- Édito
Carton jaune de Neymar : Faut-il sanctionner les artistes ?
Scène surréaliste samedi au Parc des Princes : Neymar a pris un carton jaune pour s'être énervé après que l'arbitre lui a signifié qu'il chambrait un peu trop les Montpelliérains balle au pied... Ce n'est qu'un avertissement, mais ça dit quelque chose d'inquiétant sur la vision du foot en L1.
Samedi, Neymar était dans l’un de ses nombreux bons jours depuis qu’il est arrivé en Europe. Feintes, passements de jambes, arc-en-ciel, passes décisives… Le Brésilien a encore prouvé face à Montpellier qu’il était de loin de le meilleur joueur du championnat de France et de loin le meilleur joueur de ce PSG qui compte déjà douze points d’avance sur son dauphin marseillais. Qu’on aime ou pas le club de la capitale, force est de constater que le Brésilien est un talent hors norme et qu’il régale actuellement à chaque prise de balle. N’importe quel amateur de foot devrait être capable de le reconnaître au-delà des considérations partisanes. Mais voilà, d’après l’arbitre de la rencontre, dans une scène rapportée par le témoignage de Presnel Kimpembe en zone mixte, Neymar en a trop fait. Jérôme Brisard lui aurait signifié qu’il ferait bien d’arrêter de chambrer. Ce à quoi Neymar a vertement répondu. Conséquence : carton jaune pour le numéro 10.
Alors, évidemment, les règles du jeu sont claires : en gros, tout joueur qui désapprouve une décision de l’arbitre est sanctionné d’un carton jaune. Le hic, c’est la cause de cette embrouille. Comment peut-on reprocher à un joueur de jouer, de créer, de faire le spectacle ? Neymar est un grand garçon, il sait sans doute lui-même qu’en faisant ce genre de geste, il va engendrer de l’animosité chez l’adversaire et certainement s’exposer à des contacts virulents et à une certaine agressivité. C’est son jeu, c’est son choix, c’est sa prise de risques. Pourquoi l’en priver ? Pourquoi en priver le public ? Et même s’il nargue le camp d’en face, le chambrage ne fait-il pas partie du football depuis toujours, sur tous les terrains et entre tous les joueurs ? Les arbitres ne veulent plus prendre le risque d’interpréter la moindre action dans les surfaces, mais se découvriraient un esprit justicier quand il s’agirait de juger de l’efficience et de l’utilité d’un petit pont, d’une virgule ou d’un grigri ? Quelque part, Neymar est sanctionné de la même façon que s’il avait effectué un mauvais tacle ou s’il avait eu un comportement d’antijeu… Que l’arbitre le prévienne qu’il risque de lui arriver quelques bricoles, pourquoi pas, mais qu’il sanctionne son incompréhension laisse assez incrédule.
L’échange surréaliste entre l’attaquant et l’arbitre dans les couloirs du Parc démontre ce même fossé dans la conception du jeu : quand le premier lance « Moi, je joue au foot, et lui, il me met un carton jaune » , le second répond « Parle français » . Le genre de répartie et d’absence de dialogue qui mériterait un avertissement. Alors certes, le débat sur la « protection des artistes » revient souvent sur la table. Chacun y avance des arguments souvent recevables pour défendre sa position. Mais attention, il ne faudrait pas qu’on en arrive à se demander s’il faut sanctionner les artistes. Sinon, c’est accepter que tout ce que l’on mérite, ce sont les purges du dimanche soir.
Par Pierre Maturana