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Carlo Ancelotti est-il dépassé par la Ligue 1?
Trois défaites en cinq matchs, une crise qui veut absolument s'installer, un entraîneur en colère contre toute son équipe et un retard de cinq points sur le leader lyonnais. Et si Carlo Ancelotti n'était pas fait pour le championnat de France...
Oui, parce qu’on ne comprend toujours pas où il veut en venir
Dix mois après son arrivée en Ligue 1, on ne sait toujours pas comment joue l’équipe de Carlo Ancelotti. Tactiquement, c’est quoi sa marque de fabrique ? Cette saloperie de sapin de Noël ? Un 4-3-3 ? Peut-être un 4-3-1-2 ? On ne comprend rien tant l’Italien tâtonne et change de système. Carlo donne l’impression de ne pas savoir où il va. Rien que sur la gestion du capitanat, le bordel est permanent. Jallet, Sakho, Camara, puis Thiago Silva maintenant. Carlo change d’avis et d’idées bien trop souvent. Il n’y a aucune continuité dans le jeu ni dans les compositions d’équipe. Autant l’équipe semble gérer intelligemment son parcours européen, autant en Ligue 1 elle peine à se sortir les doigts quand il s’agit des matchs d’hommes. Contre Nice, les Parisiens se sont fait marcher dessus. C’était à la limite du viol. Dans les prochaines semaines, il faudra aller fanfaronner du côté de Valenciennes et de Brest. Actuellement, cette équipe n’est pas capable de se faire violence et d’aller réaliser quelque chose à l’extérieur. Pourquoi ? Parce que chacun pense à sa gueule. Personne ne presse, il n’y pas de verticalité et les inégalités commencent à déstabiliser le vestiaire. Pour Ancelotti, il est plus facile de pousser une soufflante à Verratti ou Chantôme qu’à Zlatan qui passe ses matchs à faire la gueule entre deux balles perdues. Forcément, ce genre de décalages passe inaperçu quand tout baigne, mais à la moindre couille dans le potage, cela en devient pesant. Sans parler de son coaching.
Oui, parce que son coaching reste un mystère
On le sait, l’Italien n’est pas un adepte du coaching forcé. Quand les éléments sont contre lui – souvent le cas dans un match de football – il peine à renverser la rencontre par ses changements. Il ne sait pas faire. On l’a encore vu contre Nice où les entrées de Pastore et Van der Wiel ont considérablement affaibli l’ensemble déjà branlant. Et cette idée de reconduire 95% de l’équipe qui avait passé deux heures sur le pré sans marquer à Sainté contre Nice… Pis, on a du mal à comprendre sa gestion de l’effectif. Au milieu, là où le manque d’un patron est le plus flagrant, Ancelotti a décidé de sur-utiliser Matuidi et Verratti – au risque de les cramer nerveusement et physiquement – au détriment de joueurs plus expérimentés comme Momo Sissoko ou Mathieu Bodmer. L’an dernier, Sissoko avait réalisé une grosse seconde partie de saison dans un rôle de briseur de lignes. Le brassard avait même terminé sur ses épaules. Quant à Bodmer, avec l’or qu’il a dans les godasses, il pourrait faire le liant qui manque entre la défense et l’attaque. Or, ces deux-là ne jouent quasiment jamais (À Nice, Sissoko est resté en doudoune et Bodmer était en tribune). Psychologiquement, ça devient dur pour eux. La concurrence n’existe pas. Comment garder des mecs sous pression quand ils voient un Rabiot, 17 piges et une éponge sur le crâne, glaner plus de temps de jeu qu’eux ou un Maxwell, pourtant latéral, enquiller deux matchs de suite dans l’entrejeu ? Quant à l’utilisation avec parcimonie de Nene, on frôle le mystère alors que l’écarteur de narines humain tient le club à bout de bras depuis deux piges…
Oui, parce qu’il n’a pas su fédérer son groupe
Ancelotti n’arrive pas à élever le niveau de ses joueurs sur la durée. Sur un match, notamment en C1, le groupe arrive à se souder et à se dépasser. Mais en Ligue 1, on redescend vite sur terre, car l’équipe n’a pas de patron. Ibrahimović n’en est pas un. Il intimide trop ses coéquipiers pour ça. Là où les paroles du Suédois devraient motiver ses coéquipiers, elles ne font que les inhiber. Thiago Silva et Alex sont dans leur monde et Motta fait fructifier son assurance maladie. Dès lors, personne n’a pris en main les rênes de l’équipe. Elle est livrée à elle-même et le cahier de jeu est aussi simple que foireux : filer la gonfle à Ibra et attendre un miracle. Dans leur auto-gestion du groupe, les joueurs n’ont rien créé. Ils sont passifs. Pour le moment, il ne se dégage rien de l’ensemble. Collectivement, cette équipe n’existe pas. Et oui, c’est le boulot d’Ancelotti de fédérer un groupe autour d’un projet. Et force est de constater que pour le moment, l’Italien a échoué en dépit des menaces verbales en conférence de presse. À croire que cette équipe n’est animée d’aucun esprit de révolte.
Non, parce que le vrai patron reste Leonardo
C’est peut-être un argument facile, mais le Mister doit composer avec un groupe qui n’est pas encore tout à fait le sien. Ses retouches des deux derniers mercato (janvier 2012 et l’été dernier) n’ont pas complètement équilibré le groupe. Il y a toujours un manque flagrant au milieu de terrain (le nom de De Rossi a été avancé, mais son profil empêcherait la progression d’un Verratti). Surtout, Ancelotti doit composer avec la gestion de l’effectif organisé en haut de l’organigramme (comprendre entre Leonardo, Nasser Al-Khelaïfi et Doha). Le cas Javier Pastore en est l’exemple le plus parfait. Recruté pour 42 millions d’euros l’été dernier pour mettre Antoine Kombouaré dans de bonnes dispositions, l’Argentin peine depuis près d’un an à faire taire les nombreuses critiques sur son jeu. Comme le Kanak, Ancelotti n’arrive pas à polir le diamant. On a même la vague impression que Pastore a confisqué le totem de l’immunité au gré des matchs ratés (à nuancer puisque Ancelotti l’a sorti deux fois à la pause, contre Marseille et Troyes). Difficile de confiner longtemps sur le banc un investissement de la sorte. Le raisonnement vaut pour d’autres joueurs, des internationaux, dont on se demande encore ce qu’ils sont venus faire dans ce bourbier (Lugano, Van der Wiel). À force de recruter des noms à la hâte, la cellule de recrutement parisienne en a oublié l’essentiel : l’adaptabilité à la Ligue 1. Un championnat où les étrangers sont rarement les bienvenus. Notamment les plus onéreux (Lucho en a été le parfait exemple). Au final, Ancelotti n’a pas la sensation de contrôler entièrement son effectif. En janvier, il devra gérer l’arrivée de Lucas Moura, 20 piges, et braqué pour plus de 40 millions d’euros. Un autre cadeau empoisonné. Enfin, si Carlo est encore là. Parce que oui, on en est arrivé là. Les rumeurs parlent déjà de Wenger, Guardiola ou Mourinho. La Ligue 1, ce championnat capable de briser en moins d’un an l’un des plus beaux palmarès d’Europe sur un banc de touche. Le Qatar avait tout prévu. Sauf ça…
Par Mathieu Faure