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Carlos Baleba, la nouvelle bombe du LOSC
Promesse lancée au compte-gouttes par Paulo Fonseca lors de la première partie de saison, Carlos Baleba, 19 ans, a démarré 2023 dans la peau d'un titulaire dans la salle des machines du LOSC. Il devrait, lors des prochaines semaines, confirmer qu'il est un plan B de plus en plus crédible. Tout simplement car plus qu'un talent pour l'avenir, le Camerounais est déjà un visage du présent.
Carlos Baleba joue avec des pieds sûrs, les mains dans les poches. La plupart des présents ne sont pas surpris, ils voient le petit s’agiter depuis plusieurs jours sous le soleil brûlant de Marbella. Il ne s’agit pourtant pas là d’une énième séance d’entraînement plantée au milieu d’une phase de préparation, mais d’un premier vrai bond au milieu des grands, en amical, face à Cadix. Peu importe, installé aux côtés des poumons inépuisables de Benjamin André, Baleba se balade. Il ouvre des brèches, en referme d’autres, se gave de ballons, tord les lignes adverses et prend ses marques aussi vite qu’il cavale. Le 4-2-3-1 lillois de Paulo Fonseca, qui guette l’attitude de sa nouvelle bande comme d’autres surveillent à la seconde la cuisson d’une sauce Albert, vit ses premières heures et ses premières déformations avec ballon en basculant dans un 3-2-4-1 où le double pivot a une double mission clé : d’un côté, assurer l’équilibre du navire ; de l’autre, attirer les milieux adverses pour ouvrir des espaces à exploiter dans leur dos. À l’inverse d’autres techniciens qui s’adaptent aux faiblesses de chaque proie croisée, Fonseca, lui, souhaite que son LOSC joue et rejoue un plan fixe, construit grâce à une prise de risques assumée à la construction pour attirer l’adversaire et le percer à l’instant idoine dans les grands espaces, afin de le maîtriser jusque dans les moindres millimètres.
Une telle approche demande des pions à la pointe techniquement, aventureux, explosifs et capables d’empiler les efforts, soit tout ce que Carlos Baleba, 19 ans et une VMA à 24 (!), a montré dès ses premières minutes avec les pros en juillet dernier et ce qu’il ne cesse de déballer depuis, lui qui vient d’attaquer 2023 en croquant dans ses trois premières titularisations (une en Coupe de France, deux en Ligue 1) dans la salle des machines du LOSC. « Je pourrais vous dire que je ne peux pas croire qu’il a 18 ans, souriait il y a peu Jonathan David, dans les colonnes de La Voix du Nord. On sait que le milieu est un domaine important, notamment pour nous permettre de maîtriser le match. Carlos est jeune, mais il amène quelque chose de différent, qui est très bon pour nous. Il est puissant, costaud, il conduit très bien le ballon, peut trouver une passe… » Oui, si Baleba attire l’œil, c’est parce qu’il sait déjà plus ou moins tout faire et coche un bon paquet de qualités majeures.
Instruments mortels
Mais quelle est cette bombe ? D’où vient-elle ? Quels sont ses réseaux ? Elle vient de loin – de Douala, au Cameroun, où Carlos Baleba a longtemps été licencié sous les couleurs de l’école de foot des Brasseries – et il a fallu en prendre grandement soin, ce que le président nordiste, Olivier Létang, est venu répéter il y a quelques jours : « Avant même que Carlos arrive, on avait un plan pour lui, dont on avait parlé à ses parents. On avait une vraie responsabilité. Déraciner un petit Camerounais qui arrive dans le Nord de la France, ce n’est pas évident pour lui. On a souhaité l’intégrer culturellement, il devait être bien dans sa vie d’homme avant d’intégrer l’équipe première. Il y a toujours un décalage entre le potentiel et ce que l’on peut faire. On a beaucoup travaillé pour l’intégrer. Il a un potentiel très important, il apprend beaucoup de garçons comme Benjamin (André), mais le plus dur, maintenant, c’est de performer dans le temps. » La certitude, pour le moment, est que Baleba, arrivé en France il y a un an, a performé tout de suite et que son cas a rapidement été accompagné d’une question plutôt que d’interrogations en série, conséquence logique de premiers mois où le maillot de la réserve des Dogues a vite été trop serré pour lui : quand débarquerait-il chez les pros ?
Prudent, Paulo Fonseca a pris son temps, l’a d’abord emmené en stage de préparation, lui a donné des premières minutes contre Auxerre lors de la première journée et l’a rebasculé le temps de trois petites rencontres pour garder le rythme avec la réserve, entraînée par Stéphane Pichot, avant de le récupérer début octobre. Les entrées se sont alors enchaînées et le 8 janvier, Carlos Baleba a fini par se faufiler dans le premier onze de départ pro de sa vie, contre Troyes, en Coupe de France (2-0). Lors de ce match, il a brillé pour enclencher les sorties de balle de son clan grâce à des instruments mortels (une première touche active, un corps constamment positionné de trois quarts, une volonté permanente de jouer avec la pression adverse pour offrir de la liberté à ses potes, une prise d’information qui lui permet de toujours avoir un temps d’avance et de masquer son intention jusqu’au dernier moment), a souvent été difficile à débrancher (6 fautes subies, 5 dribbles réussis sur 7 tentés, 4 tirs) et a avancé avec le souci constant de prolonger l’échange plutôt que de bavarder platement. « Carlos, c’est le futur du club, il n’y a pas de doute », a alors souri récemment Fonseca au sujet d’un milieu devenu un plan B plus que sérieux à André Gomes, là où Rémy Cabella l’a relayé ainsi : « Ce qu’il fait à son âge, c’est énorme. Je pense qu’il est encore un peu fougueux dans son jeu, qu’il peut parfois le simplifier, mais à l’avenir, s’il comprend un peu plus le jeu, il va être incroyable. »
Première séquence symbole de la volonté de Baleba d’aspirer l’adversaire pour libérer un coéquipier : ici, face à l’ESTAC, il va être trouvé par Ismaily…
… va attirer quatre Troyens sur sa route…
… puis pouvoir toucher Angel Gomes dans le rond central.
Vingt minutes plus tard, lors de la même rencontre, Baleba est trouvé cette fois dans le rond central par Cabella…
… grâce à l’orientation initiale de son corps, il peut attaquer l’espace en contrôlant via son pied droit…
… et va de nouveau attirer les menottes adverses pour libérer un Cabella lancé.
Dernier exemple face à Brest où, trouvé face au jeu…
… il va d’abord crocheter son vis-à-vis…
… plonger dans la densité et réussir à trouver du bout du pied gauche Jonathan David…
… qui va le retrouver de nouveau face au jeu. Derrière, Baleba va rater son ouverture dans la petite profondeur pour David.
« Il revendique peu et donne beaucoup »
Vif, costaud, malin, porté par une grosse force de percussion, Carlos Baleba, sur qui les regards commencent de plus en plus à se poser, est aujourd’hui l’un des visages poupons d’un LOSC à la structure tenue par un gros paquet d’éléments créatifs qui savent se mettre collectivement chiffon pour assurer l’équilibre. Le LOSC avait su anticiper la trouvaille d’un profil rare pour compenser le départ d’Amadou Onana à Everton et a présenté il y a quelques jours contre Troyes (5-1) le onze de départ le plus jeune aligné cette saison par une équipe des cinq grands championnats européens (23,1 ans de moyenne, seuls André et Ounas dépassant les 25 ans). « Je ne suis pas surpris par ce que fait Carlos aujourd’hui, sourit Stéphane Pichot, qui a travaillé au quotidien avec Baleba lors de ses premiers mois en France. La cellule de recrutement du club ne s’est pas trompée avec lui. Il a des qualités de puissance et de percussion rares, des arguments physiques et techniques qui lui permettent de rivaliser et de faire la différence en Ligue 1 malgré son âge. C’est un joueur qui ne se cache pas, qui aspire le travail, qui revendique peu et donne beaucoup. L’homme donne aussi beaucoup : Carlos est quelqu’un de joyeux, de très affectif, plein d’énergie, qui a mis, comme le LOSC, tout en œuvre pour que son intégration se passe bien. On l’a accompagné, on a travaillé sur des points précis. Il a fait le reste et il va continuer à évoluer. » Expulsé face à Angers avant la Coupe du monde, le Camerounais, qui n’est aussi pas en reste sur le jeu long, ce qui a poussé Paulo Fonseca à récemment le faire jouer à droite d’André plutôt qu’à gauche afin de plus facilement tourner le jeu, a profité de la trêve pour affiner son acclimatation au groupe pro lillois et débarquer sur 2023 à toute allure. Les mains dans les poches et les pieds toujours sûrs.
Par Maxime Brigand
Propos de Stéphane Pichot recueillis par MB.