- Angleterre – FA Cup – 4e tour – Cambridge Utd/Manchester Utd
Cambridge United, un joli petit poucet
Le quatrième tour de la FA Cup débute ce vendredi soir par l'opposition la plus déséquilibrée entre Cambridge United, promu de D4, et Manchester United, co-recordman du nombre de victoires dans la compétition. L'occasion de faire plus ample connaissance avec le plus petit club encore en lice, représentant d'une ville surtout connue pour sa prestigieuse université.
Qu’évoque Cambridge pour tous ? Une ville d’Angleterre, une université parmi les plus fameuses et les plus vieilles au monde, une rivalité ancestrale avec Oxford, la « boat race » , course d’aviron voyant s’opposer les étudiants des deux facs… C’est déjà pas mal. Rien qu’avec ça, Cambridge compte et parle immédiatement, ce qui constitue une vraie performance pour une cité de taille modeste, comptant à peine plus de 110 000 habitants. Les termes « Cambridge » et « université » sont si indissociables qu’ils laissent peu de place à autre chose. Le football par exemple.
Alors forcément, le club de la ville n’est pas du genre très connu. Et il n’a rien fait pour l’être, avec de très rares occasions de sortir de l’anonymat depuis sa création en 1912. Aucune saison en élite, des parcours en coupe s’arrêtant bien souvent très tôt… Mais un âge d’or tout de même à signaler au début des années 90. Entre 1989 et 1993, les « U’s » vont cumuler deux quarts de finale de FA Cup, un quart de finale de League Cup, un titre de champion de D3 et une saison 1991/1992 en forme d’épopée, terminée en demi-finale de play-offs de la D2, aux portes de monter en élite et de faire partie des 22 clubs de la saison inaugurale de la naissante Premier League. C’était l’époque du très rigoureux manager John Beck et l’émergence d’un certain Dion Dublin, future valeur sûre de la Premier League durant plus d’une décennie ensuite. Cambridge United manque le coche cette saison-là et amorce une interminable chute dans les bas fonds du football anglais.
Le Roy et Renard, sombres souvenirs…
Le club tombe vite en League One, l’équivalent de la D3, puis en League Two (la D4), remonte un temps, retombe encore, et va même jusqu’à échouer encore plus bas en 2005 : la Conference National, cinquième échelon du foot outre-manche. Le coup est rude, car à partir de ce niveau, les clubs ne sont plus dans le système « Football League » , qui regroupe les quatre premières divisions nationales et dont faisait partie Cambridge Utd depuis 35 ans. Dès lors, son statut pro est menacé, sa survie même. Les finances sont catastrophiques, les résultats sportifs pareillement, l’instabilité est de mise au niveau des joueurs comme des entraîneurs. Peu avant la chute en D5, un duo de Français va même un temps se trouver mêlé au tourbillon : Claude Le Roy et Hervé Renard débarquent pour filer un coup de main, mais ne restent pas bien longtemps sur place. Le Roy d’abord déguerpit le premier, avant que Renard ne se fasse virer peu avant la relégation en Conference. Pendant les neuf saisons suivantes, Cambridge va donc vivre dans les tréfonds du football pro, pour finir par enfin remonter en League Two au printemps dernier, à l’issue d’un exercice 2013/2014 remarquablement géré : deuxième place de la Conférence Premier, victoire et montée à l’issue des play-offs à Wembley. Un premier voyage à Wembley s’était même conclu avec succès quelques semaines plus tôt en finale du FA Trophy, la coupe nationale des clubs de Conference League.
Des nouvelles de Luke Chadwick ?
Ces performances sont à mettre au crédit de l’entraîneur Richard Money, ancien défenseur qui a brièvement porté les couleurs de Liverpool au début des années 80. Aux commandes depuis fin 2012, il devrait sans trembler réussir l’opération maintien en League Two cette saison, ce qui est un premier objectif avant d’envisager de viser de nouveau plus haut (classement actuel : 12e sur 24). Et puis bien sûr, il y a ce beau parcours en FA Cup et cette affiche à domicile face à Manchester United, peut-être bien le plus grand moment de l’histoire de ce club plus que centenaire. Rooney, Van Persie et possiblement Víctor Valdés, pour sa première sous ses nouvelles couleurs, trouveront face à eux une équipe dans laquelle émerge un seul nom connu, un ancien de la maison MU d’ailleurs : Luke Chadwick, 34 ans, venu finir sa longue carrière dans sa ville natale. À ses côtés, il faudra notamment surveiller Ryan Donaldson, formé à Newcastle, passé par les sélections anglaises U17 et U19. L’antique Abbey Stadium, avec ses seulement 7988 places, s’est rempli avec un engouement inhabituel. La presse locale rapporte que certains supporters ont passé la nuit dehors, dormant devant le guichet dans des duvets par 0 degré pour obtenir les 230 derniers tickets mis en vente à 9h ce mercredi matin. Preuve que même chez les intellos de Cambridge, le football peut rendre irraisonnable.
Par Régis Delanoë