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Carlos Kameni : « Ma médaille d'or, je la regarde trois ou quatre fois par an »

Propos recueillis par Alexis Billebault

Le 30 septembre 2000 à Sydney, le Cameroun devient la seconde sélection africaine à remporter le tournoi olympique de football masculin, quatre ans après le Nigeria à Atlanta.  Carlos Kameni, alors âgé de 16 ans et sous contrat au Havre, était le gardien de cette équipe qui avait sorti le Brésil, le Chili et battu l’Espagne en finale. Vingt-quatre ans après, l’ancien joueur de l’Espanyol Barcelone et de Malaga n’a rien oublié.

Carlos Kameni : « Ma médaille d'or, je la regarde trois ou quatre fois par an »

En 2000, le Cameroun avait remporté la Coupe d’Afrique des nations, organisée au Nigeria et au Ghana. Y-avait-il une attente particulière autour de la sélection olympique à l’occasion des Jeux de Sydney ?

Le football est le sport numéro 1 au Cameroun, et tout ce qui concerne les Lions Indomptables intéresse les gens. Mais l’intérêt était nettement moindre que pour une CAN ou une Coupe du monde. Bien sûr, dans cette sélection olympique, il y avait des joueurs qui avaient remporté la CAN sept mois plus tôt : Patrick Mboma, Geremi Njitap, Samuel Eto’o, Lauren Etamé Mayer, Pierre Womé et Daniel Bekono, qui était le gardien titulaire. L’Australie, c’est loin du Cameroun, il y a un décalage horaire important, je ne sais plus si nos matchs étaient retransmis et de mémoire, il n’y avait pas beaucoup de journalistes pour nous suivre.

Et au sein de l’équipe, quel était l’objectif ?

C’était une sélection composée de joueurs déjà confirmés, comme Mboma (29 ans, Parme), Geremi, qui jouait au Real Madrid, Etamé Mayer à Arsenal, Eto’o (19 ans en 2000) était au Real Majorque, de locaux, de jeunes comme Modeste Mbami (17 ans) et moi. Nous étions heureux de participer aux Jeux olympiques, mais nous n’avions pas d’ambition particulière. On voulait faire le meilleur parcours possible, mais sans se mettre de pression, car nous savions qu’il y avait des équipes bien plus fortes que la nôtre, notamment le Brésil. Nous nous étions préparés à Montpellier, à Manchester et en Autriche. Bref, l’ambiance était sérieuse, mais aussi décontractée.

Lors du premier tour, le Cameroun joue ses matchs à Brisbane et Canberra, loin de Sydney. Aviez-vous l’impression de participer aux Jeux olympiques ?

Pas vraiment. D’abord, nous n’avions pas défilé lors de la cérémonie d’ouverture, puisque le tournoi de football débute avant celle-ci, et que nous ne pouvions pas effectuer un aller-retour pour y participer. Sydney, c’était loin, et presque tout se passait là-bas. Mais il y avait quand même toujours un peu plus de 20 000 spectateurs pour nos matchs du premier tour, les gens s’intéressaient au tournoi de football. On savait que si on voulait voir Sydney, il fallait passer le premier tour.

 

Contre le Brésil, notre coach ne nous avait pas dit avant le match que la règle du but en or s’appliquait. Je ne sais même pas s’il était au courant.

Ce que le Cameroun réussit à faire, dans un groupe complété par les Etats-Unis, la Tchéquie et le Koweït. Un premier tour que vous suivez depuis le banc de touche…

Oui. Jean-Paul Akono, le sélectionneur de l’équipe olympique, avait fait de Daniel Bekono son titulaire, ce qui était assez logique, puisque Daniel était plus âgé que moi (22 ans). Moi, j’en avais 16, j’étais là pour apprendre, pour progresser. Ce premier tour, on le passe après avoir battu le Koweït (3-2) et réalisé deux matchs nuls contre les Etats-Unis (1-1) et la Tchéquie (1-1). On a parfois un peu de réussite, notamment face aux Tchèques. Mais le travail est fait. Le problème, c’est qu’en quarts de finale, on doit affronter le Brésil, qui est considéré comme le favori du tournoi…

Aviez-vous l’intuition que votre présence en Australie allait s’arrêter là et que vous ne verriez jamais le village olympique ?

Non. Car les Camerounais sont de vrais compétiteurs. Nous avions franchi le premier tour, c’était bien, mais on ne voulait pas s’arrêter là. Je sais que les Brésiliens étaient perçus comme les grands favoris de ce match, que beaucoup d’observateurs disaient que c’était fini pour nous. Mais les Sud-américains n’étaient pas imbattables, puisqu’ils s’étaient inclinés au premier tour contre l’Afrique du Sud (1-3).

C’est aussi à l’occasion de ce quart de finale que le sélectionneur décide de vous titulariser. Vous avez 16 ans. Est-ce que le choix d’Akono a fait débat au sein du groupe ?

Non. Je n’avais pas ressenti le moindre signe de défiance chez mes coéquipiers sous prétexte que j’avais 16 ans et quasiment aucune expérience. Akono avait estimé que mes qualités, notamment mon jeu au pied, mes réflexes et mon attitude sur les coups de pied arrêtés, pourraient être utiles contre le Brésil. Ce match, je m’en souviendrai toujours : Mboma ouvre le score assez vite (17e), Geremi et Nguimbat sont expulsés, et dans le temps additionnel, Ronaldinho égalise. Cela signifie que l’on va jouer les prolongations à neuf contre onze face au Brésil ! Je me souviens aussi que l’arbitre refuse un but à la Seleçao

Et il y a ce but en or de Modeste Mbami, et un petit laps de temps pour comprendre que le match est terminé…

Nous sommes dans l’action, dans l’émotion et Modeste marque un but superbe, d’une magnifique frappe du droit (113e). Mais notre coach ne nous avait pas dit avant le match que la règle du but en or s’appliquait. Je ne sais même pas s’il était au courant. On fête bien sûr le but, mais ce n’est que quelques secondes plus tard que nous comprenons que la qualification est acquise.

 

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Quand on élimine le Brésil (2-1), on ne peut plus cacher ses ambitions ?

C’est évident. Une fois qu’on arrive en demi-finales, l’objectif est d’aller au bout. Je le répète, les Camerounais sont des compétiteurs. Plus on avançait dans le tournoi, plus on voulait décrocher une médaille, si possible en or. Mais nous avions cette force de ne pas nous mettre trop de pression. Au pays, la victoire face au Brésil avait eu un certain retentissement. Ce match face au Chili, nous n’avons eu que trois jours pour le préparer. Et le Chili s’était déplacé avec Ivan Zamorano, qui jouait à l’Inter Milan. Les Chiliens ouvrent le score à quinze minutes de la fin, mais nous parvenons à gagner grâce à Mboma et à un penalty d’Etamé à la 89e. On tenait notre finale contre l’Espagne !

 

On allait parfois au McDo du village olympique, et on avait mangé des frites et des hamburgers, j’avoue.

Et aussi votre arrivée au village olympique. Est-ce l’idéal pour préparer une finale ?

Nous n’avons rien changé à notre façon de faire. Mêmes horaires d’entraînement, mêmes séances. On allait parfois au Mc Do du village olympique, et on avait mangé des frites et des hamburgers, j’avoue (Rires.)  Le tout en profitant raisonnablement de l’ambiance au village. On croisait des stars de l’athlétisme, du basket, il nous arrivait d’échanger un peu avec, et même de danser. Mais on était concentré sur notre finale, qu’on voulait gagner. Et pour certaines personnes, le favori, c’était le Cameroun, après ses succès contre le Brésil et le Chili.

Le scénario de cette finale, jouée devant 115 000 spectateurs, est encore une fois déroutant…

Oui. L’Espagne mène 2-0 à la mi-temps et on souffre physiquement. Mais les Espagnols semblent un peu trop sûrs d’eux, et on en profite pour marquer deux buts (Amaya contre son camp, 53e, et Eto’o, 58e). Le score ne bouge plus et ça se joue aux tirs au but. Nous marquons les nôtres et les Espagnols en ratent un, leur joueur (Amaya) trouve la barre. Evidemment, c’est une explosion de joie. On gagne le tournoi sans forcément avoir la meilleure équipe, mais il y avait une énorme solidarité entre nous. Nous n’avions peur de rien, et on a eu aussi la chance avec nous parfois.

Avez-vous pu fêter vraiment ce titre ?

Pas tous, car certains d’entre nous, dont moi, avions été retenus par le sélectionneur des A, Pierre Lechantre, pour affronter la France championne d’Europe à Saint-Denis en amical, le 4 octobre (1-1). Les joueurs qui étaient restés en Australie sont venus assister au match au Stade de France, et nous sommes ensuite partis tous ensemble au Cameroun, à l’invitation de Paul Biya, et où nous avons été célébrés par nos supporters, un accueil comparable à celui d’une victoire en finale d’une CAN. La portée de cette médaille d’or, je l’ai cependant vraiment comprise quelques années plus tard, en vieillissant. Sur le coup, j’étais heureux, fier, mais à 16 ans, on ne réagit pas comme un mec de 25 ou 30 ans. Ma médaille, je la regarde trois ou quatre fois par an. Et je me dis qu’on avait réussi quand même un truc incroyable !

Ce titre olympique a-t-il changé votre quotidien au Havre ?

Non. Je m’entraînais avec l’équipe réserve et je jouais avec les moins de 17 ans. Je ne revendiquais rien sous prétexte que j’étais champion olympique. Je n’étais encore qu’un gamin de 16 ans, avec beaucoup de choses à apprendre. J’ai continué à travailler. Et dans mon club ou lors de nos matchs, on ne me regardait pas différemment qu’avant les JO. Je ne pense pas que le titre des Lions ait eu un immense écho en France, et beaucoup de mes adversaires ignoraient sans doute que j’étais champion olympique. Au Havre, je n’ai joué qu’une fois avec les pros, en Coupe de la Ligue. Je suis ensuite parti à Saint-Etienne, sans jouer avec les pros, et ce n’est que lors de mon départ à l’Espanyol en 2004 que ma carrière a vraiment débuté.

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