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CAN 2021 : Au Sénégal, le scepticisme aussi fort que l’espoir

Par Clément Teraha, à Dakar et Eloubaline
CAN 2021 : Au Sénégal, le scepticisme aussi fort que l’espoir

Au Sénégal, la génération Sadio Mané est dorée. La colonne vertébrale du onze de la sélection des Lions de la Téranga est composée uniquement de stars, mais le jeu de l’équipe n’est pas celui espéré par les supporters. Bien que le sélectionneur Aliou Cissé présente un bilan positif depuis 2015, le pessimisme règne de Dakar à la Casamance quant à une première victoire en Coupe d'Afrique des nations.

C’est simple, jamais le Sénégal n’a soulevé le plus prestigieux des trophées africains. En 2002, le Cameroun le battait aux tirs au but au terme d’une finale stérile, tandis qu’en 2019, l’Algérie de Riyad Mahrez mettait fin au rêve de tout un pays sur le plus petit des scores. Alors c’est comme si ses supporters n’y croyaient plus. Sur la corniche de Dakar, les mini terrains de sable accueillent chaque jour en fin d’après-midi des centaines de footballeurs qui s’affrontent, sous les yeux d’un ancien joueur de première division sénégalaise, Boubacar Camara. Sous son maillot rouge, son allure de sportif ne laisse en rien deviner son âge. Ce passionné de 61 ans a consacré sa vie au football, mais son état d’esprit avant le début de la Coupe d’Afrique des nations au Cameroun résume celui de tout un peuple : « J’ai beaucoup pleuré. Déception après déception. Maintenant, je n’y crois pas, ce serait un miracle que le Sénégal gagne la CAN. »

Mentalement, c’est pas la folie

Boubacar estime que la génération de Sadio Mané n’est pas la meilleure que le Sénégal ait connue. « Pour moi, il y en a eu des plus fortes, comme celle de 2002 avec El-Hadji Diouf. Mais même avant, on se rappelle Oumar Sène, Jules Bocandé, Boubacar Sarr, se remémore-t-il, les yeux plongés dans les souvenirs. Eux, c’étaient de grands joueurs ! Pourtant, ils n’ont rien gagné avec notre pays. » Alors que le soleil fléchit dans le ciel de la capitale, que les lampadaires éclairent à la fois la double voie et les terrains ensablés qui la bordent, celui que les plus jeunes appellent « L’Entraîneur », poursuit son argumentation. « Le problème au Sénégal, c’est qu’on a beaucoup de talents, mais on ne se remet pas en question. Prenez les Égyptiens ou les Algériens, ils jouent pour la nation et se battent jusqu’au bout. Nous, on commence bien les compétitions, puis on les termine mal. »

Son constat est largement partagé par Conakry, un habitant de l’île d’Eloubaline, à 500 kilomètres de Dakar, au beau milieu de la Casamance. Assis face au Bolong, un chenal d’eau salée, il pointe le déficit mental des joueurs sénégalais – toutes générations confondues – incapables selon lui d’aller au terme d’une grande compétition internationale. Il oppose sa sélection favorite à celle du Cameroun, « qui, elle au moins, sait mettre toute son âme pour le maillot du pays ». Et ce ne sont pas les individualités qui suffiront. « Nos stars brillent en Europe, mais il ne faut pas les voir trop belles. Ce n’est pas parce qu’on a Sadio Mané qu’on va gagner, juge-t-il. Cette saison en Ligue des champions, le meilleur Africain est Haller avec l’Ajax. Alors pourquoi ne pas dire que la Côte d’Ivoire a un meilleur attaquant plus en forme ? Et c’est pareil avec notre gardien. Mendy est excellent, mais notre défense n’est pas aussi bien organisée que celle de Chelsea, attention ! »

Beaucoup d’individualités, peu de jeu

Ce constat dressé par les supporters, Mansour Loum l’entend et le comprend totalement. Ce journaliste spécialisé dans le football africain et rédacteur en chef de Sport News Africa met en avant ce fameux déficit mental, mais surtout tactique. « D’abord, les matchs couperets, les Sénégalais ne les gagnent pas, car ils ne sont pas prêts à mourir sur le terrain. Ensuite, quand on voit les joueurs, on se dit que c’est une équipe qui peut tout rafler. Mais au bout de 35 minutes, l’équipe est coupée en deux. Tactiquement, c’est mauvais. » Un écart entre le onze aligné et le jeu proposé qui fait penser à un club français. Pas n’importe lequel. Ibrahim, vendeur de maillots près du marché Sandaga à Dakar, exprime sa frustration à vive voix devant son stand multicolore. « Ils ont des joueurs de fou, mais il n’y a pas d’équipe, tout le monde est d’accord pour le dire ! » Son ami n’a pas entendu le début de la conversation et le coupe subitement : « Tu parles du PSG ? », l’interroge-t-il. « Non boy ! Le Sénégal ! Mais c’est comme le PSG, une sélection de bons joueurs avec aucun jeu collectif qui peut te faire gagner une grande compétition. Je le regrette. » Néanmoins, Ibrahim se réjouit de vendre un peu plus de maillots qu’à l’accoutumée. « J’en vendrai encore plus quand la CAN aura commencé et que le Sénégal aura passé le premier tour, que la mayonnaise commencera à prendre dans le pays », sourit le commerçant qui se dit toutefois « inquiet » à quelques jours du début des hostilités et surtout « déçu par le sélectionneur ».

Pourtant, Aliou Cissé, finaliste de la CAN 2002 des Lions de la Téranga en tant que joueur, présente un bilan positif à la tête de la sélection. « Pour parler brut, son bilan est bon, il y a quand même une finale de la CAN en 2019 et de bonnes prestations à la Coupe du monde 2018 », tient à préciser le journaliste Mansour Loum. L’ancien joueur de Sedan et du Paris Saint-Germain, sur le banc depuis 2015, a dirigé 62 matchs pour 40 victoires, 14 matchs nuls et seulement 8 défaites. Des résultats qui font du Sénégal la première nation africaine au classement FIFA et 20e mondiale. « Mais bon, tout le monde se dit qu’il y avait la place pour battre l’Algérie en Égypte ou passer devant la Colombie en Russie. »

L’étrange théorie de la spider-cam

Mansour Loum ne croit pas si bien dire. Au Sénégal, de nombreux supporters se disent non seulement qu’il y avait la place de remporter la finale face aux Fennecs, mais en plus qu’ils ont été victimes d’une immense injustice. « Sur le but de l’Algérie, le ballon est monté haut, il a touché la spider cam et ça a dévié la trajectoire du ballon. C’est pour ça qu’il est rentré et qu’on a pris un but », se plaint Amadou Diaye, un jeune supporter, après un match sur les terrains de sable de la corniche dakaroise. « Oui oui, ça a touché un truc, un câble. C’est impossible sinon, vu la direction que prend le ballon. C’est obligé qu’il ait touché quelque chose. C’est la spider cam », soutient son ami en gesticulant.

Cette légende, Mansour Loum l’a entendue à maintes reprises, mais il la balaie d’un revers de la main : « C’est simple, il n’y avait pas de spider cam au Caire pour la CAN 2019. » Au moins, le débat est clos. Pourtant, au Sénégal, la polémique a pris de l’ampleur dès la fin de la finale perdue. Des articles de presse, des discussions informelles entre jeunes supporters déçus et même la voix d’un « apprenti scientifique », Fallou Diouf, ont contribué à laisser penser que l’ouverture du score de Baghdad Bounedjah aurait dû être invalidée. Selon Fallou Diouf, le but « défie les lois physiques ».

« Une question de fierté »

Malgré le scepticisme ambiant, tous assurent y croire, au plus profond d’eux-mêmes. « En passant les premiers paliers, l’effervescence va commencer à prendre, et au sein du groupe, il y aura des joueurs revanchards par rapport à 2019 », souligne Mansour Loum. Le jeune ingénieur en mécanique automobile Amadou Diaye, toujours pas remis du but folklorique des Algériens il y a bientôt trois ans, rêve d’une victoire pour « enfin pouvoir dire que le Sénégal a déjà remporté la CAN. C’est une question de fierté, nous aussi on veut être inscrits au palmarès. » Tandis qu’Ibrahim, le vendeur de tenues de football du monde entier, prie que le pays connaisse « une immense fête, partout, que les gens dansent », et bien sûr « qu’on vende plein de maillots » ! En phase de poules, le Sénégal affrontera le Zimbabwe ce lundi 10 janvier, la Guinée le 14 et le Malawi le 18. « Nous y allons avec beaucoup d’ambition et d’envie. Nous y allons avec la gagne, pour emprunter le jargon du football. Nous reviendrons avec la fierté de la mission accomplie, monsieur le Président », a déclaré le défenseur napolitain Kalidou Koulibaly devant Macky Sall, au palais présidentiel ce mardi 4 janvier. Depuis le début de son mandat, le chef de l’État a investi cinq milliards de francs CFA (7,6 millions d’euros) pour son équipe nationale. Boubacar Koulibaly, le coach sur la corniche, « n’a jamais vu ça. Ce qu’a fait le président pour l’équipe est énorme. Depuis son ère, toutes les conditions sont réunies ». Au-delà de la pression que cela représente pour les joueurs, le symbole est fort : « Il y a tout un peuple derrière eux », appuie Boubacar. Comme si seuls des cas de Covid pouvaient arrêter les Lions d’une terre en doute, mais une terre fertile qui a donné naissance à, peut-être, de grands champions.

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Par Clément Teraha, à Dakar et Eloubaline

Photos : Clément Teraha et Iconsport.

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