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Carlos Martens Bilongo : « Je préfère gagner en Ligue 2 que perdre en Ligue 1 »

Propos recueillis par Mathias Edwards
7 minutes

La veille de l'interview, le député NUPES Carlos Martens Bilongo est resté dormir à l'Assemblée nationale, de peur d'être coincé dans le trafic pendant Guingamp-Bordeaux. Entretien avec un homme déterminé, qui a décidé que ses week-ends seraient rythmés par les Girondins.

Carlos Martens Bilongo : « Je préfère gagner en Ligue 2 que perdre en Ligue 1 »

Début mars, vous avez publié sur les réseaux une photo de vous dans le parcage bordelais à Amiens. Vous allez voir jouer les Girondins le plus souvent possible ?

À chaque fois que j’en ai l’occasion, oui. Et le plus souvent en tribune populaire, même s’il m’arrive qu’on m’invite en loges. Ce qui me plaît en tribune « normale », c’est l’ambiance, être avec les supporters. On ne s’arrête pas. À Amiens, il faisait super froid, mais on était réchauffés par le score et l’ambiance mise par les Ultramarines. En tribune, je suis du genre à chanter pendant tout le match.

Depuis quand supportez-vous Bordeaux ?

Depuis 1998, lorsque j’avais 7-8 ans. Je me suis mis à regarder le foot après la Coupe du monde, et la D1, c’était Bordeaux. En plus, mon père et mon frère étant pour Marseille, il fallait que je me trouve un club adverse. C’était les Girondins de Ramé, Laslandes, Micoud, Wiltord… Le troisième but de Feindouno contre Paris, incroyable.

Que pensez-vous de la situation actuelle des Girondins ?

En ce moment, ils sont en plein redressement, mais il s’agit avant tout d’une situation financière. Au moment de la relégation, j’ai avant tout pensé aux emplois. Parce qu’un club, ce sont des salariés, des vies de famille. Bordeaux est un club familial. GACP et le mec de Floride, là, Joe DaGrosa, c’était super compliqué. Les ultras avaient mis en garde…

Cela vous fait quoi de voir Bordeaux en Ligue 2 ?

Ce que j’ai aimé, c’est le coup qu’a réussi à faire Gérard Lopez en épongeant une partie de la dette. La Ligue 2 nous fait du bien. Il fallait reprendre de la confiance, on avait trop de mal à gagner en Ligue 1. En tant que supporter, je préfère gagner en Ligue 2 que perdre en Ligue 1.

Souvenez-vous de Kwateng et ses deux pieds gauches… quand il courait on aurait dit moi, un joueur de district !

Vous prenez du plaisir à regarder des matchs de Ligue 2 ?

Zuriko Davitashvili et Alexi Pitu sont de bons petits joueurs, j’aime bien. Ce qui était dangereux, c’était d’être en L1 avec Costil, Niang qui n’avance pas… Je préfère être en Ligue 2 et jouer comme on joue, plutôt que de rester en Ligue 1 avec Bakwa sur le banc sous prétexte qu’il est trop fébrile pour la L1 et les anciens sur le terrain qui se prennent des tollés tous les week-ends. Avec quatre descentes cette saison, je pense qu’on serait de toute manière passés à la trappe. Souvenez-vous de Kwateng et ses deux pieds gauches… quand il courait on aurait dit moi, un joueur de district !

Si Bordeaux obtient la montée dès cette saison, quels sont selon vous les joueurs de l’effectif capables d’évoluer en Ligue 1 ?

Je ne pense pas qu’il faudra changer tout l’effectif, l’équipe est déjà pas mal. En revanche, Lacoux c’est chaud, il faut qu’il reste en Ligue 2. Il a l’air sympa, mais c’est pas Caqueret. En Ligue 1, je garde Bakwa, Pitu, Maja, Badji en joker, Bokele qui doit progresser sur les centres, Mwanga qui est meilleur au milieu qu’en défense et Barbet. Gregersen, j’hésite, parce que l’année dernière, en L1, il était dépassé. Nsimba, pareil. Là, il se balade en L2, il fait ses petits dribbles, c’est mignon. Mais en L1, à Clermont, il était limité. Le gardien, je n’avais pas aimé qu’il joue au Loto. (En décembre 2022, Gaëtan Poussin a écopé de 4 matchs de suspension, dont 1 ferme, pour avoir parié sur des matchs, NDLR.)

Les ultras bordelais doivent prendre position sur les retraites comme ils ont pris position sur la vente du club.

Les supporters bordelais ont joué un vrai rôle depuis la vente du club par M6. D’abord en protestant contre la venue de GACP, puis en entrant en conflit avec Longuépée et aujourd’hui en soutenant Gérard Lopez. Pour l’homme de gauche que vous êtes, c’est important que le peuple ait son mot à dire sur la gestion d’un club de foot ?

Beaucoup de gens se sont émus que Florian Brunet (porte-parole des Ultramarines, NDLR) ait son mot à dire, qu’il ait échangé avec les différents candidats à la reprise du club avant la vente, mais moi, je trouve ça important. Cela donne de la force au coach et aux joueurs d’avoir les supporters autour. On a pu écouter les différents repreneurs. Ils n’ont pas simplement eu à exposer un plan de financement, mais également à contenter les supporters sur certaines questions. C’est en cela que l’implication des ultras a été importante.

Il y a eu également de nombreuses manifestations pacifiques en ville, pour protester contre la politique du club, puis pour aider le club à ne pas être relégué au niveau amateur…

Des gens ont pu se dire que Bordeaux allait quitter le monde pro dans le calme, que c’était une ville de rugby, et puis c’est tout. Mais non !

Vous aimeriez que des groupes ultras animent les manifestations sociales qui rythment actuellement le pays, comme ce fut le cas dans de nombreux pays lors des différents printemps arabes ?

Les ultras bordelais doivent prendre position sur les retraites comme ils ont pris position sur la vente du club.

Le fait que les supporters bordelais soient plutôt humanistes a joué dans votre décision de supporter le club ?

Non, je n’étais pas au courant à l’époque. Mais il est certain que si les ultras bordelais avaient été des suprémacistes blancs, je n’aurais pas été dans leur parcage. Quand je suis en tribune, pas mal de gens viennent me voir, c’est sympa, je me sens en famille.

Vous jouez au football depuis tout petit. Vous avez encore une licence aujourd’hui ?

Oui, à Villiers-le-Bel, même si je n’ai pas le temps de jouer. Mon équipe est première au classement, j’ai prévu de disputer le dernier match si la montée est validée. Je joue défenseur central ou latéral gauche alors que je suis droitier, je tire les penaltys, et il m’arrive de marquer sur corner parce que je suis assez imposant.

Vous êtes dur sur le terrain ?

Très dur. Personne ne me reconnaît et heureusement, parce que je suis un fou furieux. Je n’aime pas du tout perdre.

Tout jeune, le football vous a également confronté au racisme. Comment cela s’est-il passé ?

Enfants, mes frères et moi partions l’été en famille d’accueil en Belgique. Et parfois, cette famille belge nous emmenait en Suisse, où elle partait en vacances. Un jour, lors d’une fête de village, il y avait des jeunes qui jouaient au foot. Donc on s’est mis à côté, comme cela se fait, pour que le ballon nous arrive et qu’on leur propose de jouer avec eux. Et ces jeunes nous ont jeté de la mie de pain. Je n’ai pas compris, j’ai demandé à mon frère ce qu’il se passait. Il m’a dit de me calmer, que ce n’était rien, qu’il fallait accepter les cris de singe.

À l’époque, vous aviez 7 ans. Si cela vous arrivait aujourd’hui, comment réagiriez-vous ?

En 2018, dans un cadre professionnel, un collaborateur a tenu des propos racistes lors d’une réunion de groupe. Le lendemain, je déposais ma démission. Sur un terrain, j’imagine que je porterais réclamation auprès de l’arbitre. Mais dans le Val-d’Oise, on n’est pas trop confrontés à ce genre de propos, dans un sens comme dans l’autre.

Mike (Maignan) est super humble. Venir faire des séances de fitness chez moi, dans un contexte très « associatif », cela prouve qu’il est très humain.

Généralement, les gens qui se rendent coupables de ce genre de propos en tribune se défendent en disant qu’il s’agit plus de déstabilisation de l’adversaire que de racisme. Vous croyez à cette théorie ?

Restons sérieux, ils ne stigmatisent qu’une partie de la population. Il y a d’autres manières de déstabiliser les gens.

Il y a quelques années, vous avez entamé une carrière de coach sportif, qui vous a vu entre autres entraîner Aya Nakamura et Mike Maignan. Comment s’est faite la connexion entre vous et l’ancien gardien du PSG ?

Il a grandi et joué à Villiers-le-Bel, ma ville. Donc on se connaissait déjà, même si on n’est pas de la même génération. J’allais beaucoup voir ses matchs à Lille et j’étais déjà persuadé que c’était un grand joueur. À l’époque, j’écrivais sur Facebook « Maignan meilleur que Trapp, meilleur que Sirigu » pour titiller mes amis supporters du PSG, alors que Lille était relégable avec Bielsa. Je savais que Mike était l’avenir de l’équipe de France et que le PSG avait fait une erreur en le vendant.

En le coachant, vous avez décelé des qualités mentales chez lui ?

Il est super humble. Venir faire des séances de fitness chez moi, dans un contexte très « associatif », cela prouve qu’il est très humain, ce qui est primordial chez un sportif. S’il était dans la même séance qu’une mère de trois enfants, il faisait les mêmes exercices qu’elle, en l’aidant sur certaines séquences.

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Propos recueillis par Mathias Edwards

Photo : compte Instagram de Carles Bilongo

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