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Carrasso : «Je vois la France gagner»
Cédric Carrasso, au terme d’une très bonne saison personnelle avec Bordeaux, attaque l’Euro et le Groupe D avec détermination. Il sera troisième gardien, mais ça, c’est pas un truc qui l’empêche de voir la France gagner la compétition...
Cédric, dans quel état d’esprit es-tu avant de participer à cet Euro ?L’état d’esprit, c’est de bien souffler après le championnat et avant de rejoindre le groupe. Il faut vraiment une coupure, tout en étant prêt, parce qu’on sait qu’on se prépare pendant un mois et demi pour l’Équipe de France. C’est l’approche d’une grande compétition. C’est assez particulier, mais il faut vraiment arriver à faire la part des choses entre ton club et le démarrage en sélection.
Tu as dit dès le début de la précédente saison que tu t’étais déjà préparé en vue de l’Euro…Oui, j’ai essayé de retenir les erreurs que j’avais faites l’année de la Coupe du Monde… Cette année, j’ai donc eu une préparation différente, un peu expérimentale, puisque c’est la première fois que je faisais comme ça, en tablant sur un pic de forme en novembre-décembre. Le but étant aussi de faire toute la deuxième partie dans un état assez frais. Je finis assez fatigué, mais c’est la trajectoire en championnat qui a voulu ça aussi, avec des matches particuliers. On finit bien dans l’ensemble, mais il y a des saisons qui usent plus que d’autres.
As-tu douté de pouvoir être appelé en sélection ?(Il met du temps avant de répondre) Non, je n’ai pas douté parce que je pense que si tu es performant et régulier, ça va. Après, mon approche est différente par rapport à la sélection… Je dis que je n’ai pas douté, pas parce que je le mérite absolument, mais parce que, quand tu fais le travail, tu as ce que tu mérites… Si j’avais été sélectionné alors qu’au vu de ma saison, je ne le méritais pas, je ne me sentirais pas bien dans ma peau. Donc, quand je m’y sens bien, c’est que je pense que c’est mérité. C’est comme ça que je conçois les choses. Après, beaucoup de choses se disent… mais c’est normal, ça fait partie du jeu. Je le comprends.
Malgré cela, tu es donc fin prêt…On a eu un début de championnat difficile avec les Girondins, mais je pense que je fais une saison complète et aboutie sur un plan personnel. Tu ne peux pas prétendre à quelque chose en Équipe de France, mais au contraire, n’être qu’à disposition et prendre du plaisir, parce que tu défends ton pays, avec les meilleurs joueurs français… Ce n’est pas pareil que la vie en club.
Quand une hiérarchie de gardiens est établie, n’est-ce pas trop dur mentalement de se dire qu’on a peu de chance de jouer ?Disons que dans l’approche de départ, c’est neutre. Je crois que c’est un rôle à prendre une fois que la compétition va démarrer. Tu es d’abord obligé de te préparer comme si tu allais jouer. Pourquoi ? Parce que tu ne sais pas ce qu’il peut se passer ; il peut y avoir des pépins physiques, des petits trucs, etc. Par contre, si on arrive tous les trois (avec Lloris et Mandanda, ndlr) en super forme, avec cette hiérarchie établie au moment où on atterrit en Ukraine, alors il est important pour moi de rentrer dans mon rôle… Et mon rôle, c’est quoi ? C’est, au départ, d’être troisième gardien.
Justement, ça signifie quoi, concrètement ?C’est d’être au service du collectif, du gardien qui va jouer. Si ton troisième gardien se prend pour le premier, ben, il te manquera un gardien pour se mettre au service de l’équipe ! C’est clair, je vais me préparer comme si j’allais jouer, et à l’approche de la compétition, je prendrai mon rôle. Mais celui-ci peut évoluer en cas de pépin. Donc, il faut essayer de trouver un équilibre pour être toujours frais, mais à la disposition, en fonction du rôle que tu établis sur le moment. Je reconnais que c’est assez particulier, mais je pense que j’ai une sérénité et une réflexion qui me permettent de savoir où je me situe à chaque fois.
Tu n’es donc pas là pour tirer la bourre aux autres…Non, il n’est pas question de ça… Il y aura 23 joueurs, qui sont les meilleurs du moment, sélectionnés. On peut toujours contester les choix de l’extérieur, mais quoi qu’il arrive, il n’y a que de la qualité. Et dans cette qualité-là, personne ne peut faire la gueule parce qu’il ne joue pas (sic). A ce niveau, ce n’est pas concevable ! Donc, j’ai cet état d’esprit. Le gardien qui joue, on doit le mettre dans les meilleures conditions pour qu’il soit au mieux.
Comment ça se passe, en interne, avec Hugo Lloris et Steve Mandanda ?J’ai souvent ce rôle de modérateur entre Steve et Hugo. Ce sont des mecs qui sont de la même génération et qui ont un niveau très élevé et très proche. Il y a des choix ; un joue, l’autre aussi. A moi de sentir quand ils ont besoin d’être en confiance, ou de retrouver de l’énergie pour Steve, parce que son rôle n’est pas évident non plus. Mais on a la chance d’avoir trois gardiens, plus ceux qui ne sont pas sélectionnés, capables de jouer dans cette équipe.
En fait, tu as un rôle de « booster » …Sur des compétitions qui durent un mois, il y a des jours où c’est plus dur que d’autres, où on a moins la pêche… Alors je dois toujours avoir le rôle de celui qui dit qu’on a de la chance d’être là. On a joué une Coupe du Monde ensemble, malgré tout ce qu’il s’est passé, mais on a vécu cette expérience. Là, on va jouer l’Euro, soit les deux plus grosses compétions internationales. Donc, on doit garder cette fraternité, car je pense qu’on est attachés les uns aux autres. Et s’il y avait du changement au poste, ça leur changerait les choses aussi. On s’est installés dans une logique, un état d’esprit et une certaine complicité, ce qui n’est pas si évident à obtenir. Mais nous, on a ça.
Hugo Lloris est le numéro un. Comment le perçois-tu ?Techniquement, c’est plus compliqué. Mais mon approche avec lui est plus psychologique. Il a beaucoup pris en maturité et en tant qu’homme. Il l’est devenu, alors qu’avant, il était tout jeune, tout fou ! Il a vécu des saisons en club assez difficiles, mais je l’ai toujours vu performant en Équipe de France. Il arrive à faire la part des choses, aujourd’hui. J’espère pour lui que cet Euro le révèlera vraiment, parce que le jour J de la Coupe du Monde, il n’a pas pu réellement montrer ses capacités. Il n’a pas fait exactement ce qu’il voulait. Je souhaite que l’on ait le Hugo que l’on connaît depuis toujours.
Laurent Blanc a annoncé que l’objectif était de passer le premier tour. Tu en penses quoi ?Je pense que c’est logique au vu des dernières années… Au cours des ultimes phases finales, la France n’a rien fait de beau ! Le plus important, c’est de se concentrer sur notre phase de poules. Et je pense que si l’on se sort de là, tout sera possible pour nous…
Donc, tu le vois comme ça !Mais oui, parce que cette année, on a une équipe à surprises…
À « surprises » ? Quels sont ses points forts ?La spontanéité, la jeunesse, la fougue et le talent brut de l’équipe. On travaille un groupe depuis deux ans, et en dehors de ça, on sait que le talent est là. Donc, il peut se sublimer dans des matches super importants. Même si je pense que cette équipe sera surtout prête pour le Mondial 2014, où elle sera à maturité. Mais je m’attends à une surprise énorme de la part de l’Équipe de France…
Alors c’est vrai ?Oui, je l’espère ! Elle le mérite, elle a bossé, avec un parcours en qualifications qui a démarré par une défaite. Mais on a vu quelque chose de solide, avec un vrai potentiel. On a fait deux belles années, en battant les meilleures nations du monde, parfois à l’extérieur. Alors, pourquoi pas !
Y a-t-il un favori dans ce groupe ?Bah… C’est compliqué parce que le pays organisateur n’est jamais évident à jouer. Après, il y a deux grandes nations historiques qui sont la France et l’Angleterre, puis les Suédois qui ont quand même de bons joueurs, dont l’un des meilleurs du monde, devant : Ibrahimovic. Personnellement, je trouve que l’Euro est plus relevé que la Coupe du Monde, plus serré… Je pense que les favoris se dégageront après le premier match.
Puisque tu compares, y a-t-il une envie d’effacer les mauvais fantômes de 2010 ?Il y a eu 2010, mais, depuis 2006, on a envie de redonner du plaisir aux Français, pour qu’ils voient une équipe qui sourit, qui gagne et qui marque des buts. Ce qu’il n’y a pas eu depuis un moment !
Selon toi, qui va gagner l’Euro ?Aucun autre favori, je ne vois que nous, en surprise ! On aimerait aller jusqu’au bout… Ou au moins jusqu’au 1er juillet. Ce ne serait déjà pas mal…
Propos recueillis par Laurent Brun, à Bordeaux