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Carlao : « En portugais, Will Smith a une voix plus grave »
Avec le doc ou l'intendant, Carlao est aujourd'hui le joueur le plus ancien de l'effectif, avec 5 saisons sochaliennes dans les jambes. Des jambes qui ont souffert depuis son arrivée. Le moral aussi parfois.
Pour commencer, pourquoi ton surnom c’est Carlao ?Je m’appelle Carlos et quand tu es grand, au Brésil, le suffixe utilisé c’est « lao » . Donc je suis devenu Carlao. Si j’avais été tout petit, on m’aurait sans doute appelé Carlinho.
Tu connaissais quoi de Sochaux avant d’y signer ?Presque rien du club. J’avais un ami, Betao, qui était venu ici à l’essai un peu avant moi. Il n’y était resté que trois jours. Le coach (ndla : Frédéric Hantz à l’époque) le trouvait trop petit. Donc, voilà, avant de signer, je ne connaissais de Sochaux que ce que m’avait dit Betao. Et le foot français, au Brésil à la télé, c’est difficile, hein !
C’était un peu le grand écart entre le Brésil et Sochaux, non ?Moi avant, j’habitais à São Paulo, une ville de 17 millions d’habitants, une ville qui vit 24 heures sur 24. J’arrive ici, à 19 heures, tout est fermé. Ce n’est pas du tout pareil. Comme au Brésil, j’habitais avec toute ma famille, mon père, ma mère, mes trois sœurs, j’arrivais chez moi à Sochaux et personne, j’étais tout seul. Trois mois après, ma mère est arrivée et ça allait mieux. Après, tu arrives à t’adapter, à la vie, au foot. Le français, j’ai trouvé ça difficile à apprendre. J’ai fait deux mois de cours de français, à raison de deux cours par semaine. Mais j’ai arrêté maintenant.
Tu dis t’être adapté, mais l’année dernière, tu voulais rentrer au Brésil…Au mois de septembre dernier, j’avais demandé à partir, mais c’était parce que mon père était tombé malade (ndla : un grave accident cardiaque). J’ai même sérieusement pensé à arrêter le foot, en plus j’étais personnellement souvent blessé. Moralement, j’en pouvais plus. Aujourd’hui, ça va beaucoup mieux. Et en ce moment, je me sens vraiment très bien ici, à Sochaux.
T’es rentré au Brésil pendant la Coupe des confédérations ?Oui. Je suis même allé voir un match. Avant la compétition, tout le monde au Brésil disait que la sélection allait terminer 3e du groupe, derrière l’Italie et le Mexique. Et puis dès le premier match, le discours avait changé. Le public et la Seleção se sont bien trouvés, et je sais que ça a impressionné beaucoup de personnes, cette ferveur. Après, l’Espagne, pour la Coupe du monde, ce sera différent. Ils sont arrivés fatigués pour cet été alors que l’année prochaine, ils auront 1 mois de préparation dans les jambes. Mais je pense que les Brésiliens iront loin au Mondial. J’y serai l’année prochaine, mais sans doute pas pour jouer. Faut être honnête, ce sera plus que difficile pour moi (ndla : sourires, dents bien blanches).
Et les manifestations parallèles à la compétition, t’en as pensé quoi ?Ces manifestations étaient légitimes. On a donné beaucoup trop d’argent pour faire cette Coupe du monde et cette Coupe des confédérations. Il n’y a apparemment plus d’argent pour construire des écoles, des hôpitaux, mais on peut en mettre plein pour un stade ou un événement. J’ai des amis qui ont fait les manifestations. Ce qu’on comprend pas, c’est que sur 200 millions de Brésiliens, t’en as 90 qui paient des impôts. Et pourtant on nous dit qu’il n’y a plus d’argent. Ça, on ne comprend pas.
Comme beaucoup de Brésiliens, t’es croyant ? T’as suivi la folie du pape au Brésil pour les JMJ ?Oui, je suis croyant. La plage de Copacabana remplie, c’était une image extraordinaire. J’avais jamais vu ça. Je pense que ce pape est en train de faire une petite révolution. Il semble plus proche des gens que les autres. Au Brésil, on perd des croyants parce que l’église évangélique fait beaucoup de publicité à la télé en disant : « Si tu n’as pas de travail, pas d’argent, viens avec nous. » Je respecte tout le monde, mais bon, je n’aime pas trop l’église évangélique.
En revanche, il paraît que t’aimes bien le Prince de Bel-Air…J’aimais bien Will Smith et Carlton, ouais. Je finissais mon entraînement aux Corinthians, et le midi, je regardais toujours la série, jusqu’à 13h15. J’adorais. Je l’ai déjà vue en français, je rigolais un peu mais ce n’était pas la même chose. En portugais, c’est mieux. Will Smith, il a une voix plus grave.
Parlons un peu cuisine et de ta spécialité : le bœuf stroganoff. Comment on fait ?Tu prends du bœuf, de l’oignon, du concentré de tomates, un peu de mayonnaise – je la fais pas moi-même, je l’achète – et voilà. La première année quand je suis arrivé ici, j’allais tout le temps manger au restaurant. Avant, comme je te disais, j’étais avec ma mère et mes trois sœurs, j’avais jamais fait la cuisine. Et puis, petit à petit, j’ai appris, en regardant des recettes sur internet ou sur des chaînes brésiliennes de cuisine. Le bœuf stroganoff, c’était le plus facile à faire et le plat que je préférais. Et puis du vin avec la viande, c’est très bon. Du vin français hein ! Les vins sud-américains, c’est trop sucré je trouve pour se marier avec les viandes. Après, je connais pas trop les vins français, j’ai pas de terroirs favoris. Je vais au supermarché, je regarde l’étiquette et le prix et puis voilà. Ici, il y a des kinés qui s’y connaissent, Cédric Kanté aussi. Je leur demande conseil.
On va finir par un peu de foot quand même. Elle s’est passée comment la préparation ? Déjà, tu es entier…Pour moi physiquement, c’était la plus dure des préparations, à cause de la chaleur déjà et puis avec le travail qu’on a abattu. Mais ça m’a fait du bien. J’espère que mon corps tiendra jusqu’à la fin de la saison. Parce que depuis que je suis ici, je n’ai jamais joué 7-8 matchs d’affilée. Je me blessais beaucoup trop souvent.
Tu sais pourquoi ?Oui. Pendant toute ma formation aux Corinthians, je faisais de la musculation, 2-3 fois par semaine. À Sochaux, j’avais arrêté. Je venais aux entraînements, je rentrais à la maison et voilà. Je ne me blessais jamais au Brésil. Et à la fin de la saison dernière, j’ai repris pour de vrai la musculation. Pour éviter toutes ces blessures musculaires. En tout cas, j’ai retrouvé le plaisir de jouer.
Au fait, pourquoi t’as aimé le foot et pas un autre sport ?Au Brésil, c’est le pays du foot. Tu sors de chez toi, il y a toujours des gosses qui jouent au foot. Donc, c’est difficile de faire autre chose que ça. Mon idole, mon modèle c’était Freddy Rincon. Il avait des grandes jambes, j’aimais bien son style. Et puis c’est devenu mon premier agent. Pendant six mois. C’est la vie qui a fait que nos vies se sont croisés. Il était venu voir un de mes matchs aux Corinthians. La première fois que je l’avais vu, j’avais 15-16 ans, j’avais les grands yeux pour lui. Je suis resté six mois avec lui. Il habite au Brésil maintenant.
Propos recueillis par Ronan Boscher, à Sochaux