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Carlos Sánchez, le bleu lui va si bien
Abandonné par son père à huit ans, Carlos Sánchez s'est forgé dans les matchs de rue, dans un quartier chaud de Montevideo. Celui qui a connu sa première sélection sur le tard est désormais titulaire avec la Celeste.
À 29 ans, Carlos Sánchez s’est enfin vêtu du bleu céleste de sa patrie. C’était le 13 novembre dernier, en amical contre le Costa Rica. Le milieu droit de River Plate a gagné le cœur d’Óscar Tabárez, le sélectionneur uruguayen, avec la même recette qui enchante tous les week-ends le public de River : la fameuse garra charrúa, l’esprit guerrier propre aux joueurs uruguayens. Aujourd’hui, le milieu aux trois poumons qui ferait passer Matuidi pour un coureur du dimanche participe à la Copa América. Une récompense immense pour un homme qui aurait pu perdre la vie lors d’un picado, les matchs de rue en Amérique latine : « Je jouais n’importe où. Dans mon quartier, on jouait sur de la terre, pour de l’argent. Il y avait aussi des quartiers dans lesquels, si tu gagnais, on t’attendait avec un revolver » raconte-t-il dans une interview pour El Gráfico. Et d’ajouter : « J’ai joué dans le quartier El Borro, l’un des plus chauds de Montevideo. Je faisais une touche, et un mec m’a pointé un pistolet sur la tempe en me disant de marquer contre mon camp. Je ne l’ai pas fait, mais j’ai dû partir en courant à la fin du match. Les mecs me poursuivaient. » Courir sans s’arrêter, c’est ce que fait encore le joueur de River, devenu titulaire indiscutable sous l’ère Marcelo Gallardo.
Amoureux de River
Avant de disputer son premier match sous les couleurs du club uruguayen de Liverpool en 2003, Sánchez a surmonté une enfance difficile. À huit ans, son père l’abandonne dans la rue : « Il nous a jetés. Mon oncle nous a sauvés en nous accueillant. Je n’ai pas vu mon père depuis » , témoigne-t-il dans le mensuel argentin. Issu d’une famille de dix frères et sœurs de quatre pères différents, Sánchez n’avait que le football comme moyen de survivre : « On allait toujours manger dans le quartier, chez des amis. Je dormais souvent avec juste un verre de lait dans le ventre. On a survécu de petits métiers. Aussi, je passais toute la journée à jouer au foot. » Sánchez réalise son premier essai pour Liverpool à 17 ans.
Parmi 300 gosses, il se distingue avec son maillot de River sur le dos : « Il avait un de ces faux maillots de River. Il parlait mal et vite » , se rappelle Gonzalo Mattos, dirigeant du club de Montevideo. Une rupture des ligaments croisés l’écarte deux ans des terrains. Puis Sánchez décide de se concentrer sur l’atout qui fait de lui un des meilleurs joueurs du championnat argentin : son physique. « Je passais mon temps au gymnase. Je prenais de la créatine et d’autres substances pour prendre plus de muscles. J’ai fait beaucoup trop de musculation. Aujourd’hui, je ne touche plus d’haltères. » En 2009, le milieu uruguayen rejoint Godoy Cruz, club de la ville de Mendoza, en Argentine, après plus de cent matchs avec son club formateur. Figure du club d’El Tomba, « Carlín » rejoint River Plate en 2011, alors que le club connaît la pire année de son histoire, avec la descente en seconde division.
Almeyda, le mentor
Un homme est responsable de la venue de Sánchez à River : Matías Almeyda. El Pelado, récent retraité, a pris en main le club du quartier de Nuñez et demande l’arrivée du joueur, qui a pourtant provoqué la fin de carrière de l’idole de River : « Il me demandait de jouer comme je le faisais à Godoy Cruz. Il me rappelait tout le temps que je lui avais fait arrêter le football. Lorsqu’il jouait encore, on s’est télescopé lors d’un match, et il s’est cassé une côte » , raconte Sánchez. « Un jour lors d’un entraînement, je me suis moqué de lui parce qu’il frappait tout doucement. Il m’a répondu qu’il n’avait plus de force depuis que je l’avais chargé » ajoute-t-il. Pourtant, l’aventure tourne court dans son club de cœur. Malgré la montée en Primera, Almeyda quitte River, remplacé par Ramón Díaz. Après une saison presque blanche et en conflit avec le nouvel entraîneur, l’Uruguayen est prêté à Puebla, au Mexique, pour la saison 2013-2014.
L’arrivée de Marcelo Gallardo rime avec la résurrection du milieu qui peut évoluer à droite comme dans l’axe. Son dévouement sur le terrain convainc l’ancien joueur du Paris Saint-Germain. Ses buts décisifs notamment lors de la Recopa Sudamericana (qui oppose le vainqueur de la Copa Libertadores et de la Sudamericana) ou face à Boca l’ont fait entrer dans le cœur des supporters riverplatenses, qui entonnent le chant « Uruguayo, uruguayo » , reservé à la légende du club, Enzo Francescoli. Aujourd’hui, Sánchez est convoité de toutes parts. Le club brésilien de Corinthians fait le forcing pour le faire signer, tandis que lui négocie actuellement pour une prolongation sous le maillot rouge et blanc. Ce samedi soir, le joueur aux six sélections sera titulaire dans un match important pour la Celeste face au Paraguay. Sur la pelouse de La Serena, il tentera d’emmener son pays en quarts de finale. Avec la même détermination que lors des dangereux picados.
Par Ruben Curiel