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CAN : La fiche de la Tunisie
Deux ans après son élimination rocambolesque en quarts de finale en Guinée équatoriale, la Tunisie débarque au Gabon pour disputer sa treizième phase finale de CAN consécutive. Sans certitudes, avec le même sélectionneur qu’en 1998, une tactique frileuse, et des joueurs clés dans le flou. Et si c’était le moment choisi par les Aigles de Carthage pour surprendre tout le monde ?
La piste en terre battue
Avec les Tunisiens, ce n’est pas compliqué : plus les éliminatoires semblent abordables, plus ils galèrent. En 2012, la bande à Mathlouthi avait réussi l’exploit de se qualifier en prenant deux points en quatre confrontations contre le Malawi et le Botswana. Forcément, avec un groupe Togo-Liberia-Djibouti pour les qualifications 2017, ça s’annonçait chaotique. Ça n’a pas loupé. La sélection menée par le Polonais Henryk Kasperczak a traîné comme un boulet sa défaite à Monrovia et a donc dû serrer les boulons : deux matchs fermés contre le Togo (1-0, 0-0) un 5-4-1 pour jouer contre Djibouti, 205e nation au classement FIFA, et une première place du groupe acquise à la dernière journée. L’essentiel est assuré, mais la Tunisie a tout de même offert quelques sueurs froides à ses supporters.
Le joueur qui leur manque : Yassine Chikhaoui
C’est triste à dire, mais on ne sait plus vraiment si l’artiste soyeux passé par l’Étoile du Sahel et le FC Zurich joue encore au football. Technicien hors pair emprisonné dans un corps en cristal, Chikhaoui n’aura montré son talent que par intermittence, tant il a été contrarié par les blessures. Sa résurrection lors de la CAN 2015, durant laquelle il a cumulé les fonctions de capitaine et leader technique de la sélection, n’a été que de courte durée. Sa dernière apparition avec les Aigles de Carthage remonte au premier tour des éliminatoires du Mondial 2018 contre la Mauritanie, il y a quinze mois. Depuis ? Un transfert au Qatar et une année 2016 quasi blanche. Grande tristesse.
Onze types
Aymen Mathlouthi – Hamdi Nagguez, Chemseddine Dhaouadi, Aymen Abdennour, Syam Ben Youssef, Ali Maaloul – Mohamed Amine Ben Amor, Hamza Lahmar – Naim Sliti, Wahbi Khazri – Taha Yassine Khenissi
L’inexpertise… du café Le Sultan, métro Couronnes à Paris
« Certains disent qu’on a une équipe pourrie. En Tunisie, pour dire qu’une équipe est pourrie, on dit qu’elle est « helba », rapport à une plante qui ne sert à rien (le fenugrec, ndlr). Mais la « helba », c’est aussi une plante médicinale. Donc quand on dit de toi que t’es pourri et que tu sers à rien, ce n’est pas toujours vrai… S’ils vont faire quelque chose à la CAN ? Qu’est-ce que j’en sais ? Est-ce que tu sais, toi, pourquoi ils se préparent en Espagne dans le froid, alors qu’il fera super chaud au Gabon ? Dieu seul sait ces choses-là. »
Le bestiaire : les Aigles de Carthage
L’origine du surnom de la sélection est liée à l’histoire de la Tunisie. L’aigle était l’un des symboles de divinités emblématiques de la civilisation phénicienne, qui a régné sur Carthage pendant près de sept siècles. On retrouve également la thématique de l’aigle chez le célèbre poète (et inspirateur de certains passages de l’hymne national) tunisien, Abou Kacem El Chebbi : « Je vivrai malgré la maladie et les ennemis tel l’Aigle installé sur les cimes. » En revanche, la Tunisie nie toute implication dans la citation « Les aigles ne volent pas avec les pigeons » (et les T-shirts qui vont avec).
Le geste qu’ils inventeront lors du tournoi : le combo réserve technique-interview d’un joueur de champ en plein match
Depuis la qualification face au Cap-Vert (qualifs du Mondial 2014) acquise grâce à une réclamation portant sur un joueur suspendu, la Tunisie s’est spécialisée dans la recherche de failles administratives afin de gagner par tous les moyens possibles. Lors d’un match de championnat en 2014, une caméra TV est même entrée sur le terrain pour interviewer des joueurs, tandis que leur capitaine déposait une réserve à la suite d’un penalty. Ce savoir-faire va être exporté pour la CAN 2017, et il ne serait pas étonnant de voir Abdennour contester une décision arbitrale défavorable, puis foncer prendre un micro sur le bord du terrain pour commenter la réclamation à venir.
Le Bongoefficient
Dans toutes les dictatures, il arrive que des événements dont les circonstances ne seront jamais élucidées se produisent. Dans le cas de l’histoire du foot en Tunisie, ça s’est déroulé le 30 juin 2002, le jour de Brésil-Allemagne en finale de Coupe du monde. Une coupure nationale de courant de deux heures prive tout le territoire tunisien de la deuxième mi-temps. Personne ne verra de ses yeux le doublé de Ronaldo. Après l’excuse (difficilement recevable) de la surchauffe estivale des centrales à la suite d’une surconsommation, il y a eu la thèse du sabotage. Le journal Tunis Hebdo annonce que cinq ingénieurs (condamnés et emprisonnés) ont fait exprès de tout couper dans tout le pays pour provoquer des émeutes. Troisième et dernière explication possible : la légende urbaine de la censure d’un documentaire sur la famille Trabelsi (Leïla Trabelsi, femme du président Ben Ali) retransmis sur Al Jazira le jour du match. On coupe le courant, plus personne n’a la télé, personne ne verra le documentaire. Laquelle de ces trois explications est la bonne ? Que s’est-il passé ? Nous ne saurons peut-être jamais. Reste un coef : 2002%.
Pourquoi ils vont atteindre le dernier carré
La Tunisie n’est jamais aussi dangereuse que quand elle arrive sur la pointe des pieds. Le bloc très bas que Kasperczak va aligner risque d’agacer fortement l’Algérie et le Sénégal, et il suffira de quelques cartouches pour que Sliti, Khazri et Msakni trouvent la faille. Même s’il est probable que deux d’entre eux seulement soient titularisés. Ajoutez à ça une multitude d’options sur coup de pied arrêté (Maaloul et Lahmar pour tirer, les trois monstres de l’axe central dans les airs) et vous obtenez l’équipe la plus pénible à jouer du tournoi. Les Aigles de Carthage vont finir premiers de leur poule, prendre leur revanche sur la bête noire camerounaise en quarts et accéder aux demies pour la première fois depuis leur sacre en 2004. À partir de là, tout est possible.
L’hymne du tournoi
Les Tunisiens étant d’éternels retardataires, ils n’ont pas encore d’hymne officiel pour 2017. Revenons donc aux bases de la musique traditionnelle qui tourne en boucle dans les souks jusqu’à vous rendre cinglé. Autotune, flûte à bec, demandez le mezoued.
Par Farouk Abdou