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Cartes Panini 2.0, transferts en bitcoin… Que vient faire la blockchain dans le foot ?

Par Victor Launay et Arthur Stroebele
Cartes Panini 2.0, transferts en bitcoin… Que vient faire la blockchain dans le foot ?

Vous avez peut-être entendu parler d'une carte virtuelle de Cristiano Ronaldo vendue pour 150 Ethereum soit 300 000 dollars ? Alors que le Bitcoin atteint actuellement des sommets, la blockchain - la technologie à la base des cryptomonnaies - fait progressivement son entrée dans le foot. Avec Sorare et ses cartes Panini 2.0, mais aussi le paiement de transferts en bitcoins ou l’apparition de jetons virtuels conférant des avantages aux supporters, les initiatives se multiplient : alors, une mode passagère ou les prémices d’un changement sur le plus long terme ?

Quel est le point commun entre Antoine Griezmann, Gerard Piqué et André Schürrle ? Ils ont tous les trois remporté une Coupe du monde, bravo. Mais les deux joueurs du Barça et le jeune retraité ont aussi un point commun côté business : tous sont investisseurs dans une start-up française de Fantasy Football nommée Sorare. Lancée en 2019, cette plateforme connaît un succès fulgurant ces derniers mois et est révélatrice de l’entrée de la blockchain – une technologie permettant de garder une trace numérique et infalsifiable des différentes transactions liées à une cryptomonnaie ou à un objet virtuel – dans le football.

« Le principe de Sorare est simple », note Brian O’Hagan, responsable du développement de la start-up, qui compare les cartes Sorare aux cartes Panini. « On a tous collectionné des cartes de joueurs physiques et nous avons utilisé la blockchain afin de recréer une sorte de Panini numérique. L’intérêt supplémentaire de ces cartes virtuelles, c’est que l’on peut les utiliser dans des ligues de 5 contre 5, en alignant José Fonte à côté de Cristiano Ronaldo et d’un joueur de J-League. Le but est de gagner des ligues, et des récompenses si nos joueurs sont performants dans la réalité. » Fini, donc, la collecte insouciante de cour d’école où l’unique plaisir était de parvenir à échanger son Djibril Cissé en double contre la vignette de Pancho Abardonado qui manque tant pour compléter l’album. Désormais, le but est de jouer en ligne, de gagner des matchs, et pourquoi pas, se faire de l’argent.

Une charnière Rio Ferdinand – Xavier Niel

Économiste spécialisé dans les cryptomonnaies, Philippe Herlin souligne que le grand intérêt de la blockchain est d’assurer une grande transparence auprès des utilisateurs de Sorare. La blockchain rend public sur internet le nombre de cartes en circulation et permet de tracer les différentes transactions (prix, date d’achat et de revente, détenteurs successifs des cartes, etc.) liées à ces jetons numériques infalsifiables – appelés NFT : non fungible tokens – créés grâce à la technologie Ethereum, à laquelle une monnaie éponyme est également liée : « Le nombre limité de cartes, et le fait qu’il soit auditable, visible sur la blockchain, crée de la rareté, de la confiance et in fine de la valeur. Et c’est cela qui assure le succès de Sorare. » Outre des ambassadeurs prestigieux comme des footballeurs pros et d’anciennes gloires – Oliver Bierhoff et Rio Ferdinand -, Sorare a aussi réussi à convaincre des investisseurs comme Xavier Niel ou Alexis Ohanian, cofondateur de Reddit, lors de ses tours de table. Les clubs sont également de plus en nombreux à collaborer avec la plateforme : si la Jupiler League a été parmi les premières à avoir ses cartes de joueurs disponibles sur la plateforme, de grands clubs entrent progressivement dans le jeu, tels que le PSG, la Juve, Liverpool, le Bayern ou le Real Madrid.

L’intérêt pour eux ? Une source de revenus supplémentaires de licensing – ils touchent une commission à chaque transaction -, mais aussi le moyen de trouver une nouvelle audience sur des marchés friands de ce genre de nouveaux produits, comme les États-Unis et l’Asie. Sur ces marchés, les NFT, qui permettent d’acquérir des actifs numériques de toute sorte (des tweets, des vidéos de basket-ball…) font fureur : « La dimension de collection est beaucoup plus ancrée aux États-Unis, et on assiste depuis longtemps à une financiarisation des cartes sportives de collection », souligne Brian O’Hagan.

« Tout le monde connaissait Jonathan David dans la communauté Sorare… »

C’est d’ailleurs sur le marché nord-américain que la plateforme – qui revendique aujourd’hui 20 000 utilisateurs actifs, ainsi qu’un volume de transactions mensuel de plus de dix millions d’euros – a fidélisé ses premiers joueurs. Pas forcément des amateurs de foot, mais des collectionneurs et des flaireurs de bonne affaire. Aujourd’hui, Sorare assure toucher majoritairement des fans de ballon rond et notamment des adeptes de Football Manager : « Ils aiment Sorare parce qu’il y a cette dimension scouting. Ils vont essayer d’aller découvrir des jeunes joueurs, de profiter de leur expertise football. Acheter des cartes d’inconnus, peu onéreuses, qui vont peut-être exploser. Par exemple, en Belgique, Jonathan David était connu depuis un an et demi par la communauté Sorare, lors de sa première saison à La Gantoise. Tout le monde se l’arrachait la saison suivante sur la plateforme. Maintenant, cette année, tout le monde le connaît parce que Lille l’a acheté 30 millions. Mais si tu suivais la communauté Sorare, tu savais que ce joueur allait exploser », abonde Brian O’Hagan.

En témoignent les dizaines de vidéos sur YouTube qui expliquent comment gagner de l’argent sur Sorare, les joueurs sont aussi là pour tirer un pécule de leur expertise. « Une façon de relier le plaisir et de gagner un peu d’argent », comme le résume Philippe Herlin. À tel point que certains alignent 55 000 euros pour posséder la carte la plus rare de Kylian Mbappé. Récemment, on a même vu une carte Cristiano Ronaldo partir pour 150 Ethereum (l’autre mastodonte des cryptomonnaies derrière le Bitcoin), soit environ, à l’époque, 300 000 dollars. De la spéculation ? Brian O’Hagan se défend : « Il peut y avoir des hauts et des bas, mais ce qui est important pour nous, c’est l’usage. Spéculer sur une œuvre d’art. C’est effectivement de la pure spéculation. Mais spéculer sur quelque chose qui est utilisable dans un jeu, c’est différent. De plus, notre carte fonctionne dans un écosystème ouvert, elle a une valeur sur de la longue durée, contrairement aux cartes développées par EA Sports(les cartes FUT dans FIFA, NDLR)qui n’ont de la valeur que sur la saison en cours ». À la manière de n’importe quel autre actif, les cartes suivent finalement la loi de l’offre et la demande. Et, selon Philippe Herlin, avec la démocratisation du gaming et le boom des NFT, le phénomène est appelé à durer.

Avoir une (petite) influence sur des décisions (non sportives)

La blockchain pourrait même avoir d’autres applications que le Fantasy Football, les tokens étant un moyen d’impliquer les supporters dans certaines décisions des clubs. En partenariat avec les clubs, la plateforme maltaise Socios.com propose ainsi aux fans d’acheter des tokens de leur équipe favorite qui leur permettent de donner leur avis sur différents sujets. La Juventus a par exemple fait choisir la nouvelle musique qui accompagne les buts dans le stade par ce biais, tandis que le PSG a invité les fans à choisir le message qui figurera sur le brassard de capitaine. Plus un utilisateur détient de jetons, plus sa voix aura de l’importance. Certaines consultations sont contraignantes, et obligent donc le club à suivre le résultat des sondages, qui sont certifiés par la blockchain : néanmoins, la part d’influence est tout à fait limitée puisque, encore une fois, ces sondages ne concernent jamais les contrats de Neymar ou Mbappé, mais plutôt les petits à-côtés ludiques et cosmétiques. L’accord entre le PSG et Socios.com porte sur cinq ans et rapportera 2,5 millions d’euros par an au club, rapporte L’Équipe. Luc Arrondel, économiste du sport, décrypte ce phénomène : « L’avantage pour les clubs est que vous créez un lien avec les supporters, surtout dans le contexte actuel où ils sont tenus éloignés des stades, explique-t-il. Pour un club comme Paris, il n’y a pas forcément d’intérêts économiques, c’est une goutte d’eau. Mais pour un supporter, il y a le plaisir de prendre part à la vie du club, même sur des décisions annexes. »

À la création des vingt millions de jetons en janvier 2020, un token du PSG valait 2 dollars : son cours est aujourd’hui à environ 24. Cette hausse semble donc indiquer qu’il y a une demande autour de ce nouveau mode de fonctionnement participatif. S’ils sont une nouvelle manière d’appréhender le supportérisme et de renforcer l’engagement des fans – ils peuvent être la base de nouveaux modèles de socios -, ces tokens ouvrent néanmoins un peu plus la porte à une monétisation de la relation entre les fans et leur équipe. Avec un tel système, les personnes en mesure d’acheter nombre de jetons sont avantagées (plus on a de jetons, plus sa voix compte), sans parler du fait que bon nombre de supporters ne sont pas du tout réceptifs à un concept qui reste abstrait et encore très associé à une novlangue de start-up loin de faire l’unanimité pour le moment – en témoigne la défiance à l’égard d’un Jacques-Henri Eyraud.

Un transfert… en bitcoin

La blockchain semble donc s’immiscer de plus en plus dans la relation entre un club et ses suiveurs. Mais, via ces évolutions, peut-on imaginer à long ou moyen terme un marché des transferts bouleversé par l’application la plus connue de la blockchain, à savoir les monnaies virtuelles ? C’est en tout cas déjà arrivé. En janvier dernier, le DUX Internacional de Madrid, un club de troisième division espagnole, a réalisé la première transaction en bitcoins. Pour faire signer le vétéran David Barral (37 ans), libre de tout contrat, le club de la banlieue madrilène lui a versé une prime à la signature – dont les contours n’ont pas été dévoilés – en monnaie virtuelle. Ce n’est donc pas encore un transfert, à proprement parler, entre deux clubs, mais l’opération reste un joli coup de com’ pour le club qui a réalisé ce versement grâce à l’aide d’un de ses sponsors, spécialiste dans le domaine de la cryptomonnaie.

Pourrait-on un jour imaginer le transfert de Haaland au Real Madrid ou au Barça, financé par le Bitcoin ? Luc Arrondel tempère : « Pour le moment, son cours est très volatile. Il y a un vrai risque. Mais le jour où une banque centrale émettra de la cryptomonnaie, et donc la régulera – comme peut le faire la BCE avec l’euro par exemple – , ça sera envisageable. Ça deviendra une monnaie comme une autre. » Philippe Herlin estime également que la blockchain et ses applications ont pour le moment plus d’avenir dans le Fantasy Football ou pour engager les supporters. « S’il y a des imperfections sur le marché des transferts, la blockchain ou les cryptos pourraient devenir une alternative. Dès qu’il y a des marchés opaques, la blockchain a une utilité réelle. Après, pour bouleverser tout ce système… Il faudrait un acteur du football qui entre et qui joue la transparence totale, sur les frais, le montant des transferts, la part des agents. Ce n’est pas forcément pour demain. »

Dans cet article :
Luis Enrique, en coulisses comme à la scène
Dans cet article :

Par Victor Launay et Arthur Stroebele

Tous propos recueillis par VL et AS

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