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CAN : la fiche de la Guinée-Bissau
Gabon, Cameroun et Burkina Faso, pour sa première participation à la Coupe d'Afrique des nations, la Guinée-Bissau n’a pas été gâtée par le tirage au sort. Entre problèmes financiers et joueurs qui refusent de répondre à leur convocation, l’une des seules sélections de la CAN dirigées par un entraîneur africain n’a pas eu la préparation rêvée pour réaliser l’exploit d’une qualification en quarts de finale.
La piste
Personne ne les attendait là, et pourtant les Bissau-Guinéens se sont invités pour la première fois de leur histoire à la petite sauterie organisée par le foot africain au Gabon. Mais pour s’offrir leur séjour chez Ali Bongo, les Djurtus ont bataillé dur. Dernière après deux matchs, la Guinée-Bissau a su dire au revoir à son sélectionneur pour redresser la barre. Exit le Portugais Paulo Torres début 2016, welcome back Baciro Candé, ancien joueur, déjà coach de la sélection entre 2003 et 2010. Revigorés par le changement de chef à la tête de leur meute, les Lycaons enchaînent les résultats et se payent même le scalp de la Zambie. Premiers de leur groupe devant le Congo, la Zambie et le Kenya, les hommes de Baciro Candé valident leur ticket pour Libreville.
Le joueur qui leur manque : Éder
Le bourreau des Bleus, Éderzito Antonio Macedo Lopes de son nom civil, aurait pu être la star incontestable de cette équipe bissau-guinéenne. Natif de Bissau, l’attaquant lillois a choisi (au grand dam des Tricolores) de jouer pour le Portugal, qu’il a rejoint à l’âge de quatre ans. S’il n’avait pas opté pour son pays d’adoption, Eder aurait pu être d’une grande aide dans un effectif où la plupart des joueurs sont au chômage, ou peu utilisés dans leur club. Et on aurait préféré qu’il fasse couler les larmes du Gabon le 5 février prochain, plutôt que les nôtres en juillet dernier.
Onze types
Jonas Mendes – Juary Soares, Emmanuel Mendy, Rudinilson – Agostinho Soares, Zezinho, Bocundji Cá, Nanísio Soares, Idrissa Camara – Piqueti, Frédéric Mendy
Un gardien titulaire dans une équipe de D3 portugaise, un défenseur du championnat polonais qui n’a joué aucun match cette saison, un milieu de terrain sans club et un attaquant qui évolue dans le championnat sud-coréen après avoir joué à Singapour. Il n’y a pas à dire, cette équipe est unique.
L’inexpertise de Ben-J des Neg’Marrons, membre du collectif Bisso na Bisso
« Mais rien à voir ! « Bisso na Bisso » veut dire « entre nous » ou « tous ensemble » en lingala, ça met en valeur l’esprit d’unité. On est tous originaires du Congo-Brazzaville, on a monté le collectif à un moment où il y avait des conflits ethniques au pays. Le but était de montrer qu’on pouvait tous être d’ethnies différentes, venir de régions différentes, mais vivre ensemble. En plus, le Congo a été éliminé par la Guinée-Bissau… Mais c’est le sport, on sera à la prochaine CAN. »
Le bestiaire : Les Os Djurtus
Nulle trace de lion ou d’éléphant dans le surnom donné aux joueurs de la Guinée-Bissau. Leur animal emblématique ne boxe pas dans la même catégorie que les deux autres qui se disputent le titre de roi de la savane. « Os djurtus » , ou les lycaons en français, désigne une espèce de chien sauvage africain. Lions indomptables, Panthères et Étalons, méfiez-vous, la stratégie de chasse du lycaon est basée sur l’épuisement. Après une approche lente, il se lance à la poursuite de sa proie et peut atteindre une vitesse de 65km/h, qu’il peut maintenir pendant une heure. Le Cameroun, le Gabon et le Burkina Faso sont prévenus.
La célébration « I’m in love with the coco »
14 janvier 18h40, match d’ouverture de la CAN, Frédéric Mendy inscrit le but de la victoire face au pays hôte, il s’agenouille et feint de sniffer la ligne blanche de la surface de réparation. Façon Robbie Fowler. Qu’on le veuille ou non, avec cette célébration, l’attaquant vient de rendre hommage à l’économie de son pays. Si le Gabon a le manganèse et le pétrole, le Cameroun les bananes et le cacao, le Burkina Faso le coton et le sorgho, la Guinée-Bissau a les noix de cajou et la cocaïne. L’ancienne colonie portugaise tire 60% de ses revenus de l’exportation d’anacarde, mais pas que. Qualifié de « narco État » par l’office des Nations unies contre la drogue et le crime, elle est la plaque tournante du trafic de cocaïne en Afrique. Son statut de pays pauvre (dixième au classement) et sa position géographique en font une cible facile pour les narcotrafiquants sud-américains qui y font passer la poudre à destination de l’Europe. Une sorte de canon à neige, quoi.
Le Bongoefficient
En matière d’instabilité politique, la Guinée-Bissau se pose là. Depuis son indépendance en 1974, chaque décennie a connu son coup d’État. Le dernier date de 2012 et, depuis, la vie politique du pays n’est pas de tout repos. En deux ans et demi de présidence, José Mário Vaz a déjà destitué quatre gouvernements entiers. Pourquoi ? Encore de sombres histoires de rivalités, de calcul politique et de guerre d’ego. Et la situation n’est pas près de se stabiliser, puisque dans l’un de ses rapports, l’International Narcotics Control Board signale que le système politique de l’ancienne colonie portugaise reste sous l’influence des trafiquants de drogue. 55%
Pourquoi… ils ne vont pas rester plus d’une semaine
Pas vernis par le tirage au sort, les Lycaons vont avoir du mal à exister sportivement dans ce groupe A. Ça tombe bien, car financièrement, ils auront du mal à prolonger leur séjour au Gabon au-delà de la phase de poules. Pour ne rien arranger, les joueurs ont déjà connu une préparation plus qu’agitée, puisqu’ils ont dû s’asseoir sur leur stage de préparation en Guinée-Équatoriale. La tirelire de la Fédération est désespérément vide (le championnat a d’ailleurs été annulé cette saison) et le gouvernement a du mal à mettre la main à une poche déjà bien trouée. Le petit Poucet de cette CAN ne devrait donc pas faire de vieux os. De vieux Os Djurtus même.
L’hymne du tournoi
Cette première participation à la CAN est l’occasion de remettre au goût du jour Bissau, l’un des tubes d’Americo Gomes, le Maître Gims local.
Par Maeva Alliche