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Carlos Tevez : «La beauté, ça ne compte pas»

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Carlos Tevez : «La beauté, ça ne compte pas»

En Argentine, Carlos Tevez est l'idole du pays. Il fait le point sur l'Albiceleste avant d'affronter les champions du monde espagnols mardi soir et revient sur son parcours. Exclu Sofoot.com.

Tu es né à Fuerte Apache, un quartier à la mauvaise réputation…

Quand on me parle de Fuerte Apache, ça m’énerve. Ca me rend impuissant de ne pas pouvoir répondre à ceux qui critiquent mon quartier d’autant que la majorité des gens qui en parlent mal n’y sont jamais allés de leur vie. Moi j’aime que les gens m’arrêtent dans la rue pour me poser des questions sur Fuerte Apache. Ca ne me pose pas de problème de leur raconter comment c’était. J’ai été heureux là-bas, d’ailleurs je suis fier d’être né là-bas et d’y avoir été élevé. Les supporters m’aiment comme je suis, je ne peux pas changer d’où je viens, ni que je suis. L’un des buts dans ma vie c’est démontrer que les gens de Fuerte Apache ne sont pas mauvais. C’est un devoir pour moi d’autant que j’ai encore toute ma famille qui vit là-bas : mes grands-parents, mes oncles, mes amis…

Quel souvenir gardes-tu de ton enfance?

Souvent, nous n’avions pas de quoi manger…C’était difficile. Mon père, qui était maçon n’avait pas toujours de travail…Aujourd’hui c’est oublié, je m’en suis sorti mais ça me rend malade que beaucoup de gens soient encore aujourd’hui obligés de se coucher sans avoir diné. J’ai connu ça, et c’est très dur…Quand j’avais faim ma mère et mon père me disaient “je t’aime” et pour moi c’était comme un médicament. Les voir lutter pour nous donner un bout de bonheur, ça m’a renforcé intérieurement. Ca m’a poussé à devenir celui que je suis devenu.

C’est à cette époque que tu t’es fait cette cicatrice. Comment ça s’est passé?

Ma vieille (sa mère) était en train de prendre du maté. Moi j’étais un bébé qui ne savait même pas encore marcher. Je ne sais plus comment ça s’est passé mais j’ai renversé une casserole d’eau bouillante. Je me suis tout brulé. Plusieurs fois des gens sont venus me voir pour me convaincre de faire de la chirurgie esthétique. Certains voulaient même me payer l’opération. Mais je n’ai jamais voulu. Pour quoi faire? Si on m’aime c’est pour mon caractère et pour la manière dont je traite les gens. La beauté ça ne compte pas. Pas pour moi en tout cas.

Qu’est-ce que tu serais devenu si tu n’avais pas été footballeur?

Cartonero (ça consiste à ramasser des cartons et des déchets dans la rue pour les revendre à des entreprises de recyclage, ndlr.). A part le football je ne sais rien faire d’autre. Je suis né pour le football. Si j’avais raté cette voie, je pense que ma vie aurait été extrêmement compliquée. Aujourd’hui, l’Argentine est pleine de cartoneros. C’est dur d’être pauvre, je parle en connaissance de cause. Franchement, sans paraitre démagogue, ça me rend fou de rage que certains aient beaucoup et que d’autres n’aient même pas de quoi s’acheter un sandwich.

Que représente l’argent pour toi?

Rien. Pour moi ça ne représente rien du tout. Quand j’étais pauvre ça ne représentait rien, et maintenant que je suis mieux financièrement c’est pareil. Mais bon, il vaut mieux en avoir que pas du tout, c’est sûr.

Tu préfères : jouer dans les meilleurs enceintes du monde ou dans le petit stade de Fuerte Apache?

Je l’ai toujours dit: je préfère jouer dans mon quartier et avec mes amis. Il n’y a pas de meilleures journées que celles-là. Là-bas je joue sans pression, sans entraineur, je suis libre. Tout ceux qui jouent dans les potreros de Fuerte Apache sont des passionnés de football. Ils aiment ça.

Tu es le joueur le plus populaire du pays, y compris devant Messi. Tu te considères comme l’idole des pauvres ?

Je ne me suis jamais considéré comme un crack. Il faut que je progresse encore beaucoup pour en devenir un. Je sais que les fans m’aiment bien, mais je ne suis pas encore une idole. Si je pouvais arrêter ma carrière en étant devenu le joueur des pauvres, ça me rendrait heureux. C’est beau.

Pourquoi les gens s’identifient autant à toi ? Comment tu l’expliques ?

Je ne sais pas. Je ne calcule pas, je ne joue pas un rôle. Chez moi tout est très naturel, ça doit sans doute être ça. Poser pour une photo, signer un autographe ou saluer les gens, ça ne me demande pas d’effort. Je le fais parce que ça rend heureux les gens. Je suis l’un des rares joueurs qui peut s’estimer heureux de ne pas être critiqué par le public. Quand je fais un mauvais match, les gens ne m’insultent pas et ça c’est du luxe. Je crois que les gens apprécient mon charisme tout simplement.

Le public d’Old Trafford scandait des « argentinian, argentinian » . Vu l’histoire entre les deux pays, ça a du te faire plaisir non ?

C’était beau. Je suis fier de ça, ça démontre que les gens m’aimaient et avaient de la reconnaissance envers mon travail. Les fans d’United, je leur parle encore. Quand je les croise dans la rue, on discute et ils comprennent rapidement pourquoi je suis parti à City. Je n’ai pas fui les Red Devils, c’est faux, j’ai quitté le club parce que je ne jouais pas assez. Quand j’ai voulu changer, City était le club le plus intéressé. Je n’ai pas fait exprès de rejoindre le pire ennemi de Manchester. Ca c’est fait naturellement sans aucune envie de revanche. Aujourd’hui je ne regrette pas mon choix, City est un bon club avec des grands supporters. Et comme ceux d’Old Trafford, ils m’apprécient beaucoup.

Ton enfance difficile t’a–t-elle aidé à mieux apprécier les choses aujourd’hui ?

Je ne souhaite à personne de vivre ce que j’ai vécu durant mon enfance. Ce qui est merveilleux aujourd’hui c’est que ma fille étudie l’anglais. Elle est scolarisée en Europe, et ça c’est très important. Ca va lui ouvrir des portes non seulement en Angleterre mais partout dans le monde. Son avenir est presque assuré avec l’éducation qu’elle reçoit. Elle n’a plus qu’à choisir ce qu’elle veut faire pour être heureuse. Moi quand j’étais un gamin, je n’avais pas toutes ces perspectives là. Je me rappelle d’une nuit où j’étais couché dans mon lit avec mes frères et mes parents. Ce soir-là il y a eu des cris dans la rue et des coups de feu incessants. Ca se passait juste à coté de notre fenêtre. Ca m’a pétrifié…Voilà ce qu’était ma vie. Quand la nuit tombait, tu avais intérêt à rester chez toi, tellement c’était dangereux dehors. Voilà pourquoi je suis heureux que ma fille soit en train de grandir dans un pays développé comme l’Angleterre. Mais je vais être honnête, j’ai vraiment du mal à vivre dans un pays qui ne soit pas le mien. Rien ne remplacera jamais mon amour pour l’Argentine et les Argentins. Ni l’argent, ni l’éducation…Rien.

Est-ce que tu continues à ne pas aligner un mot d’anglais?

J’essaie. Je l’ai étudié. Mais je suis incapable de prendre la parole en anglais…En sélection argentine tous les joueurs me demandent de leur parler anglais, mais c’est pour se foutre de ma gueule. Sincèrement, je ne suis pas un exemple d’intégration. Je suis un vrai cancre. Cette langue ne veut pas me rentrer dans le crane. La vérité, c’est que je suis en train de l’apprendre comme un indien. Un vrai sauvage. Quand j’étais petit, j’étais déjà nul, si j’avais su que j’allais un jour débarquer en Angleterre peut-être que j’aurais fais plus d’effort.

Malgré tes expériences au Brésil et en Angleterre, tu répètes toujours que ton club de cœur c’est Boca Juniors…

Ma fille me demande toujours de mettre le maillot de Boca. Elle veut que j’y retourne. Je sais que je finirai par y revenir, mais je ne sais pas quand. Je préfère ne pas en parler pour l’instant.

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Quel bilan tires-tu du Mondial et de votre élimination en quart de finale contre l’Allemagne?

D’un coté, je suis tranquille parce que j’ai laissé ma peau sur le terrain. Je n’ai plus rien dans les jambes, ni dans l’âme, ni nulle part ailleurs. Mais d’un autre coté, je suis énervé. Je suis impuissant face à cette élimination. Contre l’Allemagne on n’a rien pu faire, ça arrive, mais c’est très dur à encaisser.

Quelle est l’élimination la plus douloureuse: celle de 2010 ou celle de 2006 aux tirs au but ?

Les deux sont très douloureuses. Mais un 4-0, ça fait vraiment très, très mal. Perdre comme ça, et avec l’équipe qu’on a c’est difficile à comprendre. J’ai toujours pas compris d’ailleurs.

On a eu l’impression que l’Argentine n’était pas une véritable équipe?

Non. On a beaucoup travaillé les automatismes. On savait aussi que l’Allemagne était une équipe compliquée, et elle l’a confirmé contre nous. On a payé le prix fort.

Les allemands vous ont surpris?

Franchement, oui. On ne pensait pas qu’ils allaient nous jouer de la même manière que contre l’Angleterre. Et c’est ce qu’ils ont fait. Ils nous ont tués avec leurs contres-attaques.

Est-ce que la coupe du monde des Argentins est un échec?

Chacun son opinion. L’Allemagne a été meilleure que nous. C’est le coup de massue le plus dur de toute ma carrière. Personne n’est aussi triste que nous, les joueurs. Pour l’instant, je suis effondré par cette élimination. Il va falloir un peu de temps avant que je m’en remette mais je ne dirais pas que c’est un échec pour autant. Nous avons fait un mauvais match, où nous n’avons rien réussi à faire. L’Allemagne nous a mis un cachet pour mieux nous tuer. C’est triste, mais c’est comme ça.

L’Argentine n’a pas atteint les demi-finales d’une coupe du monde depuis 20 ans. Qu’est-ce qu’il lui manque?

Je ne sais pas. Si je le savais, on serait allés en finale, mais sincèrement je n’ai pas d’explication…Dans un Mondial, si tu te réveilles du pied droit, tu rentres tout de suite chez toi. L’une des explications, c’est que les attaquants n’ont pas marqué de but décisif. Résultat: ça nous a mis dans la merde.

Quel bilan fais-tu de Maradona durant cette Coupe du Monde?

Il a été très bien. Avant le match contre l’Allemagne, nous étions même parmi les favoris de la compétition. Le 4-0 ne remet pas en cause tous les efforts que nous avons faits avec lui. On ne va rien jeter aux chiottes parce que nous sommes un groupe soudé. Et puis, je serai éternellement reconnaissant envers Diego de m’avoir fait confiance. Je suis du coté de ceux qui m’ont toujours épaulé, et c’est pour ça que je serai toujours dans le camp de Diego.

Est-ce que tu es toujours énervé par la AFA à cause du licenciement de Diego ?

J’ai dit à Grondona (président de la fédé argentine) qu’il n’avait pas tenu sa parole. Dans le vestiaire après l’élimination contre l’Allemagne, il avait annoncé que Maradona continuerait sur le banc de touche. Je dis toujours ce que je pense, je n’ai pas peur de me griller auprès de la fédération. Je suis du coté des bons, des gens qui travaillent, qui ont toujours été avec nous, qui ont toujours fait en sorte que nous ne manquions de rien. Je suis du coté des masseurs, des docteurs, et de tout le staff qui était avec nous durant le mondial. Je n’ai pas envie de les voir au chômage et c’est pour ça que je n’ai pas aimé qu’il soit critiqué.

Il y a quelques mois tu disais que tu voulais arrêter le football. T’étais sérieux ?

Si j’ai dit ça, c’était parce que j’étais en colère, mais non je ne veux pas arrêter ma carrière. J’ai sans doute voulu dire que j’arrêterais le football si je gagnais le mondial, mais bon…J’adore mon métier. Le football c’est l’une des choses les plus importantes dans ma vie, je ne peux pas m’en passer. Après, j’ai dit à plusieurs reprises que je pourrais arrêter la sélection, mais je ne l’ai jamais vraiment envisagé. C’était plus des coups de chaud qu’autre chose. Je suis quelqu’un qui pleure beaucoup pour la sélection, alors ne plus y jouer ce serait pour moi un crève-cœur.

Manchester City a explosé le marché des transferts cet été. Ca te fait quoi d’etre dans un club de nouveaux riches ?

Quand j’étais petit je jouais pieds-nus, alors bon ça me change un petit peu c’est clair…Aujourd’hui, j’ai 15 paires de crampons avec le nom de mes filles brodés sur chaque chaussure. Le football professionnel en Europe c’est comme ça. C’est quelque chose qui génère beaucoup d’argent…Le plus important c’est que je ne perde pas de vue d’où je viens. Je sais qui je suis et certainement pas un nouveau riche. City est un club important et les clubs importants doivent savoir gérer beaucoup d’argent. Après, ce qu’ils font avec la thune je m’en fous, ça ne me concerne pas. Moi mon truc c’est le football, pas les transferts ou le commerce. De toute façon, question chiffres, je suis nul !

Propos recueillis par Jorge Lopez à Buenos Aires

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