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Canales, la résurrection du prince

Par Maxime Brigand
Canales, la résurrection du prince

Longtemps espoir douché par les blessures à répétition, Sergio Canales s'est progressivement construit un physique et brille cette saison au Betis. Et le voilà international, enfin, à 28 ans.

Les gens de Séville s’en souviennent encore, c’était il y a déjà un moment, et ils étaient honorés de voir cette coquille-là se fendre sous leurs yeux. L’après-midi, Sergio Canales, 18 ans, était dans un hôtel de la ville, se reposait en attendant de filer avec ses potes au Sánchez-Pizjuán et tuait le temps devant un Arsenal-Everton. Lors de cette rencontre, Steven Pienaar avait humilié Manuel Almunia. La chose avait fait marrer le gamin de Santander, qui s’était mis à imaginer copier le geste – un ballon piqué au-dessus du gardien – dans la soirée. Puis, Canales était sorti de sa chambre, avait pris le bus et enfilé un short, puis s’était pointé sur la piste avec son numéro 27 sur le dos. La suite fut une ode à l’insolence : à la 26e minute d’un FC Séville-Racing Santander anecdotique, Sergio Canales avait attrapé une ouverture de Pedro Munitis avant de se retrouver en tête en tête avec Andrés Palop et de le finir d’un lob malicieux. Ce 9 janvier 2010, les supporters du FC Séville s’étaient alors levés pour l’impétueux et avaient applaudi. C’était écrit : Canales était arrivé au foot pour faire vibrer les foules, et rien d’autre.

Ambianceur et verrou

Sergio Canales a aujourd’hui 28 ans et n’est plus un gosse. Peut-être avant tout parce qu’il ne rêve plus depuis longtemps. La faute à qui, à quoi ? À un changement de rôle, d’abord : en 2019, peu de joueurs représentent mieux que lui le foot, ses hauts et ses bas, ses ascensions rapides et ses chutes libres. Samedi, à Valence, Canales a fait sauter le verrou ultime du footballeur de haut niveau et a disputé ses premières minutes internationales avec l’Espagne, lors de la victoire de la Roja contre la Norvège (2-1). Tout sauf une surprise tant le meneur de jeu, également utilisable en relayeur dans un milieu à trois, est cette saison l’un des plus brillants ambianceurs de Liga. Interrogé il y a quelques jours par Marca, venu recueillir ses sentiments de néo-international et de leader incontesté du Betis, Sergio Canales expliquait : « J’avais arrêté de penser à l’équipe nationale. Au fond, j’ai toujours eu la conviction que je pouvais atteindre ce niveau, mais certains moments m’ont fait comprendre que ce n’était plus la priorité. » Lorsqu’il est revenu à Séville l’été dernier, pour rejoindre le Betis et Quique Setién, un homme qui le connaît depuis un peu moins de vingt ans, celui qui pointe cette saison à huit buts et trois passes décisives toutes compétitions confondues était en effet venu chercher autre chose. Bien autre chose. Finalement, il avoue avoir réussi à dépasser « toutes ses attentes » .

« Regardez ses quadriceps ! »

L’Espagne souffle et se pose une question : et si c’était enfin l’heure ? Et si les démons physiques de Canales étaient chassés pour de bon ? « Regardez ses quadriceps ! » , aime répéter aujourd’hui Marcos Álvarez, le préparateur physique du Betis. Oui, l’ancien espoir possède aujourd’hui un physique, un vrai, qui tient la route sur la longueur et il faut voir le bonhomme désormais enchaîner les rencontres avec la même facilité que Lucky Luke roule ses clopes. Sergio Canales aura attendu dix piges pour découvrir la solidité, lui qui aura vu son genou exploser à trois reprises sur la période. La dernière fois, c’était en décembre 2015, au milieu du Bernabéu, sur une image terrible : celle d’un homme qui rampe sur les genoux avant de s’écrouler entre deux médecins. Canales était alors un joueur de la Real Sociedad, où il avait atterri en janvier 2014 pour ce qui ressemblait à sa dernière chance de percer au haut niveau après être monté très haut, très tôt. Après cette troisième chute, il sera resté dix mois hors des terrains avant de revenir progressivement grâce à l’aide d’un entraîneur personnel, qui travaille encore avec lui.

Passé par le Real Madrid, d’où il a été éjecté par la concurrence et les critères de José Mourinho, et Valence, passage dont on retiendra avant tout ses deux graves blessures au genou et ses larmes, Sergio Canales, trente-et-unième joueur le plus entré en jeu de l’histoire de la Liga (à 98 reprises), est cette saison un type difficile à arrêter et que Jesé comparait récemment à une « mobylette » . Canales a confiance en son corps, en son genou, où une cicatrice gigantesque a été complétée par un tatouage représentant un poisson mort, alors il fonce et est devenu ce que Setién rêvait de faire apparaître : un joueur pro-actif, à la qualité de passes rare, qui dicte le rythme et amène ses partenaires sur son tempo… « Il travaille dur, il fait attention à lui et il en récolte les fruits, expliquait il y a quelques semaines Quique Setién. Je suis content pour lui après tout ce qu’il a traversé. Il a du mérite d’avoir réussi à surmonter ce qu’il a surmonté et faire ce qu’il a réussi à faire est énorme. » Si énorme que Luis Enrique ne pouvait passer à côté de l’occasion. Alors, le sélectionneur espagnol a convoqué Canales et pourrait le titulariser ce mardi soir à Malte : la dernière étape de la résurrection d’un homme qui fait de nouveau lever les foules. Enfin.

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