- International – CAN 2015 – Groupe D – Présentation
CAN : la fiche de la Côte d’Ivoire
Toujours placés, rarement gagnants, les Ivoiriens courent après leur unique succès de 1992. Sans l'immense Didier Drogba, la tâche s'annonce compliquée, mais pas impossible. Revue d'effectif d'un des grands favoris de la compétition, entre retraites anticipées, préparation exotique et boulards éléphantesques.
L’indice Ebola : 73%
Voisine du Libéria, de la Guinée et de la Sierra Leone, les trois pays les plus touchés par l’épidémie, la Côte d’Ivoire a longtemps vécu dans la peur de la contagion. En octobre dernier, elle s’est inquiétée de la présence d’un ressortissant guinéen sur son sol, soupçonné d’avoir contracté le virus au contact d’un malade et d’avoir fui son pays par peur. Depuis, faute de nouveaux cas décelés, la panique semble maîtrisée, les frontières aériennes sont de nouveau ouvertes. L’équipe nationale a néanmoins décidé de s’éclipser aux Émirats arabes unis pour préparer la compétition, comme par hasard. « Avec la sélection du Ghana, j’ai eu la chance de séjourner à Djebel Ahly, qui se situe entre Dubaï et Abu Dhabi. Ce sont des sites où on trouve des conditions de travail exceptionnelles. Abu Dhabi est un lieu qui est propice à une bonne préparation » a expliqué Hervé Renard, mettant dans la foulée en sourdine ses problèmes répétés avec la Fédération. « Ce n’est pas le moment d’en parler. Tout sera clarifié. Pour l’instant, il faut se concentrer sur la compétition et rien d’autre. » Autrement dit, tout pourrait péter assez facilement en cas de déception. Délestée de plusieurs de ses cadres qui savaient tenir le vestiaire, plusieurs égos insoupçonnés pourraient se manifester, conférant à la sélection de grandes chances de foutre un bordel royal en Guinée équatoriale. Vigilant, Hervé Renard tente de prévenir le drame : « Ce qui est important pour un pays qui va jouer une CAN, c’est l’état d’esprit. Eu égard à la phase qualificative qui a été très moyenne, l’équipe de Côte d’Ivoire, sans un grand état d’esprit, sans un jeu collectif, ne pourra rien espérer. » Sur le terrain ou en dehors, le spectacle semble assuré.
Le portrait-robot
– 50% favoris
– 50% maudits – 0% Didier Drogba
Le gardien de but : Boubacar Barry Copa
Formé à l’académie Mimosifcom, centre de formation de l’ASEC Mimosas, Boubacar Barry Copa se destinait à l’origine à une carrière de joueur de champ. C’est Jean-Marc Guillou qui a finalement décelé son talent pour le poste de gardien de but. Lors d’une tournée en France en avril 1997, l’Académie Mimosifcom l’emporte face au centre de formation rennais, et Boubacar se fait remarquer par Patrick Rampillon, le directeur général du centre de formation breton. Trois ans plus tard, il est finalement engagé par ce dernier, mais ne percera jamais en équipe première, barré par la concurrence de Bernard Lama et de Petr Čech. Prêté à Beveren, il est élu 2e meilleur gardien de Belgique et convainc ses dirigeants de lui signer un contrat longue durée. S’affirmant comme un gardien fiable et régulier, il s’engage en juillet 2007 avec le sportif Lokeren pour une durée de 3 ans, afin de poursuivre sa progression. Bien lui en prend puisqu’il est finalement sacré meilleur gardien de but de la Jupiler pro League, en 2009, devant Mark Volders et Silvio Proto, en plus de remporter ses premiers titres en coupe de Belgique en 2012 et 2014. Retenu depuis le début du siècle en équipe nationale, le portier ivoirien a connu pas mal de hauts et de bas au gré de ses 85 sélections. Remplaçant lors de la Coupe du monde 2006, il joue celle de 2010 en tant que titulaire, n’encaissant aucun but contre le Portugal et la Corée du Nord. Finaliste de la CAN 2012, il échoue seulement face à la Zambie aux tirs au but, sans avoir encaissé aucun but durant l’ensemble de la compétition. Une valeur sûre, qui sait se sacrifier pour son équipe comme en témoignent ces images d’une violence rare.
L’équipe type : attention les yeux
Boubacar Barry Copa – Serge Aurier, Ousmane Diarassouba, Kolo Touré, Siaka Tiéné – Cheick Tioté, Jean Akpa-Akpro, Yaya Touré – Max-Alain Gradel, Gervinho, Wilfried Bony
Le conte : le père éléphant
Le père éléphant n’avait peur de rien, ni de personne. Et surtout pas des hommes. Il allait dans les villages et mettait la misère à tout le monde pour se nourrir. Apeurés, les hommes ont fait palabre et décidé d’aller se plaindre à Nzamé, le grand esprit, afin de lui demander un gri-gri pour se protéger. « Le père éléphant vient dans nos villages. Il mange tout notre manioc, et tout le mil, et toutes les patates. Il boit toute la bière que nos femmes brassent et il fait beaucoup de désordre après. C’est très mauvais ! » Nzamé leur répond : « Tout le monde a peur du père éléphant et lui n’a peur de rien, ni de personne. À cause de cela, il a un grand orgueil et se croit tout permis. C’est très mauvais ! Il faut lui donner quelqu’un à craindre. » Séduits par l’idée, les hommes proposent à Nzamé d’envoyer le terrible léopard punir le pachyderme. Dans la brousse, ce dernier saute sur le dos de l’éléphant, lui enfonce ses griffes et le mord violemment. Peine perdue, le père éléphant se fâche, jette au sol le félin et tente de lui écraser la tête. Vaincu, le léopard s’enfuit. « C’est très mauvais ! reprend Nzamé. Le père éléphant n’a pas peur du léopard, il a toujours son grand orgueil. Il faut lui donner quelqu’un d’autre à craindre. » Les hommes missionnent alors le crocodile, puis le serpent, mais ni l’un ni l’autre ne parviennent à effrayer le méchant géant. À court d’idées, Nzamé envoie alors une souris. Surpris, les hommes protestent à l’unisson : « C’est une très mauvaise palabre ! Le père éléphant n’a pas peur du léopard, il n’a pas peur du crocodile, ni du serpent. Il n’aura pas peur d’une souris ! » « On va bien voir » répond Nzamé, qui est assez malin et plutôt visionnaire, comme vous le remarquerez bientôt.
La souris se dirige dans la case du père éléphant et attend sa venue. Une fois le mastodonte endormi, elle s’approche et ronge la peau épaisse qui lui sert de plante du pied. Une fois réveillé, le père éléphant hurle de douleur, cherchant des yeux le coupable. Mais la souris s’est cachée dans une calebasse. Terrifié, il se dirige donc à son tour vers Nzamé : « Un méchant démon me ronge la patte. Ça me fait très mal et ça me fait très peur parce que je ne vois pas ce démon et que je ne peux pas lui écraser la tête. Donne-moi un gri-gri pour me protéger de ce méchant démon ! » Tout sourire, Nzamé lui répond : « Je vais te faire voir ton méchant démon. » Et il appelle la souris. Étourdi, l’éléphant rigole : « Ce n’est pas ceci qui m’a rongé la patte. C’était un démon très gros et très méchant. » Fier de sa vanne, Nzamé confirme néanmoins l’impensable. Surpris, l’éléphant regarde la petite chose, assise sur son petit derrière, qui le guette de ses petits yeux. Et se rend compte qu’elle n’a pas peur de lui, mais alors pas peur du tout. « Je ne comprends pas – ceci est tout petit et ceci n’a pas peur de moi et ceci m’a fait très mal ! Je ne comprends pas, mais j’ai très peur de ceci. » Soulagés, les hommes s’amusent de la situation : « Le père éléphant a peur d’une souris ! Le père éléphant n’est qu’un gros poltron ! S’il vient encore faire du désordre dans nos villages, nous n’aurons plus peur de lui, nous le chasserons à coups de pied ! » Le père éléphant répond : « Je ne le ferai plus. Mais faites partir ceci qui me fait peur ! » « Non, il ne faut pas que tu gardes ton grand orgueil lui répond Nzamé. Il faut que tu aies peur de quelqu’un. Tu auras peur de la souris. » Sous les risées, le père éléphant a eu très honte et il est parti. Depuis, son boulard semble avoir dégonflé et tout le monde est content. À méditer.
La polémique : fallait-il forcer les « retraités » à participer ?
À l’image des retours de Zinédine Zidane, Lilian Thuram et Claude Makelele à l’orée de la Coupe du monde 2006, la Côte d’Ivoire a longtemps espéré voir Didier Drogba, Kolo Touré et Didier Deguy Zokora revenir sur leur retraite internationale. Peine perdue, « seul Kolo, a répondu favorablement. Après des échanges avec quelques cadres, certains ont préféré ne pas répondre présent » , a expliqué le sélectionneur Hervé Renard, l’air dépité, avant d’ajouter : « Il faut respecter leurs décisions. Quand on annonce publiquement une décision, il est difficile de revenir en arrière. » Certains ont néanmoins du mal à avaler la pilule, dans la foulée d’une Coupe du monde ratée. Pour Olivier Kapo, de passage dans son pays d’origine, la décision des principaux intéressés est regrettable : « C’est dommage, c’est un gros gâchis. Parce que Didier reste Didier, quelle que soit sa forme. Je pense qu’on devait tout faire pour qu’il accepte de venir jouer sa dernière CAN. Il en est de même pour Eboué, Zokora, qui aujourd’hui a le plus grand nombre de sélections. Avec tout ce que ces joueurs ont apporté à l’équipe de Côte d’Ivoire, et voir les choses finir ainsi, c’est dommage. Ils méritaient mieux. » À entendre le sélectionneur national, ce n’est pourtant pas faute d’avoir essayé. « Bien sûr, j’ai eu des échanges avec les deux Didier. Je n’ai de problème avec personne. Mon but, c’est de composer la meilleure sélection possible. Donc j’ai fait appel à certains qui n’ont pas répondu présent. Mais je les remercie pour m’avoir écouté et d’entendre mes arguments. Drogba et Zokora veulent se concentrer sur leurs clubs. Et puis comme ils n’ont pas pris part aux éliminatoires, c’est peut-être une logique qu’on doit respecter. Donc nous irons à la CAN 2015 avec un effectif un peu renouvelé et différent de celui du Mondial 2014. » À bas les vieux, place aux jeunes.
Pourquoi la Côte d’Ivoire… peut enfin gagner
En recrutant Hervé Renard, l’ancien sélectionneur de la Zambie, qui les a battus en finale de la CAN 2012, les Ivoiriens ont décidé de mettre toutes les chances de leur côté pour briser plus de vingt ans de déceptions et de disette continentale. Armés de leur sorcier blanc face à la malédiction, ils pourraient bien en profiter cette fois pour triompher. Sur le papier, l’effectif sélectionné a fière allure et possède un pouvoir offensif pratiquement inégalé. Récemment recruté par Manchester City, l’étincelant Wilfried Bony aura pour mission de mettre la balle au fond, même s’il pourra être suppléé à l’occasion par les solides Salomon Kalou, du Hertha Berlin, et Seydou Doumbia, du CSKA Moscou. En l’absence de Didier Deguy Zokora, le véritable maestro de la sélection sera l’incontournable Yaya Touré, même si Gervinho a lui aussi les qualités pour faire basculer un match à tout moment. L’attaquant de l’AS Roma a d’ailleurs joué carte sur table face à la presse : « Notre objectif, c’est de remporter la coupe. En Côte d’Ivoire, on ne va pas à une CAN pour faire de la figuration. Quelles que soient les difficultés rencontrées dans les matchs de qualification, on reste la Côte d’Ivoire. » À croire l’ancien Lillois, la qualification poussive aux côtés du Cameroun et de la RDC serait même une bénédiction pour les éternels favoris de la compétition, qui courent toujours derrière leur seul sacre de 1992 : « On est plus tranquilles, lorsqu’on ne compte pas sur nous. On ne part pas favoris, mais on part avec beaucoup d’envie. On va essayer de donner tort à tous ceux qui ne croient pas en nous. »
Par Christophe Gleizes