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- Interview Kakkmaddafakka
« Cantona, c’est la version française de Zlatan »
Sous ses allures de chanteur pop gentillet, Axel Vindenes, leader des Kakkmaddafakka, est capable de parler aussi bien d’un club paumé de Scandinavie que du Norvège-Brésil de 1998, d’évoquer avec des trémolos dans la voix les performances de Zlatan que de cracher sur celles de Tore André Flo. C’est donc avec un passionné du ballon rond que l’on s’est entretenu, mais aussi avec un supporter désespéré par les prestations de son équipe nationale.
Il paraît que vous êtes des acharnés du foot au sein du groupe ?(Rires) C’est un peu ça, ouais. On est six, on a tous joué en club et il y a des fans de Leeds, d’Arsenal, de Manchester et même de Varegg IL, un club local évoluant en cinquième division. Kristoffer, notre batteur, est d’ailleurs un vrai boulimique du foot. Il joue constamment à Football Manager, c’est pour te dire. Pour ma part, j’ai commencé à jouer très tôt à Brann, le club local de Bergen, la ville où j’ai grandi. Pendant longtemps, ça a même été ma priorité, mais je n’étais pas assez bon. J’ai d’ailleurs commencé en tant qu’arrière-droit avant d’être repositionné en pointe, c’est pour te dire à quel point j’étais certainement l’un des plus faibles de mon équipe.
Tu te rappelles ton premier match ?C’est comme un premier amour, on ne peut pas l’oublier. J’avais 7 ans et j’ai marqué mon premier but. Tout était bien parti, mais la réalité a fini par reprendre le dessus. Étant né dans une famille très portée sur la pêche et la culture, j’ai toujours été une sorte d’ovni pour mes parents. D’ailleurs, lorsque j’étais enfant, ils voulaient même m’inscrire dans une école de musique histoire que j’apprenne la guitare, mais je refusais. Pour moi, c’était le football et rien d’autre. Ça a fini par changer.
Et ton premier match au stade, tu t’en souviens ?J’avais 8 ans, Brann jouait contre Liverpool, et Robbie Fowler a mis un but exceptionnel. Il faisait très froid lors de cette rencontre, mais de voir un tel but, ça a forcément réchauffé tout le monde. Il faut bien comprendre que les moments de joie dans le football sont très rares en Norvège. Du coup, on sait apprécier à leur juste valeur des moments marquants, même s’ils ne nous sont pas favorables. Et ce fut le cas avec ce geste incroyable de Fowler. Ça reste l’un de mes meilleurs souvenirs.
Tu as l’air assez négatif par rapport au football en Norvège…Le foot ici est affreux et il n’y a que très peu de moments pour se réjouir. Il y a bien le championnat remporté par Brann en 2007, mais ce n’était plus arrivé depuis 1963… Sinon, je pense que mes dernières grandes joies avec la Norvège remonte à 1998, lorsque la sélection a battu le Brésil lors du troisième match des poules à Marseille. C’était un super exploit pour nous. Je ne sais pas pourquoi, mais la célébration de Bebeto m’a toujours fait rire. Heureusement, ça n’a pas eu de conséquence, et la Norvège a réussi à se qualifier en fin de match grâce à un penalty de Rekdal. C’est peut-être triste de se réjouir de ça, mais ça ne vole jamais très haut en Norvège.
La Coupe du monde 98, c’est un peu loin aujourd’hui. Il n’y a rien qui te réjouit dans la sélection actuelle ?Non, et je n’attends rien de cette sélection. Pour ma part, j’ai abandonné tout espoir depuis plusieurs années. Tout ce que je vois en regardant les matchs de la Norvège, c’est de la merde proposée par des joueurs peu concernés. Non seulement on ne sera pas en France l’été prochain, mais on n’a aucun joueur séduisant. Seul Martin Ødegaard semble capable de donner un peu d’espoir, mais il a 16 ans. C’est un peu triste, non ? Depuis la nuit des temps, chaque nation a au moins un joueur emblématique. Nous, on n’a personne.
Tore-André Flo et Ole Gunnar Solskjear te manquent ?Même pas ! À vrai dire, ça n’a jamais été mon genre de joueurs. J’ai toujours préféré des mecs de la trempe de Vieira, Roy Keane, Cantona ou Henry à ces pleureuses. Aujourd’hui, par exemple, je prends mon pied à regarder Zlatan.
Comment expliques-tu la fascination des gens pour Zlatan ?Le fait que tu me poses cette question prouve bien à quel point il est exceptionnel : il est vieux, on sait presque tout de lui et pourtant il continue de fasciner et d’intriguer. On peut vraiment se réjouir d’avoir un tel joueur au sein de notre époque. Je ne dis pas qu’il est meilleur que Messi ou autre, mais il est clairement particulier. Il n’y a pas deux joueurs comme lui dans le football actuellement. Dans le groupe, Pål est d’ailleurs le fan absolu de Zlatan. Il peut citer toute sa vie.
Et toi, que retiens-tu de lui ?Son quadruplé contre l’Angleterre était complètement fou. Le plus impressionnant, c’est que ses buts sont dingues, ce sont des gestes de grande classe. Celui qu’il avait fait avec l’Ajax, où il dribble toute la défense, l’était également.
Dans ce cas, j’imagine que tu supportes le PSG ?Oui, on supporte tous les clubs où Zlatan joue. C’est un peu notre tradition. Surtout, on a l’impression qu’il se sent bien à Paris, que les gens le comprennent et le respectent pour ce qu’il est. Cela dit, on ne se contente pas du PSG. Ayant grandi en Norvège, un pays où tous les amateurs de foot sont accros à la Premier League, on n’a pas pu échapper à cette passion.
J’ai l’impression que tout le monde est fan de la Premier League, bien que celle-ci n’ait sans doute jamais été aussi faible que ces deux dernières années…C’est vrai que ce lien particulier avec la Premier League est difficile à expliquer. Actuellement, je pense que le championnat espagnol est bien meilleur, mais l’ambiance anglaise ajoute certainement un charme que l’on ne peut pas définir. Dans l’ensemble, c’est un championnat très offensif avec beaucoup de joueurs étrangers. Mon préféré, ça a toujours été Cantona. J’ai regardé beaucoup de vidéos de sa période mancunienne et c’est fascinant. Pour moi, c’est la version française de Zlatan. C’est difficile de comparer, mais ce sont deux joueurs incroyablement charismatiques et talentueux. S’ils avaient eu la chance de jouer ensemble, ça aurait fait des étincelles sur le terrain. En revanche, je ne sais pas si ça aurait fonctionné.
De ton côté, tu as déjà eu l’occasion d’aller voir un match en dehors de la Norvège ?Il y a deux ans, je suis aller voir Barcelone contre Málaga au Camp Nou. Le match était super, l’ambiance pareil et j’ai pu assister à un triplé de Messi.
Un peu comme toutes les semaines.(Rires) Ouais, c’est ça ! Mais en tant que supporter de Manchester, je ne peux que lui en vouloir d’avoir marqué un but lors des deux finales de la Ligue des champions qui opposaient Man. U à Barcelone. C’est étrange, le jusqu’au-boutisme d’un supporter, non ? Par exemple, je suis nettement plus heureux d’avoir croisé un jour Van Nistelrooy que d’avoir assisté à un match exceptionnel de Messi. Pourtant, la rencontre était très brève : c’était à l’aéroport, j’ai à peine eu le temps de faire une photo avec lui, mais ça me suffisait amplement (rires).
Tu ne trouves pas qu’un tel buteur manque actuellement à Manchester United ?Bien entendu ! Il y a bien Martial, mais ce n’est pas un pur n°9, et il est encore un peu jeune. Le problème, c’est qu’on ne peut plus compter sur Rooney. Je suis désolé, mais je déteste ce gars. Avec lui, il n’y a pas d’alternative : soit il me fait de la peine, soit il me met en colère. Dans les deux cas, je suis déçu ! J’ai l’impression qu’il ne vaut plus rien, ou qu’il n’a plus du tout la même niaque qu’auparavant. Et pourtant, il continue d’être titulaire. C’est triste à voir.
Propos recueillis par Maxime Delcourt