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CAN 2021 : Comment le régime camerounais remplit les tribunes

Par Norman Aya, à Yaoundé
6 minutes
CAN 2021 : Comment le régime camerounais remplit les tribunes

Pour régler le souci des tribunes vides, le gouvernement camerounais est passé de la restriction à l’incitation. Initialement, le protocole Covid exigeait des supporters d’être vaccinés et munis d’un test PCR pour se rendre au stade. Désormais, un simple test antigénique suffit. Plus encore, l’après-midi, les travailleurs cessent leurs activités et les écoles ferment afin que des bus amènent les enfants aux rencontres. Pour le régime de Paul Biya, tout les moyens sont bons pour que les caméras du monde entier filment des tribunes moins désertes.

Des tribunes clairsemées où les sièges vides sont bien plus nombreux que les sièges occupées. C’est l’image que le gouvernement camerounais ne veut plus voir ni montrer aux téléspectateurs du monde entier qui regardent attentivement la 33e édition de la Coupe d’Afrique des nations. « Le protocole a changé subitement, on a reçu des ordres d’en haut, explique un bénévole aux abords du stade Olembe de Yaoundé. Maintenant, plus besoin du vaccin et du test PCR. Tu viens au stade, les médecins te font un test et tu as le résultat en moins de 15 minutes. S’il est négatif, tu peux entrer. » Une mesure qui satisfait les fans de football camerounais. Jean, un supporter des Lions indomptables, assiste au troisième match de groupe de la sélection de son pays avec ses deux enfants : « Personne n’est vacciné dans la famille, on pensait qu’on ne verrait aucun match, peste-t-il. Mais là, les enfants sont heureux, c’est la première fois qu’ils voient le Cameroun jouer ! » Face au Cap-Vert ce lundi, le nouveau stade Olembe de Yaoundé de 60 000 places est quasiment plein. Et si le protocole Covid allégé y est pour beaucoup, d’autres mesures d’incitations contribuent à ce remplissage instantané des gradins.

La nation reconnaissante… et disponible

Un communiqué du gouvernement est paru deux jours plus tôt indiquant que « sur très hautes instructions de Monsieur le Président de la République, le Premier ministre, chef du gouvernement, informe que, pendant les jours de la tenue des rencontres de la CAN : les activités scolaires et académiques se tiendront de 7h30 à 13h ; les activités professionnelles s’étaleront de 7h30 à 14h. » De fait, Jean ne travaillait pas ce lundi après-midi, et ses enfants n’avaient pas à se rendre à l’école, fermée. « Je pense que c’est une bonne nouvelle, regardez le stade, dit-il en pointant la foule s’amassant en tribune au coup d’envoi. C’est la première fois qu’il y a autant de monde ! »

Pour la CAN, on avait prévu un stock de vaccins, mais on n’a pas assez de demandeurs. Beaucoup réclament des tests, mais sont trop réticents pour la vaccination. Il fallait changer ce protocole.

Il semble que contrairement aux premières rencontres de la compétition, personne n’est resté sur le carreau. « Beaucoup de gens se retrouvaient bloqués à l’entrée des stades partout dans le pays parce qu’ils avaient acheté des places, mais n’étaient pas vaccinés, témoigne Fekom Andre Thierry, le médecin de la fondation médicale Joseph-Perrin. Beaucoup étaient tentés de corrompre les vigiles pour entrer. » Et pour cause, à peine 6% de la population camerounaise est vacciné contre la Covid-19 à ce jour. « Pour la CAN, on avait prévu un stock de vaccins, mais on n’a pas assez de demandeurs. Beaucoup réclament des tests, mais sont trop réticents pour la vaccination. Il fallait changer ce protocole », glisse-t-il. Le médecin généraliste tient à remettre le contexte du pays au centre du débat : « La Covid n’est pas aussi présente au Cameroun et même en Afrique qu’en Europe, et beaucoup de personnes n’y croient même plus. Il faut comprendre qu’après avoir fait ce constat, le gouvernement choisisse de remplir les stades. »

Un régime « attentif à son image »

Le régime du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC), dont le président, Paul Biya, est au pouvoir depuis 1982, « est très attentif à son image et à celle du pays sur la scène internationale », explique Clément Boursin, responsable Afrique à l’ACAT-France, une ONG chrétienne de défense des droits de l’homme. D’abord, le Cameroun devait organiser la CAN en 2019 et son report à 2022 car le pays n’était pas prêt, ainsi que les spéculations autour d’une possible annulation jusqu’en décembre dernier « ont entraîné de vives critiques à l’égard du gouvernement incapable d’organiser un tel évènement ». « Le régime veut donc montrer que le choix du Cameroun est le bon et que la compétition va bien se passer », poursuit le membre de l’organisation œcuménique.

Le football, est « un outil de communication pour le pays, un vecteur de rassemblement des populations », et laisser des stades vides pour la quasi-totalité des rencontres est perçu comme un coup dur. Au-delà du nouveau protocole sanitaire largement allégé, « le régime a décidé de revoir son plan et de faciliter les entrées », assure Clément Boursin. C’est pourquoi des entrées gratuites ont été mises en place notamment auprès des écoliers, mais également par le biais de personnes influentes qui distribuent gratuitement des tickets à travers le pays. « Les élites, maires, chefs d’entreprises et autres ont été encouragés par le régime à faciliter cette arrivée de supporters sur leurs propres deniers : achat groupé de places, déplacements en bus offerts, liste-t-il. Si ces mesures étaient prises pour faire plaisir à la population, elles auraient été prises bien en amont. »

Il y aussi un désamour envers le régime, on ne lui fait pas confiance, on ne veut pas lui faire plaisir en remplissant leurs stades hors de prix, même si Olembe est très beau.

Entre désamour et peur

Parmi les autres raisons expliquant la faible affluence dans les stades lors du premier tour de la compétition, il y a le prix des entrées. D’où les nombreuses invitations distribuées. Les billets les moins chers se vendent à 3000 francs CFA, soit 4,5 euros, dans un pays où le taux de pauvreté atteint près de 40 % et où un tiers des habitants vit avec l’équivalent de moins de 2 euros par jour, selon la Banque mondiale. « Beaucoup d’entre nous préférons nous rendre dans les fan zones où l’entrée est gratuite et où l’on peut boire des bières et manger pour moins cher qu’une place au stade », justifie Xavier, un supporter posté devant l’écran géant d’un des villages de la CAN, à Yaoundé. La difficulté à trouver des places – certaines personnes doivent faire le tour de trois à quatre mairies d’arrondissement pour en dénicher une – n’arrange en rien le problème. « Il y aussi un désamour envers le régime, on ne lui fait pas confiance, on ne veut pas lui faire plaisir en remplissant leurs stades hors de prix, même si Olembe est très beau », confie Xavier.

Dans les régions du Nord-Ouest et Sud-Ouest, à plusieurs centaines de kilomètres de la capitale politique, « il existe une peur chez les Camerounais de se rendre au stade. Ces régions sont en proie à un conflit armé interne depuis 2017 et les séparatistes anglophones ont menacé les civils qui iraient au stade », appuie Clément Boursin. Ce qui s’ajoute à « un possible boycott d’une partie des anglophones, ainsi que des sympathisants de l’opposition durement réprimée ces derniers temps ». Car le conflit et l’insécurité qui touchent durement les régions anglophones n’ont pas cessé au départ de la CAN. L’assassinat du sénateur Henry Kemende quelques heures avant le premier match à Limbé en est une preuve irréfutable, et la magie du football ne saurait la camoufler. Pas même des stades pleins dans les plus grandes villes du pays remplies au gré de « mesures liberticides où l’état de droit est adaptable en fonction des désirs du régime. Car en mettant en place tout cela, les autorités camerounaises indiquent qu’il est plus important de remplir des stades que d’aller travailler et s’éduquer », s’indigne Clément Boursin. Toutefois, que les tribunes soient garnies ou non, l’atmosphère à Yaoundé ne laisse place à aucun doute : il y a tout un peuple derrière les Lions indomptables.

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La Fédération camerounaise bloque toujours Danny Namaso
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Par Norman Aya, à Yaoundé

Photos : NA.

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