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Canal Plus grand-chose
La nouvelle est tombée jeudi matin : Canal Plus vient de se faire plaquer par la Premier League pour une autre belle, plus riche, qui répond au nom d'Altice. Un passage de témoin symbole d'une nouvelle génération et qui laisse la chaîne cryptée face à une couverture sportive de plus en plus réduite.
C’est Balotelli qui soulève son T-shirt ciel pour laisser apparaître une inscription devenue célèbre : « Why always me ? » C’est Wayne Rooney qui s’envole pour claquer une bicylette historique un après-midi de derby. C’est aussi Gerrard qui glisse sur la route du titre, ou encore une soirée d’anniversaire de Cantona. C’est Drogba qui décolle, la gueule de Shearer, celle d’Owen ou des virages d’Elland Road. Mais c’est aussi l’accent de Darren Tulett, les surnoms de Stéphane Guy, le calme de Ric George ou la classe de Ginola. Ça, c’était Canal Plus, mais surtout la Premier League. Une vitrine qui vient de s’écrouler, en ouvrant un journal avec son café un matin. Sans prévenir.
Pac-Man Drahi
La nouvelle est tombée comme ça, jeudi matin, dans les locaux de la place du Spectacle à Issy-Les-Moulineaux. Personne n’avait été informé en amont de la bombe sortie par L’Équipe. Canal Plus vient de perdre les droits de diffusion de l’un de ses derniers totems. Une réunion est organisée, la tension est réelle et la surprise totale. D’autant qu’une semaine avant, Vincent Bolloré avait plastronné en interne vouloir récupérer des droits pour retrouver la couverture sportive perdue par la chaîne cryptée. Personne ne sait réellement ce qu’il va se passer. Le foot anglais vit donc ses derniers mois sur Canal +, bouffé par le Pac-Man Drahi, fondateur cannibale du néo-géant des télécoms Altice (Ma Chaîne Sport, Numéricable, SFR…).
Le sport est donc la nouvelle proie du groupe. En août déjà, Canal + s’était fait souffler par Altice les droits du basket français pour 50 millions d’euros. Cette fois, on parle d’un minimum de 300 millions d’euros pour dévorer la Premier League et plonger le concurrent dans un marasme profond. Car aujourd’hui, l’ancien phare du sport télévisé n’a quasiment plus rien à l’exception de la F1, le top 14, quelques bouts de Ligue des champions et des miettes de Ligue 1. Au coup d’envoi de la saison prochaine, Canal Plus ne couvrira aucun des championnats européens majeurs, la Bundesliga, la Liga et la Serie A ayant trouvé refuge chez l’autre tout puissant, beIN Sports.
La fin d’une génération
Alors la question qui se pose est bien stratégique : à quoi bon prendre un abonnement à plus de 40 euros par mois pour ne plus voir un ballon tourner ? Car l’avenir foot de Canal est bien de cet ordre-là. Symbole d’un changement de cap : le groupe serait prêt à se positionner lors du prochain appel d’offres (2016-2020) sur la Coupe de la Ligue. La blague passe mal. Surtout qu’hors football, la chaîne avait déjà laissé partir son autre moteur, la NBA, en 2012. « Oui, c’était clairement la chaîne qui me faisait rêver quand j’étais gosse. Je fais partie de cette génération qui se levait la nuit pour regarder jouer Jordan sur Canal, se rappelle David Cozette qui a depuis quitté Canal Plus pour L’Équipe 21. C’est un changement d’époque et je me rappelle que le rachat des droits par beIN Sports avait beaucoup marqué les gens, notamment la voix du basket en France, George Eddy. »
On parle « d’un pan de l’histoire qui s’en va » , d’un symbole terrible mais surtout d’un nouveau coup de force d’Altice. Le jeu des droits ne se fera plus à deux mais trois, au minimum. Et cette jungle est avant tout économique face à un championnat anglais qui ne cesse de grimper. Au Royaume-Uni, la valeur de la Premier League a augmenté de 70% lors de la dernière redistribution des droits. Sur la dernière période (2013-2016), Canal Plus dépensait 63 millions d’euros par saison. Altice a donc signé un très gros chèque pour devenir le nouveau patron. Signe de l’inflation d’un championnat qui est devenu progressivement, comme le patron de la Premier League, Richard Scudamore, le définissait l’été dernier, de « l’entertainment » . Là aussi, on peut parler de la fin d’une époque.
Par Maxime Brigand