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Campagne mi-figue mi-raisin pour Figo
Deux mois après l'annonce de sa candidature et autant de temps avant les élections de la FIFA, Luís Figo a parcouru un long chemin, qui se compte plus en kilomètres qu'en voix acquises. Sepp Blatter, lui, collectionne les soutiens... Et si tout était déjà plié ?
Luís Figo est heureux. Son ami et soutien Fernando Gomes, président de la Fédération portugaise de football, vient d’être élu au comité exécutif de l’UEFA. De quoi lui adresser un petit message de félicitations, mais pas plus. À vrai dire, le jeune candidat n’a plus le temps de faire grand-chose depuis qu’il a annoncé viser la présidence de la FIFA le 28 janvier dernier. Ses principales activités ? Voyager, parler, répondre aux interviews et convaincre. Car s’il partait de très loin dans la course à la destitution de Sepp Blatter, le Portugais a certainement fait un petit pas en arrière le 19 février dernier, jour de présentation de son programme électoral, en révélant son désir d’élargissement du nombre de participants à la Coupe du monde à au moins 40 équipes.
Ce qui n’a pas été dit, c’est que le Portugais a précisé qu’en cas d’élection, il ne ferait que soumettre cette idée à son assemblée, laquelle pourrait très bien refuser la proposition. Si Figo a pris la décision de centrer sa communication sur une idée aussi polémique, c’est qu’elle lui permet ainsi de draguer les petites fédérations qui verraient dans cette réforme un moyen de rendre possible l’impossible rêve de Mondial. Cette stratégie de « décentralisation » de la campagne n’est en rien une invention du Portugais, qui ne fait que reprendre les formules de ses prédécesseurs Havelange et Blatter, précurseurs en la matière. Le Brésilien et le Suisse avaient profité du fait que les voix du Laos ou du Bhoutan comptaient autant que celle de l’Allemagne ou de la France, avec l’avantage d’être plus faciles à obtenir. Une petite attention ou un voyage peuvent suffire à se mettre une petite fédé dans la poche. Et ça tombe bien, car la Figue a la bougeotte.
Le tour du monde en 80 jours
Alors qu’il reste encore deux mois avant les élections, Luís Figo a déjà parcouru autant de kilomètres que Blaise Matuidi depuis le début de sa carrière, c’est-à-dire suffisamment pour visiter trois continents (quatre, si l’on divise les Amériques en deux). Son périple a débuté en Asie, avec un point de chute en Chine notamment du côté de Macao et Hong-Kong. Le Portugais cherche à y consolider une bonne réputation gagnée grâce à l’ouverture d’une école de foot éponyme à Pékin l’année dernière. Comme prévu, les discussions avec les dirigeants s’avèrent fructueuses, et il n’est pas impossible que des votes pro-Figo fleurissent dans la région. Ils seraient les bienvenus dans le clan figuier, qui ne compte pour l’instant que les soutiens officiels du Danemark, de la Macédoine, du Monténégro, de la Pologne, du Luxembourg et du Portugal.
L’Amérique du Sud, elle, offre en revanche un marché beaucoup plus concurrentiel. Pour preuve, le Portugais, ainsi que ses rivaux, ont été accueillis individuellement par les dirigeants du CONMEBOL à Luque (Paraguay), le mercredi 4 mars. L’histoire ne dit pas qui a été reçu en dernier, mais malgré la satisfaction du Portugais quant à un « entretien positif » , les rumeurs font état d’un soutien sans faille du CONMEBOL au président sortant. Comme une mauvaise nouvelle ne vient jamais seule, la branche mexicaine de la chaîne ESPN a affirmé mardi dernier être quasiment sûre que la CONCACAF officialisera son soutien à la Blatte lors du prochain congrès de la confédération se tenant aux Bahamas. Autrement dit, une grande majorité des fédérations des deux Amériques voteront pour le favori, et les voyages de Figo à Luque et Philadelphie n’y changeront a priori rien. Au sein de « l’opposition » , Van Praag, pas plus optimiste, peste déjà en s’interrogeant sur l’utilité d’avoir deux candidats européens pour essayer de faire tomber Blatter, contre qui il aurait plutôt fallu envoyer un représentant fort, à en croire le Hollandais.
Manque d’expérience
José Mourinho, Pep Guardiola et David Beckham ont beau avoir affiché leur soutien à leur ami, rien n’y fait. Le monde des dirigeants du football est une gérontocratie qui ne manque pas l’occasion d’afficher son scepticisme lorsqu’il s’agit de voir la jeune garde débarquer. Ainsi, plusieurs dirigeants africains (rappelons que la CAF est elle aussi à la solde de Blatter) ont pointé du doigt le manque d’expérience de Figo en tant que dirigeant, lequel se défend en rappelant à ses détracteurs ses récents travaux au sein de la FPF et de l’UEFA. Insuffisant. Les anciens ne veulent rien savoir, et il n’est pas sûr que la plupart d’entre eux aient posé les yeux sur le programme du Portugais. Dans celui-ci, il est question de l’instauration d’un comité d’éthique neutre au sein de l’organisme, ainsi que l’investissement dans les infrastructures liées à la formation dans les pays qui en ont le plus besoin. Mais aussi du reversement de 50% du bénéfice de la FIFA aux fédérations. Pourquoi personne n’a mordu à l’hameçon concernant la dernière mesure ? Sans doute parce que le gros des fédés reçoit déjà un joli paquet qu’on ne leur oblige pas à réinvestir dans le football. Figo a fait le choix de mener une campagne un peu plus honnête que son principal opposant, sa seule sortie démagogique assumée se limitant à un « il faut respecter le Qatar maintenant que la Coupe du monde lui a été attribuée » . C’est peut-être de ce côté-ci qu’il devrait creuser pour pouvoir renverser la vapeur. Avec une contrainte : le temps. Le scrutin aura lieu le 29 mai. Luis n’a pas fini de voyager.
Par William Pereira