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- Rennes-PSG (2-1)
Camavinga, le nouveau joyau
Le football français tient peut-être son nouveau talent. Dimanche soir, lors du succès du Stade rennais contre le PSG (2-1) au Roazhon Park, le grand public a découvert Eduardo Camavinga. Le milieu de terrain de 16 ans a livré une prestation bluffante et sans complexe face aux stars parisiennes, confirmant le potentiel décelé en fin de saison dernière. À Rennes, tout le monde souhaite accompagner la nouvelle pépite dans sa progression.
Les jeunes aiment se trouver des idoles. Des personnes symbolisant leurs rêves innocents et s’affichant dans leurs chambres sur des posters géants. Des acteurs, des chanteurs ou des footballeurs. Vendredi, les gamins étaient nombreux derrière les barrières de la Piverdière, le centre d’entraînement du Stade rennais. Parmi eux, un jeune de moins de dix ans, accompagné de son père, la nouvelle tunique rouge et noir sur le dos et le nom Camavinga floqué au-dessus du numéro dix-huit. Dans la capitale bretonne, le milieu de 16 ans s’est déjà fait un nom.
Sept petites apparitions en fin de saison – avec des prestations particulièrement convaincantes face à Monaco ou Lille à domicile – et les observateurs rennais étaient déjà unanimes : le SRFC tenait sa nouvelle pépite. Cette fois, le joueur né en Angola est entré dans une nouvelle dimension. Dans les couloirs du Roazhon Park, Camavinga est rapidement devenu le principal sujet des conversations, dimanche soir, après sa nouvelle performance XXL contre le Paris Saint-Germain. Un mélange d’émerveillement et de satisfaction d’avoir peut-être assisté à l’éclosion d’un futur grand. Et un mot d’ordre : il faut profiter du talent présent.
La naissance d’un crack
Il faut se poser devant les chiffres pour constater la dinguerie proposée par Camavinga contre le PSG. Attention, ça donne le tournis : il a été le joueur rennais à toucher le plus de ballons (60), il a réussi 97,6% de ses passes (40/41), il a remporté dix-sept duels, subi six fautes et n’a perdu que trois fois la chique. Mieux, il a été décisif, délivrant une superbe offrande pour Romain Del Castillo et devenant ainsi le plus jeune joueur (16 ans et 9 mois) à réussir une passe décisive en Ligue 1 depuis le recueil des statistiques en 2006. Une prestation déroutante, mais pas vraiment surprenante pour ceux qui connaissaient déjà le loustic. « Il a encore été très bon, a lâché son coéquipier Clément Grenier en zone mixte après la rencontre. Ce n’est pas une surprise, on l’a découvert l’année dernière avec nous à l’entraînement, c’est un très jeune joueur, mais il a déjà beaucoup de maturité. Il a beaucoup de talent, il est très bon techniquement, physiquement et surtout il est à l’écoute. »
Un aperçu des ballons touchés par Camavinga contre le PSG (Whoscored) :
Depuis l’arrivée de Julien Stéphan – qui l’avait lancé à 15 ans avec la réserve rennaise – sur le banc de Rennes, Camavinga a progressivement intégré le groupe professionnel. À Séville en février dernier, il s’était déjà mis dans la poche les supporters rennais en fêtant la qualification du club pour les huitièmes de finale de Ligue Europa comme le gamin qu’il est, en multipliant les glissades face au parcage visiteur. Rebelote en avril lors du retour des héros de la Coupe de France sur l’esplanade Charles-de-Gaulle dans le centre ville de Rennes, où il avait pris le micro pour lancer un chant, avant de devoir abandonner à cause de sa voix cassée. « Il est rafraîchissant, pas comme les autres qui peuvent être rapidement pollués par le contenu de leur contrat. Non, lui, il veut jouer au foot » , expliquait récemment Landry Chauvin, l’ancien directeur du centre de formation du SRFC, à L’Équipe.
Mais c’est avant tout sur le terrain que la pépite détonne. À Montpellier samedi dernier comme face au PSG ce week-end, Camavinga a joué sans aucun complexe, affichant une maturité bluffante pour un joueur de son âge, surtout face à un bolide comme Paris. Placé en sentinelle au début de la rencontre, il a énormément bougé sur la pelouse, excellant à la récupération et proposant constamment des solutions à ses partenaires. « Aujourd’hui, tout le monde est surpris de l’émergence d’Eduardo Camavinga, a noté le président Olivier Létang devant la presse. Nous, on lui a fait signer son premier contrat pro il y a quasiment un an maintenant parce qu’on l’avait tous repéré dans le club. Et on est très heureux qu’il soit avec nous. » En milieu de semaine, les dirigeants rennais ne se sont d’ailleurs pas trompés en officialisant une prolongation de contrat jusqu’en 2022. Et maintenant, place au plus dur.
« Il faut arrêter de parler de lui »
Camavinga va maintenant devoir gérer son statut de nouvelle célébrité et son exposition (voire sa surexposition) médiatique. Dans les coulisses du Roazhon Park, le môme a quitté les vestiaires dans la discrétion et avec son habituel sourire éclatant, limite contagieux, sans pour autant s’arrêter devant les caméras. Rien d’étonnant, l’exercice est difficile pour un adolescent, et le club breton souhaite absolument protéger son nouveau joyau. « C’est quelqu’un de très bien construit intellectuellement, qui sait se remettre en question, se poser les bonnes questions, a détaillé Stéphan en conférence de presse après le match. Je vais devoir le gérer pendant la saison, c’est une évidence. On va lui parler, comme avec les autres, pour lui permettre de grandir en toute sérénité, dans un contexte favorable. » Le discours d’un entraîneur habitué à façonner les talents depuis plusieurs années à Rennes. Et surtout une ligne directrice adoptée par toutes les strates du club : il faut chouchouter Camavinga. « Il faut arrêter de parler de lui, s’il vous plaît, a souri Romain Salin en zone mixte. S’il n’est pas bon, on prendra, nous les anciens, la responsabilité de ça. Si Eduardo et les autres jeunes ne sont pas bons, il faudra venir nous voir parce que cela voudra dire qu’on n’a pas fait notre boulot pour les encadrer. »
Il va maintenant être question de ne pas se disperser afin de digérer un nouveau statut. Il est encore trop tôt pour lui promettre les plus belles merveilles, mais il n’est pas interdit de s’enflammer face à un « joueur de la trempe d’Ousmane Dembélé » , de l’avis de Chauvin. Sauf que Camavinga n’a pas encore 17 ans et qu’il joue à un poste demandant encore plus de rigueur et de maturité pour s’imposer dans l’élite. Les plus pressés évoqueront déjà un avenir en équipe de France, sachant qu’il a fui l’Angola avec ses parents pour rejoindre l’Hexagone à l’âge d’un an, et surtout qu’il dispose pour l’instant seulement d’un passeport angolais. Il paraîtrait que son dossier de naturalisation traîne toujours sur le bureau de la préfecture. Mais le milieu de terrain peut encore patienter en enchaînant les titularisations chez les professionnels – celle contre le PSG était seulement la septième – et poursuivre sa progression. En attendant, les parents sont déjà prévenus : il va falloir faire de la place sur les murs pour les posters d’Eduardo Camavinga.
Par Clément Gavard, à Rennes
Tous propos recueillis par CG sauf mentions