Entre déclarations fracassantes et tentatives de déstabilisation, le Mou perd la face. En retour, il n’utilisera donc aucun des jeunes espoirs de la Castilla. Jesé, Morata et Carvajal devront attendre. Mais Dani est un homme pressé. Son talent traverse les frontières et tape dans l’œil du Bayer Leverkusen. Pas fou, le Special One se mue alors en VRP.
Le 9 juillet 2012, Dani Carvajal est donc recruté par le club teuton pour cinq millions d’euros. Peu après sa présentation, le président Wolfang Holzhäuser livre les dessous du transfert : « Rudi Völler s’est mis en relation à plusieurs reprises avec l’entraîneur du Real Madrid. Mourinho nous a également recommandé Carvajal. Il a beaucoup confiance dans ce jeune, même s’il nous a également dit qu’actuellement il pourrait mieux évoluer dans un autre club. » Du côté du joueur, son ambition est claire : revenir au bercail le plus tôt possible. À son arrivée, il explique vouloir « s’améliorer comme joueur et pouvoir revenir dans le futur quand je serai prêt à appartenir à l’effectif de l’équipe première » . Un an plus tard, ses performances le ramènent dans la capitale espagnole. Car le latéral espagnol a crevé l’écran en Budensliga. En 32 matchs de championnat, il distille six caviars et, surtout, est élu meilleur latéral droit d’Allemagne par le quotidien Bild. Et ce, alors que le Bayern du capitaine Philipp Lahm réussit la plus grande saison du club bavarois.
Doutes évaporés, Ancelotti envouté
Après un Euro U21 passé sur le banc de la Rojita, Carvajal est donc la première recrue de l’ère Ancelotti. La rapidité du transfert est due à une clause insérée dans le contrat qui liait le joueur avec Leverkusen : un an après son arrivée, le Real pouvait le rapatrier contre 6,5 millions d’euros. Lors de sa présentation, Florentino l’érige en « un exemple qui va motiver de nombreux jeunes à réaliser leurs rêves » . Mais le président madrilène ne se doutait pas encore de l’importance qu’allait prendre le jeune canterano. Mis en concurrence avec Arbeloa, Dani Carvajal ne tarde pas à pousser sur le banc son aîné. En chiffres, les deux hommes ont le même temps de jeu. Mais, que ce soit en championnat, ou lors des gros matchs, c’est bien le minot qui prend petit à petit le dessus (20 titularisations en Liga contre 13 pour Arbeloa). Malgré des doutes initiaux, Carlo Ancelotti est conquis. En cause, l’activité offensive incessante de son petit taureau. Ainsi, lorsqu’il est aligné, le jeu offensif du Real a tendance à pencher sur son flan droit sans pour autant perdre en qualité défensive. Avec une grosse caisse physique et une technique pas dégueu, le minot peut se permettre des montées incisives et assurer le taf derrière. Partir pour mieux revenir, donc.
Par Robin Delorme, à Madrid